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Mon Top 15 de 2011


1. Melancholia (Lars Von Trier, Danemark)
2. Les Neiges du Kilimandjaro (Robert Guédiguian, France)
3. Tomboy (Céline Sciamma, France)
4. Le Gamin au vélo (Luc et Jean-Pierre Dardenne, Belgique)
5. Incendies (Denis Villeneuve, Canada)
6. Il était une fois en Anatolie (Nuri Bilge Ceylan, Turquie)
7. True Grit (Ethan et Joël Coen, Etats-Unis)
8. La Piel que habito (Pedro Almodovar, Espagne)
9. Le Havre (Aki Kaurismaki, France/Finlande)
10. Même la pluie (Iciar Bollain, Espagne)
11. Jimmy Rivière (Teddy Lussi-Modeste, France)
12. Un amour de jeunesse (Mia Hansen-Love, France)
13. Une séparation (Asghar Farhadi, Allemagne)
14. L'Apollonide (Bertrand Bonello, France)
15. The Artist (Michel Hazanavicius, France)

Viennent ensuite Le Tableau (Jean-François Laguionie, France), Rabbit Hole (John Cameron Mitchell, Etats-Unis), Scream 4 (Wes Craven, Etats-Unis), La Grotte des rêves perdus (Werner Herzog, France/Allemagne/Etats-Unis), L'Art d'aimer (Emmanuel Mouret, France), Habemus papam (Nanni Moretti, Italie), La Ballade de l'impossible (Tran Anh-Hung, Japon), Les Contes de la nuit (Michel Ocelot, France), Contagion (Steven Soderbergh, Etats-Unis), Avant l'aube (Raphaël Jacoulot, France), We want sex equality (Nigel Cole, Grande-Bretagne), Minuit à Paris (Woody Allen, Etats-Unis), Le Chat du rabbin (Joann Sfar, Antoine Delesvaux, France), La Fée (Dominique Abel, Fiona Gordon, Bruno Romy, Belgique), Tous au Larzac (Christian Rouaud, France) etc...
Version imprimable | Films de 2011 | Le Jeudi 29/12/2011 | 0 commentaires
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La fin des films de 2011

Article évolutif

  • Bien : Le Tableau (Jean-François Laguionie), Contagion (Steven Soderbergh), Le Cheval de Turin (Bela Tarr), Polisse (Maïwenn), Le Voyage extraordinaire (Serge Bromberg)
  • Pas mal : Shame (Steve McQueen), 17 filles (Delphine et Muriel Coulin), Hugo Cabret (Martin Scorsese)
  • Bof : Intouchables (Eric Toledano, Olivier Nakache)

LE TABLEAU (Jean-François Laguionie, 23 nov) LLL
Dans un tableau de maître vivent des personnages divisés en castes hiérarchisées : les Toupeins, entièrement peints et sertis de couleurs éclatantes, les Pafinis, auxquels il manque quelques touches de couleur, et les Reufs, de simples esquisses. Seuls les Toupeins jouissent du château central. Ecoeurés par ces inégalités et ces discriminations, trois de ces personnages vont partir à la recherche de l'auteur... Sur le fond, un joli conte social mâtiné d'une petite réflexion sur la peinture et la création artistique. Formellement, l'intelligence du récit se double d'une splendeur visuelle. Un grand plaisir pour tous les âges.

CONTAGION (Steven Soderbergh, 9 nov) LLL
Le film catastrophe est généralement un genre en soi à Hollywood. Mais ce film-ci échappe aux clichés du genre. Le point de départ ? Un virus, très virulent envers les êtres humains, et très contagieux... C'est donc à une catastrophe humanitaire mondiale que les personnages doivent faire face. Mais Steven Soderbergh évite tout sensationnalisme et préfère un hyperréalisme plus froid, dans la façon de montrer la progression du virus ou la prise des mesures sanitaires et décisions politiques pour y faire face. Un film adulte intelligent, comme Traffic du même réalisateur il y a 10 ans, où les stars du film (excellente distribution : Matt Damon, Kate Winslet, Laurence Fishburne, Marion Cotillard, Gwyneth Paltrow etc) ne survivront pas toutes à la pandémie...

LE CHEVAL DE TURIN (Bela Tarr, 30 nov) LLL
Six jours de la vie d'un vieux monsieur, paralysé d'un bras, et de sa fille qui vivent avec un cheval (leur seule richesse) dans une ferme isolée de la campagne (hongroise, on y boit de la palinka), en proie à la violence des éléments, surtout le vent. Le rituel du quotidien va-t-il pouvoir se poursuivre ? Si l'absence de tout confort paraît situer le film dans le passé (de plus, dans le prologue, une voix off relate qu'en 1889 Nietzsche est frappé par la démence après avoir enlacé un cheval maltraité à Turin, et fait le lien avec le cheval du film), le propos vise plutôt l'apocalypse à venir. Il pourrait s'agir d'un futur de dérèglement climatique et de pauvreté post-pétrolière, si aucune bifurcation n'a été anticipée et planifiée. D'ailleurs, au deuxième jour un voisin évoque ceux qui ont "tout accaparé et tout souillé". Mais outre le propos, si le film impressionne par moments, c'est aussi et surtout par la forme épurée : noir et blanc charbonneux, musique lancinante, dialogues réduits au minimum.

POLISSE (Maïwenn, 19 oct) LLL
Une plongée dans le quotidien de la brigade parisienne de protection des mineurs. Ce sujet pouvait laisser craindre le pire : voyeurisme, enfants utilisés comme faire-valoir des personnages principaux etc. Le film est très loin d'être parfait, mais évite la plupart du temps ces écueils. Si le film finit par convaincre, c'est à la longue par l'accumulation de scènes fortes. Maïwenn ne propose pas du tout une mise en scène rigoureuse, comme celle d'Entre les murs de Laurent Cantet, mais il y a bien un même effet de réel. Cela tient ici à l'énergie brouillonne et à un certain art instinctif du désordre organisé de la réalisatrice (déjà à l'oeuvre dans le Bal des actrices). Et paradoxalement aux performances de ses comédiens, tous professionnels : JoeyStarr est au-dessus du lot, mais Marina Foïs, Karin Viard, Frédéric Pierrot, Karole Rocher, Nicolas Duvauchelle, Sandrine Kiberlain, Louis-Do de Lencquesaing ne sont pas mal non plus...

LE VOYAGE EXTRAORDINAIRE (Serge Bromberg, 14 déc) LLL
Difficile de mettre une note à ce documentaire, tant il est inséparable de la ressortie en salles du Voyage dans la Lune de Georges Méliès, dans une version en couleurs. C'est l'histoire de cette entreprise titanesque de restauration qui est contée ici. Avec auparavant beaucoup de choses passionnantes sur la vie et l'oeuvre de Méliès, sur l'artisanat du cinéma dans les années 1900, avec notamment les témoignages de réalisateurs-cinéphiles d'aujourd'hui (Jean-Pierre Jeunet, Michel Hazanavicius, Michel Gondry), mais aussi sur les difficultés de conservation des films. Tout cela confère à l'oeuvre restaurée une magie et un caractère émouvant.

SHAME (Steve McQueen, 7 déc) LL
Le sujet est l'addiction au sexe de Brandon, un trentenaire new-yorkais (Michael Fassbender, extraordinaire), son ultra-moderne solitude, malgré sa réussite sociale (même si son job a l'air assez terrifiant !). Toute la force du film repose sur la mise en scène. Pas d'explication superflue, la caméra enregistre sans voyeurisme ni fausse pudeur les allées et venues de son personnage principal. Puis, lorsque Brandon recueille sa soeur errante (Carey Mulligan, une nouvelle fois excellente après Drive), le scénario devient plus rentre-dedans, voire un poil moralisateur. Assurément un réalisateur, Steve McQueen, à suivre.

17 FILLES (Delphine et Muriel Coulin, 14 déc) LL
17 lycéennes vont tomber enceintes simultanément, au grand dam des adultes (parents, personnels enseignants). Les deux réalisatrices ont transposé un fait divers américain à Lorient, la ville où elles ont grandi. L'histoire est un prétexte pour traiter de l'adolescence au féminin, les envies d'émancipation et de solidarité, mais aussi les comportements mimétiques vis-à-vis de la meneuse charismatique (Louise Grinberg, révélation). Le résultat est moins stylisé que Virgin Suicides de Sofia Coppola mais il y a un peu de cela, et le milieu social dans lequel elles évoluent n'est pas le même. Un joli coup d'essai.

HUGO CABRET (Martin Scorsese, 14 déc) LL
Dans les années 30, un fils d'horloger devenu orphelin fait connaissance, à la gare Montparnasse, avec un vieux marchand de jouets, Georges Méliès... Le film est d'abord boursouflé (notamment un travelling avant entièrement numérique digne d'une publicité), même la 3D n'est pas spécialement élégante. C'est le scénario qui finit par emporter le morceau de ce film d'aventures pour enfant, avec l'histoire véridique de Méliès, le réalisateur du Voyage dans la Lune. Les scènes les plus belles sont d'ailleurs des extraits des films de l'enfance de l'art cinématographique. On reconnaît d'ailleurs davantage le Scorsese cinéphile que le Scorsese grand cinéaste.

INTOUCHABLES (Eric Toledano, Olivier Nakache, 2 nov) L
Difficile de comprendre le phénomène de société autour de film. La trame générale peut-être, cette histoire d'amitié entre un riche paraplégique et un jeune-des-banlieues ? En tout cas, le film accumule les clichés (plusieurs par minute !), et en revanche il n'y a aucune idée de cinéma, que des vannes. Donc un résultat aussi ennuyeux que démagogique.
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Les films de novembre 2011 (et quelques autres)

Ne pas oublier "Les Neiges du Kilimandjaro" et "Tous au Larzac" déjà prélablement chroniqués !
  • Bien : Il était une fois en Anatolie (Nuri Bilge Ceylan), Le Havre (Aki Kaurismaki), L'Art d'aimer (Emmanuel Mouret), L'Exercice de l'Etat (Pierre Schoeller), Les Géants (Bouli Lanners)
  • Pas mal : Toutes nos envies (Philippe Lioret), Bonsaï (Cristian Jimenez), Jeanne captive (Philippe Ramos)
  • Bof : Time out (Andrew Niccol), Les Aventures de Tintin : Le secret de la Licorne (Steven Spielberg), La Femme du Vème (Pawel Pawlikowski)

IL ETAIT UNE FOIS EN ANATOLIE (Nuri Bilge Ceylan, 2 nov) LLL
Cela commence comme un polar. Trois véhicules sillonnent à la nuit tombée les steppes turques, à la recherche d'un cadavre. Mais assez vite, on s'aperçoit que l'enjeu du film est plus profond que cela. Au fil des pérégrinations et des discussions, on apprend à connaître tous ces personnages : procureur, médecin légiste, commissaire, criminel présumé... Une méditation sur l'âme humaine (notamment via une discussion récurrente entre le procureur et le médecin légiste) et la vie en société, comme elle est organisée en Turquie ou ailleurs. La forme est au diapason : le film dure 2h37, mais on ne voit pas le temps passer, hypnotisés par des plans d'une grande densité et d'une grande beauté formelle (comme toujours chez Nuri Bilge Ceylan), qui concourent à la tension constante. Sans doute la plus grande réussite du cinéaste à ce jour, logiquement récompensée au dernier festival de Cannes (Grand-Prix du jury ex-aequo).

LE HAVRE (Aki Kaurismaki, 21 déc) LLL
Décidément, la ville du Havre continue de fasciner les cinéastes du nord de l'Europe. Après Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy (La Fée), c'est au tour d'Aki Kaurismaki d'y installer sa nouvelle fable sociale. Marcel Marx (André Wilms) est un cireur de chaussures qui vit de façon modeste avec sa femme Arletty (Kati Outinen). Son existence tranquille va être ébranlée par le jeune Idrissa, échappé d'un conteneur plein de clandestins africains et qui trouve refuge chez lui, alors qu'Arletty est hospitalisée... Le sujet est on ne peut plus contemporain et tragique, mais Aki Kaurismaki en fait un conte intemporel, en même temps qu'un précipité du meilleur de son univers. On reconnaît les couleurs saturées à souhait, la dignité magnifique des marginalisés du système, un rockeur au grand coeur en tête (Little Bob), la fraternité et l'espérance des gens de peu... Et pour son premier tournage en France, le cinéaste s'est amusé à convoquer pour les seconds rôles Jean-Pierre Darroussin, Pierre Etaix, Jean-Pierre Léaud. Un joli cadeau !

L'ART D'AIMER (Emmanuel Mouret, 23 nov) LLL
Beaucoup de personnages dans le nouveau film d'Emmanuel Mouret. Pour autant ce n'est pas un film choral, mais plutôt un film à sketches. Dénominateurs communs : le sentiment amoureux et la sexualité, disséqués dans leurs maladresses ou leurs paradoxes apparents. Emmanuel Mouret possède surtout l'art de décaler. On s'amuse de ces personnages qui commentent la plupart du temps avec une désarmante sincérité leurs moindres faits et gestes (mention spéciale à Frédérique Bel, une habituée du cinéaste, mais il faudrait citer aussi François Cluzet, Judith Godrèche, Laurent Stocker, Julie Depardieu, Gaspard Ulliel, Elodie Navarre...). Formellement, le film est assez théâtral, les personnages entrant et sortant du cadre sans cesse (caméra malicieuse). Bref une comédie modeste, élégante et savoureuse.

L'EXERCICE DE L'ETAT (Pierre Schoeller, 26 oct) LLL
Et si le film corrosif sur la politique montré à Cannes cette année, c'était celui-là (et non La Conquête) ? Aucun souci de ressemblance ici, mais de vraisemblance certainement. Un ministre des Transports, plutôt de centre-droit à l'intérieur d'un gouvernement néolibéral, s'oppose au projet de privatisation des gares proposé entre autres par son collègue des Finances... Que va-t-il rester des convictions politiques dans l'exercice du pouvoir ? C'est le sujet de ce film, ouvert à diverses interprétations, c'est sa force et sa faiblesse. Olivier Gourmet est magistral dans le rôle principal, Michel Blanc est également excellent dans le rôle de son chef de cabinet. La morale que je tire subjectivement du film, à six mois des échéances de 2012, ce serait qu'aucune personnalité du Front de Gauche n'aurait intérêt à accepter un poste ministériel dans un gouvernement dominé par un PS qui veut donner du sens à la rigueur...

LES GEANTS (Bouli Lanners, 2 nov) LLL
Abandonnés à leur sort par leur mère, deux frères adolescents, en vacances dans la maison de leur grand-père, doivent subvenir seuls à leurs besoins, et font la connaissance d'un voisin du même âge ou presque (ils ont tous les trois entre 13 et 15 ans). Plutôt que de suivre un scénario ultrabalisé, le film vagabonde nonchalamment au gré de scènes parfois déroutantes mais souvent convaincantes, à l'image de l'adolescence masculine, un thème que le cinéaste a bien apprivoisé. Dénué de toute belgitude folklorique, le film déroule son action dans la campagne wallonne, magnifiée par le Scope. Si l'arrière-plan, notamment social, est assez cruel, Bouli Lanners assume un côté conte initiatique et fait référence explicitement à La Nuit du chasseur (même si les registres des deux films sont très différents). Géant non mais réussi oui.

TOUTES NOS ENVIES (Philippe Lioret, 9 nov) LL
Claire (Marie Gillain), juge d'instance révoltée par les drames du surendettement, prend fait et cause pour Céline (Amandine Dewasmes), jeune mère célibataire acculée par les organismes de crédit. Elle demande l'aide de Stéphane (Vincent Lindon), juge chevronné mais désenchanté. Leur collaboration va se renforcer face aux urgences, sociale ou d'un autre ordre... Philippe Lioret, bon faiseur parfois très inspiré (Mademoiselle, Welcome), signe ici un mélodrame sobre et pudique, avec des interprètes attachants, au diapason de cette exigence. Si réserve il y a, elle ne concerne pas la forme, mais plutôt le fond : juridiquement parlant, la lettre adressée à la Cour de justice des communautés européennes semble très naïve, et ce qui s'en suit aussi...

BONSAÏ (Cristian Jimenez, 9 nov) LL
Une chronique sentimentale, mais aussi littéraire et même botanique. Eternel étudiant, Julio, secrétaire précaire, décide d'écrire un roman, faisant croire à sa voisine, avec qui il est plus ou moins en couple, qu'il n'est pas de lui. Il s'inspire de son premier amour avec Emilia, 8 ans plus tôt, lorsque chacun faisait croire à l'autre qu'il avait lu Proust... Construit en petits chapitres, le film fait de nombreux (trop ?) allers-retours entre passé et présent. Faute d'un style suffisamment enlevé (n'est pas Rohmer ou Woody Allen qui veut !), on a parfois le sentiment de suivre des personnages enfermés dans leur bulle. Mais le film touche plus d'une fois et distille un indéniable charme.

JEANNE CAPTIVE (Philippe Ramos, 16 nov) LL
Après Capitaine Achab, Philippe Ramos s'attaque à un autre mythe : Jeanne d'Arc. Si en matière de narration il fait les mêmes choix de séquences qui font bloc entre deux ellipses, le cinéaste change un peu de style, avec moins de plans-séquences et plus de gros plans. Cela sied plutôt bien au sujet : la période de captivité de Jeanne d'Arc, passée du statut de quasi sainte à celui d'hérétique. Il y a les passages obligés (les voix, qu'elle n'entend plus, le bûcher). Le résultat est néanmoins plus fragile qu'à l'accoutumée et moins subtile (bonjour le mysticisme), même si la sensualité de Clémence Poésy et la puissance des images (loin de toute reconstitution ripollinée) est à porter au crédit du film.

TIME OUT (Andrew Niccol, 23 nov) L
Quatrième film d'Andrew Niccol, et première déception. Ce n'est pas dû au thème traité. Time is money, littéralement. Le temps est devenu l'unité monétaire. Au-delà de l'âge de 25 ans, il faut payer pour vivre. Et tant qu'on vit, on garde l'apparence de ses 25 ans... Le film se veut une critique de l'accumulation capitaliste et de la société inégalitaire engendrée, ainsi qu'une réflexion sur la quête de l'immortalité. Sur le papier, c'est très bien. Sur l'écran, on voit une série B assez désincarnée, très peu inventive, et pas à la hauteur de son sujet ni des précédents films du réalisateur.

TINTIN : LE SECRET DE LA LICORNE (Steven Spielberg, 26 oct) L
C'est comme si Steven Spielberg avait perdu ses talents de conteur, ne savait plus jouer avec l'attente des spectateurs (comme au temps de Rencontres du troisième type par exemple, que j'ai revu récemment). Il a voulu profiter de la 3D pour filmer des scènes de poursuite avec des angles impossibles en prises de vues réelles : cela fait l'effet d'une surenchère qui mine tout sentiment de vraisemblance. La VO n'arrange rien : Tintin se prononce "tinne-tinne" et les Dupondt s'appellent Thomson. Reste le procédé de la motion capture, qui donne une réelle expressivité aux visages, surtout celui du capitaine Haddock.

LA FEMME DU VEME (Pawel Pawlikowski, 16 nov) L
Tom, un écrivain américain séparé de sa femme et de sa fille, vient à Paris. C'est le début d'une sorte de descente aux enfers, entre hôtels miteux et parkings souterrains douteux... Le réalisateur, dont j'avais beaucoup aimé My summer of love (2005), sait planter un décor, certains personnages (comme la jeune employée polonaise de l'hôtel). Mais l'histoire, déjà hésitante pendant la première heure, va basculer dans le n'importe quoi (et le déjà vu) dans la dernière ligne droite. Dommage !
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Les films de la rentrée et quelques autres

  • Bravo : Les Neiges du Kilimandjaro (Robert Guédiguian)
  • Bien : L'Apollonide (Bertrand Bonello), The Artist (Michel Hazanavicius), Take shelter (Jeff Nichols), Tous au Larzac (Christian Rouaud), De bon matin (Jean-Marc Moutout)
  • Pas mal : Un été brûlant (Philippe Garrel), Poulet aux prunes (Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud), Restless (Gus Van Sant), Drive (Nicolas Winding Refn), Another earth (Mike Cahill), Gasland (Josh Fox), Le Skylab (Julie Delpy)
  • Bof : Putty Hill (Matt Porterfield), Attenberg (Athina Rachel Tsangari)

LES NEIGES DU KILIMANDJARO
(Robert Guédiguian, 16 nov) LLLL
Marseille. Au port, deux délégués syndicaux tirent au sort les 20 licenciés de la boîte dans laquelle ils travaillent. L'un deux (Jean-Pierre Darroussin) fait partie du lot. Proche de la retraite, il se satisfait de son bonheur auprès de son épouse (Ariane Ascaride), avec laquelle ils fêtent leurs 30 ans de mariage, de son rôle de grand-père, et de ses souvenirs de syndicaliste engagé. Jusqu'au jour où... Après s'être essayé depuis dix ans à différents genres, notamment le film noir (Lady Jane) ou la reconstitution historique (L'Armée du crime), Robert Guédiguian revient sur ses terres avec une comédie dramatique relevée (les scènes de comédie et de drame sont franches et se succèdent sans se mélanger). Une fable politique et sociale aiguisée et néanmoins subtile, dans laquelle chacun a ses raisons, mais n'a pas toujours raison. Un film qui fait du bien (c'est l'humain d'abord), par un grand cinéaste et grand directeur d'acteurs (c'est un plaisir de retrouver les habitués : Darroussin, Ascaride, Meylan, mais aussi Maryline Canto, Anaïs Demoustier, Julie-Marie Parmentier ou Grégoire Leprince-Ringuet).

L'APOLLONIDE (Bertrand Bonello, 21 sep) LLL
Nous suivons le quotidien d'une dizaine de pensionnaires d'une maison close en 1899-1900. Ce n'est pas une vision romantique cliché que nous livre Bertrand Bonello, mais bien une vision féministe. Tout est filmé du point de vue des prostituées, les corps parfois dénudés ne sont pas érotisés. Bien sûr on ne peut ignorer la volupté ressentie par les riches clients de l'établissement. Mais ce qui est montré avant tout, c'est l'inégalité des rapports hommes-femmes dans toutes ses dimensions, que ce soit par rapport à la richesse et à l'argent, aux plaisirs donnés et reçus, à la place dans la société. Mais aussi les espoirs de ces jeunes femmes, leur solidarité, et les risques du métier (maladie, violence)... Excellentes et audacieuses prestations d'ensemble, notamment de Hafsia Herzi, Jasmine Trinca, Adèle Haenel, Céline Sallette ou Alice Barnole.

THE ARTIST (Michel Hazanavicius, 12 oct) LLL
Parcours croisés à Hollywood, lors du passage au parlant, à la fin des années 20, entre une star du muet qui périclite (Jean Dujardin) et une figurante qui monte (Bérénice Béjo). Le scénario peut faire penser à Chantons sous la pluie, classique indépassable. Mais le traitement est différent puisque Michel Hazanavicius, réalisateur cinéphile de deux OSS 117, choisit d'en faire un film muet en noir et blanc, avec les procédés cinématographiques de l'époque. Habitué des ciné-concerts au festival de La Rochelle, j'ai beaucoup apprécié cet hommage sincère au genre, plein de références, de jolies trouvailles visuelles et de mise en scène (exercice de style réussi), mais aussi le jeu plein de tous les interprètes, secondaires comme principaux, qui permettra, je l'espère, au film de rencontrer son public d'aujourd'hui.

TAKE SHELTER (Jeff Nichols, 7 déc) LLL
Le personnage principal, Curtis, est un ouvrier (ce n'est pas si fréquent dans le cinéma américain). Marié et père d'une petite fille, il est en proie à des rêves qu'il suppose prémonitoires, des visions d'apocalypse imminente, et est obsédé par l'idée d'en protéger les siens. Comme Melancholia de Lars Von Trier, le film associe maladie mentale et catastrophe céleste. Mais le traitement est différent. Jeff Nichols montre notamment les conséquences sociales de la maladie (ou du don) de Curtis, pour quelqu'un de son milieu. Le film vaut pour son interprétation (Michael Shannon, extraordinaire, et Jessica Chastain très bien en épouse douce et mélancolique, comme dans Tree of life), et surtout pour le brio de la mise en scène, digne des meilleurs films d'angoisse.

TOUS AU LARZAC (Christian Rouaud, 23 nov) LLL
Après l'excellent documentaire Les Lip, l'imagination au pouvoir (2007), Christian Rouaud revient sur une autre lutte emblématique des années 70 : celle des paysans du Larzac contre l'extension du camp militaire. Ce nouveau film a à peu près les mêmes qualités que le précédent, avec le même parti pris de laisser la parole aux protagonistes de la lutte. In fine la solution politique définitive a été la victoire de la gauche aux présidentielles de 1981... Inspirant pour certaines luttes actuelles (contre les gaz de schiste ou contre le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes).

DE BON MATIN (Jean-Marc Moutout, 5 oct) LLL
De bon matin, Paul, un cadre bancaire se prépare en silence pour ne pas réveiller sa femme, va au boulot... et abat deux de ses supérieurs. Comment en est-il arrivé là ? C'est ce que va révéler la suite du film, construite en flash-backs. S'il y a des allusions claires à la crise financière actuelle, Jean-Marc Moutout va plus loin et, comme dans Violence des échanges en milieu tempéré, son premier film en 2004, il osculte plus en profondeur le capitalisme actuel, et ses nouvelles méthodes de management en particulier. Mais le film n'est pas une simple démonstration politique, c'est aussi un suspense psychologique, où Paul (Jean-Pierre Darroussin, impressionnant de bout en bout) est aussi montré au sein de sa famille.

UN ETE BRÛLANT (Philippe Garrel, 28 sep) LL
Sous les yeux d'un couple d'amis, un jeune peintre (Louis Garrel) marié à une superbe actrice de cinéma (Monica Bellucci) se laisse envahir par une jalousie maladive. Philippe Garrel nous livre un nouveau film sur les passions, intimes voire narcissiques mais aussi collectives (on y discute aussi de révolution). Après le décès de William Lubchantsky, responsable des magnifiques noirs et blancs des deux derniers films du cinéaste, Philippe Garrel a opté pour d'intenses couleurs chaudes. Une vraie réserve toutefois : c'est le second couple (Céline Sallette, et Jérôme Robart, excellents) qui émeut plus que le couple principal, Monica Bellucci peinant à sortir d'un statut d'icône.

POULET AUX PRUNES (Marjane Satrapi, 26 oct) LL
Après Persépolis, Marjane Satrapi adapte une autre de ses bandes dessinées, toujours avec l'aide de son complice Vincent Paronnaud. Mais cette fois-ci, ils ont réalisé un film en chair et en os (à quelques séquences près). C'est l'histoire d'un musicien qui, dans le Téhéran de la fin des années 50, a le coeur brisé après que sa femme a détruit son violon. Il se laisse mourir. Une série de flash-backs va nous permettre de comprendre son histoire. Cette suite de sketchs est l'intérêt et la limite du film : les auteurs varient le style à loisir, mais la recherche permanente du détail drôlatique empêche le film d'atteindre l'émotion que son sujet pourrait susciter. Très plaisant mais pas bouleversant.

RESTLESS (Gus Van Sant, 21 sep) LL
Le solitaire Enoch ne pense qu'à la mort (il s'incruste dans des enterrements dont il ne connait pas le disparu) ; la jolie Annabel, atteinte d'une tumeur au cerveau, adore la vie, et se passionne pour les théories de Darwin. Tout justes sortis de l'enfance, ces deux-là vont pourtant s'aimer et défier le monde et la maladie... Le sujet, une commande, est très casse-gueule, mais Gus Van Sant s'en sort plutôt bien. Laissant la plupart des souffrances hors champ, et malgré un personnage secondaire fantomatique peu convainquant, il réalise un mélo ténu, pudique mais vibrionnant.

DRIVE (Nicolas Winding Refn, 5 oct) LL
On l'appelle simplement "The Driver", ultradoué il est cascadeur pour Hollywood le jour, et fait le chauffeur pour des truands (qui font des casses) la nuit. Avec son propre code de bonne conduite. Une romance avec sa voisine, dont le mari est en prison, va rompre cet équilibre... Cela aurait pu donner un film noir à la James Gray. Mais le réalisateur préfère en faire une série B, avec de vrais accès de violence dans la deuxième partie, ce qui limite un peu le plaisir. Toutefois c'est un exercice de style réussi et salué comme tel (prix de la mise en scène à Cannes), avec de belles scènes nocturnes et le retour dans un second rôle de Ron Perlman, le bossu du Nom de la rose.

ANOTHER EARTH (Mike Cahill, 12 oct) LL
Le jour de la découverte d'une autre Terre, totalement identique à la nôtre, Rhoda, une jeune diplômée, est responsable d'un accident de la route qui tue l'épouse et le fils de John, un musicien et compositeur renommé. A sa sortie de prison, quelques années plus tard, Rhoda va tenter d'aborder John, alors que la planète s'est rapprochée... Bien sûr le film n'a pas la puissance de feu de Melancholia de Lars Von Trier, mais ce mélo SF, en mode mineur mais original, variation sur le deuil, la culpabilité et la rédemption, distille un certain charme...

GASLAND (Josh Fox, 6 avr) LL
Le documentaire de référence sur l'exploitation des gaz de schiste aux Etats-Unis. Certaines scènes sont édifiantes. Le film aurait gagné à un peu plus de rigueur, et cinématographiquement on a déjà vu des documentaires militants mieux construits. Mais il faut rendre gré à l'équipe d'avoir autorisé des diffusions, parfois partielles, de ce film, dans les réunions d'information sur les gaz de schiste en France dès le début de l'année, et d'avoir ainsi contribué à la réussite des mobilisations.

LE SKYLAB (Julie Delpy, 5 oct) LL
Le titre fait référence à une station spatiale qui menaçait de se désintégrer au-dessus de la France à l'été 1979. Cela fait réfléchir Albertine, une fille de onze ans, que l'on suit pendant un week-end en famille en Bretagne, chez sa grand-mère, avec ses parents intellos de gauche, ses oncles et tantes, certains très à droite, ses cousins... Quelques moments salés, mais le tout est filmé de façon assez plate et assez foutraque. Heureusement qu'il y a les interprètes, notamment Eric Elmosnino, Julie Delpy, Bernadette Lafont, Aure Atika ou Valérie Bonneton...

PUTTY HILL (Matt Porterfield, 7 sep) L
Dans l'Amérique des laissés-pour-compte, un jeune drogué meurt. Ses amis et sa famille se rassemblent... Cela aurait pu être un équivalent social américain indépendant de La Vie des morts d'Arnaud Desplechin. Le film oscille avec plus ou moins d'adresse entre fiction et documentaire. Mais, à part dans une jolie scène d'enterrement-karaoké (!), il souffre d'un manque de souffle évident. Le manque de moyens explique peut-être en partie cela, mais le film aurait gagné à être plus ramassé encore. Dommage.

ATTENBERG (Athina Rachel Tsangari, 21 sep) L
Une jeune fille, la vingtaine largement passée, dont le père est malade, se tient à l'écart des garçons. Elle passe son temps devant des documentaires animaliers ou avec sa meilleure amie avec laquelle elle écoute de vieux tubes de Françoise Hardy et apprend à embrasser... Pourquoi pas, mais le film aurait gagné à plus de chaleur humaine, ou au contraire à plus de distance ironique, comme Canine, un autre film d'auteur grec récent, l'avait réussi. Là, on est dans un entre-deux très insatisfaisant.
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Les films de l'été 2011

(sortis entre le 20 juin et le 20 septembre)


  • Chef d'oeuvre absolu : Melancholia (Lars Von Trier)
  • Bien : La Piel que habito (Pedro Almodovar), Un amour de jeunesse (Mia Hansen-Love), La Grotte des rêves perdus (Werner Herzog), Habemus Papam (Nanni Moretti), Les Contes de la nuit (Michel Ocelot), La Fée (Dominique Abel, Fiona Gordon, Bruno Romy), Pater (Alain Cavalier)
  • Pas mal : Super 8 (J.J. Abrams), La Guerre est déclarée (Valérie Donzelli), La Dernière piste (Kelly Reichardt), Présumé coupable (Vincent Garenq), Michel Petrucciani (Michael Radford), Les Bien-aimés (Christophe Honoré)
  • Hélas : L'Art de séduire (Guy Mazarguil)

MELANCHOLIA (Lars Von Trier, 10 aou) LLLLL
Première partie : Justine (Kirsten Dunst) se marie et donne une réception dans la somptueuse propriété de sa sœur (Charlotte Gainsbourg). Deuxième partie : la planète Melancholia entre dans le système solaire et risque de frôler la Terre, selon les scientifiques les plus optimistes... Un film de science-fiction qui ne ressemble à aucun autre, et qui commence comme une farce familiale à la Festen, en moins outrée. Lars Von Trier a créé une atmosphère très singulière, et même un univers particulier et tient la note jusqu'au bout. Un film catastrophe et intime à la fois. Des images splendides et une Kirsten Dunst insondable (prix d'interprétation mérité à Cannes, en dépit de la conférence de presse désastreuse du cinéaste, digne d'une séquence des Idiots et qui l'a sans doute privé de la Palme d'or !).

LA PIEL QUE HABITO (Pedro Almodovar, 17 aou) LLL
Depuis que sa femme a été victime de brûlures dans un accident de voiture, le docteur Ledgard (Antonio Banderas), éminent chirurgien esthétique, se consacre à la création d'une nouvelle peau grâce à laquelle il aurait pu la sauver. Dans la grande propriété isolée dans laquelle il travaille, une jeune femme (Elena Anaya) est séquestrée... C'est le début du nouveau film d'Almodovar, qui marche sur les traces de Franju (Les Yeux sans visage), mais son registre est le suspense psychologique et non l'effroi. Après coup, on se dit que les couleurs sont moins pétaradantes et les dialogues plus discrets que dans bon nombre des films du cinéaste. En fait, Almodovar adapte son style à l'histoire qu'il raconte. Et son sens de la narration, de la construction scénaristique, fait une nouvelle fois merveille.

UN AMOUR DE JEUNESSE (Mia Hansen-Love, 6 juil) LLL
Le film est une sorte de triptyque centré sur Camille, une jeune fille de 15 ans (puis 19 puis 23), et ses amours. Dans la première partie, elle aime intensément Sullivan, peu ou prou du même âge qu'elle. Ils se séparent, lui entamant un voyage en Amérique du Sud. Puis vient la première ellipse. Et là, le film, jusque là plutôt décevant par rapport aux deux premiers de la jeune cinéaste, se métamorphose, comme son héroïne (Lola Creton, 16 ans lors du tournage, impressionnante). Tout devient grâcieux, lumineux, à l'image des cours d'architecture que suit Camille. L'amour est le coeur de ce film, qui en explore toutes les profondeurs, tout en l'inscrivant dans des scènes de la vie quotidienne, comme chez Assayas (Fin août, début septembre). Ces amours sont d'autant plus crédibles qu'ils sont relativement avares de mots : le film ne repose pas sur des dialogues surécrits, tout passe par la mise en scène...

LA GROTTE DES RÊVES PERDUS (Werner Herzog, 31 aou) LLL
Werner Herzog, le réalisateur de Aguirre, la colère de Dieu et Fitzcarraldo, nous fait visiter, en 3D, la grotte Chauvet, découverte en 1994 et immédiatement interdite au public. Grâce à une myriade de spécialistes divers (archéologues, paléontologues, historiens d'art...), il tente de percer le mystère des splendides peintures rupestres du lieu, deux fois plus anciennes que celles de Lascaux, puisque remontant à plus de 30000 ans avant notre ère. Une belle méditation artistique et anthropologique...

HABEMUS PAPAM (Nanni Moretti, 7 sep) LLL
Après la mort du pape, le Conclave élit son successeur. Les favoris n'ayant pu se départager, c'est un outsider qui est élu. Mais ce cardinal ne supporte pas le poids d'une telle responsabilité. On fait appel à un psy... Sans réaliser le film à charge sur le Vatican qu'on attend de lui, Nanni Moretti filme avec une ironie discrète le choc savoureux entre les dogmes religieux et la psychanalyse. Il faut dire que c'est Michel Piccoli (impérial !) qui joue le pape défaillant et Moretti le psy... Sans être aussi magistral que les deux derniers films du cinéaste (La Chambre du fils, Le Caïman), celui-ci est d'une grande finesse et très plaisant.

LES CONTES DE LA NUIT (Michel Ocelot, 20 juil) LLL
Deux ados (un garçon et une fille) et un vieil homme, dans un théâtre de banlieue, mettent en scène six contes de toutes époques et de toutes latitudes. Le fait de se limiter à des histoires courtes donne à chacun de ces courts-métrages une impression d'épure. Michel Ocelot est un formidable conteur, plutôt malicieux. La technique utilisée est celle du théâtre d'ombres ou ombres chinoises : les personnages sont tout en noir devant des décors aux couleurs éclatantes mais jamais criantes. Ce qui donne au film une vraie poésie et une grande beauté plastique.

LA FEE (Dominique Abel, Fiona Gordon, Bruno Romy, 14 sep) LLL
Le nouveau film des réalisateurs de L'Iceberg et Rumba... Dom est veilleur de nuit dans un petit hôtel du Havre. Un soir, une femme arrive à l'accueil sans valise, pieds nus. Elle s'appelle Fiona, elle est une fée, et lui accorde trois souhaits. Dom lui en demande deux, réalisés dès le lendemain... Difficile de dire autre chose de l'intrigue, qui n'a d'ailleurs pas une importance capitale et est surtout prétexte à des gags parfois très acrobatiques et sophistiqués. Formellement, par rapport aux films précédents, on note une mise en scène plus découpée (plus de travellings, moins de plans-séquences fixes).

PATER (Alain Cavalier, 22 juin) LLL
Alain Cavalier joue au Président de la République et convoque Vincent Lindon pour faire son Premier ministre. Tous deux travaillent à la mise en place d'un salaire maximum. Le film est une sorte d'ovni, on y voit tour à tour les deux compères dans leur vraie vie (ou supposé telle), répétant leur rôle, ou en plein dans leur fiction, sans que le statut des images soit complètement défini... Derrière l'exercice de style ludique, une belle double réflexion : cinéphile (sur la forme) et citoyenne et politique (sur le fond : comment affronter l'oligarchie et réduire les inégalités). Plaisant.

SUPER-8 (JJ Abrams, 3 aou) LL
Nous sommes en 1979 (un reportage télévisé sur la catastrophe nucléaire de Three Mile Island en atteste). Un groupe de garçons d'une douzaine d'années réalisentent en super-8 un film de zombies et recrutent une fille un peu plus âgée qu'eux. Lors d'un tournage dans une gare désaffectée, ils sont témoins d'une catastrophe ferroviaire surnaturelle... Le film est un véritable hommage cinéphile au cinéma de Spielberg d'il y a 30 ans (nombreux emprunts, E.T. en tête, jusque dans les jeux de lumière). Les personnages sont subtils, de plus les spectateurs qui étaient enfants ou ados à l'époque retrouveront les jeux d'avant le numérique : bicross, talkie-walkie, rubik's cube... Néanmoins, des avalanches d'effets spéciaux gâchent un peu la fête. Et puis surtout Abrams est un moins bon conteur que son maître. Il se rattrape heureusement de façon artisanale à la toute fin du film (ne pas partir pendant le générique de fin).

LA GUERRE EST DECLAREE (Valérie Donzelli, 31 aou) LL
L'histoire autobiographique d'un jeune couple de trentenaires en prise avec la maladie grave de leur enfant... Le film est parfois maladroit dans sa forme, avec des essais sympathiques mais pas toujours transformés, notamment dans l'utilisation de la musique. Néanmoins, les rebondissements médicaux finissent par être assez efficaces. Surtout, l'intérêt du film, et son style, se situe dans les réactions des personnages : le couple vedette bien sûr (Valérie Donzelli, Jérémie Elkaïm), mais aussi leurs proches et les médecins (beaucoup de personnages secondaires très bien).

LA DERNIERE PISTE (Kelly Reichardt, 22 juin) LL
En 1845, une caravane de pionniers engage un guide pour trouver leur route à travers les montagnes de l'Oregon. Mais ils se perdent bientôt dans un désert de pierre... Le sujet pourrait être celui d'un western, mais le traitement est plus naturaliste. Kelly Reichardt s'attarde évidemment sur les paysages, mais aussi et surtout aux gestes du quotidien. En particulier les femmes jouent un grand rôle (Michelle Williams en tête) et négocient, ne se contentant pas de régler l'intendance. La lenteur du film, délaissé de toute scène d'action, peut néanmoins gêner sur la durée.

PRESUME COUPABLE (Vincent Garenq, 7 sep) LL
Tout le monde se souvient de l'affaire d'Outreau. D'abord un fait divers sordide, ensuite une énorme erreur judiciaire. Le film est centré sur le calvaire d'Alain Marécaux, d'après son livre-témoignage. C'est l'émotion qui est recherchée (avec un Philippe Torreton concerné) plus que la réflexion. Très peu d'idées de cinéma mais une réalisation nerveuse et assez efficace. Utile ? Peut-être, les déluges de lois sécuritaires et l'usage disproportionné de la détention préventive ayant continué à se développer depuis le scandale...

MICHEL PETRUCCIANI (Michael Radford, 17 aou) LL
Emouvant documentaire qui, grâce aux images d'archives et aux témoignages de ses proches (notamment ses anciennes compagnes), retrace la vie et l'oeuvre de Michel Petrucciani. Encore que l'oeuvre soit un peu délaissée ici (les extraits musicaux sont assez courts). Reste un pianiste d'exception aux prouesses techniques impressionnantes, et qui a combattu son handicap par une personnalité hors du commun. Une étoile filante.

LES BIEN-AIMES (Christophe Honoré, 24 aou) LL
Le film commence en 1963 et s'achève en 2008, en suivant l'itinéraire de Madeleine (Ludovic Sagnier puis Catherine Deneuve) et de sa fille (Chiara Mastroianni). Les personnages sont plutôt intéressants. Par contre, l'incorporation de moments historiques (intervention des chars russes après le printemps de Prague, attentats du 11 septembre 2001) paraît forcée. Et surtout la forme choisie (comédie musicale) ne semble pas d'une impérieuse nécessité (contrairement aux Chansons d'amour), malgré la signature d'Alex Beaupain pour les chansons. Christophe Honoré a certes soigné ses références (Demy, Nouvelle vague) mais un peu bâclé son film.

L'ART DE SEDUIRE (Guy Mazarguil, 27 juil) o
C'est l'histoire d'un psy qui va enfin pouvoir draguer une de ses patientes, qui met fin à sa thérapie... Pour confirmer la théorie de la relativité, les scientifiques attendent la preuve d'une matière invisible mais très pesante par rapport à la masse totale de l'univers. Ce film fait peut-être partie de la solution de l'énigme : il est inregardable et d'une lourdeur rarement atteinte...
Version imprimable | Films de 2011 | Le Vendredi 16/09/2011 | 0 commentaires
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Suite des films de l'année 2011 (fête du cinéma)

Le Gamin au vélo et 13 autres

  • Bravo : Le Gamin au vélo (Jean-Pierre et Luc Dardenne)
  •  
  • Bien : Une séparation (Asghar Farhadi), La Ballade de l'impossible (Tran Anh Hung), Minuit à Paris (Woody Allen), Le Chat du rabbin (Joann Sfar, Antoine Delesvaux), Prud'hommes (Stéphane Goël), Women without men (Shirin Neshat), The Tree of life (Terrence Malick)
  •  
  • Pas mal : Beginners (Mike Mills), Belleville Tokyo (Elise Girard), Blue Valentine (Derek Cianfrance), American translation (Pascal Arnold, Jean-Marc Barr)
  •  
  • Bof : La Conquête (Xavier Durringer), Voir la mer (Patrice Leconte)

LE GAMIN AU VELO (Luc et Jean-Pierre Dardenne, 18 mai) LLLL
Cyril, un gamin de douze ans, placé dans un foyer par son père (Jérémie Rénier, habitué des Dardenne), qui l'abandonne, plus ou moins provisoirement, se révolte. Plein de rage et d'énergie, il est recueilli le week-end par Samantha, une coiffeuse rencontrée par hasard et qui va tenter de jouer le parent de substitution. Les deux cinéastes réalisent leur meilleur film depuis Rosetta. On y trouve tout ce qu'on aime chez eux : un scénario en état d'urgence, des personnages saisis au présent et en perpétuel mouvement. Mais aussi une mise en scène magistrale : par exemple lorsque l'enfant fait irruption dans l'ancien appartement de son père, la caméra ne laisse pratiquement rien voir de cet appartement, mais on comprend tout. Les deux frères ont gagné en confiance, et leur cinéma a gagné en ampleur : plans-séquences qui n'abusent plus de la caméra à l'épaule (contrairement à certains de leurs films précédents), utilisation, encore très parcimonieuse, de musique, et casting audacieux, avec Cécile de France, remarquable dans le rôle de Samantha.

UNE SEPARATION (Asghar Farhadi, 8 juin) LLL
Iran, aujourd'hui. Un couple, qui a une fille de 11 ans, divorce : elle veut partir à l'étranger, lui veut rester pour s'occuper de son père atteint de la maladie d'Alzheimer. Il embauche une employée à domicile pour s'occuper de ce dernier... C'est le début d'une succession de scènes de la vie quotidienne, filmées comme un documentaire. Mais petit à petit se met en place un drame, et un suspense psychologique et moral implacable, entre deux familles de classes sociales différentes et un rapport à la religion qui n'est pas le même non plus. L'émouvant, c'est que chacun a ses raisons, il n'y a pas de gentils et de méchants dans cette confrontation. Chacun fait le plus souvent preuve de sincérité, avec des exceptions à la règle (qui sont au coeur du suspense). Mais certains sont mieux armés que d'autres... Formellement, la mise en scène est brillante : par exemple, rien n'est gratuit dans les choix de ce qui est montré ou reste hors champ, dans ce qu'on croit avoir vu ou non...

LA BALLADE DE L'IMPOSSIBLE (Tran Ahn-Hung, 4 mai) LLL
Tokyo, fin des années 60. Kizuki, un jeune homme d'une vingtaine d'années, se suicide. Le film raconte l'histoire de la (sur)vie de sa petite amie, Naoko, et de son meilleur ami, Watanabe. Ces deux là se perdent de vue et se retrouvent quelques années plus tard. Adapté d'un roman de Murakami, le film est touffu, brassant les thèmes de l'amour, l'amitié, le deuil, la mélancolie, ou encore de souffrances intimes beaucoup plus crues et tourmentées. Une sorte de mélodrame très esthétique, où les protagonistes sont d'une grande beauté intérieure (et extérieure), et qui ont tous leur importance, personnages secondaires comme personnages principaux. Le film est à la fois lyrique et contemplatif (les deux ne sont pas incompatibles), au risque de quelques longueurs, et est également très agréable à l'oreille (par exemple on y entend une superbe interprétation acoustique de Norvegian Wood des Beatles).  

MINUIT A PARIS (Woody Allen, 11 mai) LLL
Après l'Everest que constituait le chef d'oeuvre ironique Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu l'an passé, le nouvel opus de Woody Allen constituerait plutôt une très agréable colline. Un jeune couple, assez riche mais mal assorti, joue les touristes à Paris (volontairement montré comme un décor de cartes postales) pour tenter de recoller les morceaux. La jeune femme a des parents ultraconservateurs, alors que l'homme est un écrivain frustré qui se pose des questions existentielles. Sans dévoiler la suite, la magie va intervenir, et donner son sel au film qui va traverser les époques. Une comédie cultivée, moins noire (donc plus consensuelle) que les dernières oeuvres du cinéaste.

LE CHAT DU RABBIN (Joann Sfar, Antoine Delesvaux, 1er juin) LLL
Je connaissais de réputation les bandes dessinées éponymes de Joann Sfar, mais je ne les ai pas encore lues. Cette adaptation cinématographique donne en tout cas envie. L'histoire se passe à Alger il y a un siècle. Un chat malicieux avale un perroquet et se trouve alors doué de la parole (et de la voix de François Morel !). Aussitôt il se lance dans des discussions philosophiques ou théologiques avec son maître le rabbin Sfar, tout en tournant amoureusement autour de sa fille (qui a la voix énergique de Hafsia Herzi). Ode à la tolérance, le film est néanmoins rempli d'humour mordant : un exemple parmi d'autres, Tintin, un autre héros de bande dessinnée, qui symbolise ici l'esprit bas de plafond de la colonisation européenne, n'en sort pas indemne. Réjouissant.

PRUD'HOMMES (Stéphane Goël, 8 juin) LLL
Ce documentaire s'intéresse aux Prud'hommes suisses. On suit quelques affaires. Les contraintes de tournage étant les mêmes, le film fait beaucoup penser à ceux de Depardon (Délits flagrants, 10è chambre instants d'audience) : champ-contre champ, plans larges quasi-fixes. Mais aussi absence de voix off : c'est le montage qui dirige le regard, mais rien n'est asséné. Derrière la procédure de cette juridiction singulière, c'est bien le monde du travail, avec son lot de souffrance et d'exploitation, qui est questionné par ce film, et qui en rend certains de ces segments tout à fait passionnants.

WOMEN WITHOUT MEN (Shirin Neshat, 13 avr) LLL
Le film est une production allemande tournée au Maroc, mais il ne faut pas s'y tromper c'est un film iranien. En tout cas l'action se passe à Téhéran en 1953, à l'époque où le shah d'Iran, avec le soutien de la CIA, tente de renverser le gouvernement progressiste du docteur Mossadegh. Le film est le portrait de quatre femmes en résistance, pas toutes contre la même chose. Dédiée aux luttes contre l'oppression sous toutes ses formes, cette première oeuvre engagée est aussi esthétiquement superbe (on sent le passé de plasticienne de la réalisatrice).

THE TREE OF LIFE (Terrence Malick, 17 mai) LLL
Beaucoup d'encre a coulé à propos de ce film, Palme d'or du dernier festival de Cannes, et à mon sens un "grand film malade". Il réussit le plus dur, c'est-à-dire les audaces formelles. La première heure du film est assez éblouissante, cette navigation dans des souvenirs d'enfance d'un homme à la cinquantaine tourmentée, est virtuose, grâce à des cadrages improbables, un montage inspiré, et des voix off très présentes et convaincantes sans jamais être envahissantes (contrairement aux deux derniers films de Malick). S'agissant de la partie cosmique, visuellement superbe, ça passe ou ça casse (pour moi ça passe). La deuxième heure, recentrée sur les souvenirs familiaux, n'est pas inintéressante, mais beaucoup trop longue, ce qui fait que le souffle du début retombe un peu.

BEGINNERS (Mike Mills, 15 juin) LL
Un homme de 75 ans (Christopher Plummer), annonce à son fils de 40 ans (Ewan McGrégor) qu'il est gay et démarre une nouvelle vie. Le cancer le rattrape quelques années plus tard. Après la mort de son père, le fils rencontre une actrice célibataire (Mélanie Laurent). Le film ne raconte pas plus que cela, mais fait des allées retours entre passé et présent, pas toujours reconnaissables au premier abord. Le sujet aurait pu donner un film assez ample, mais le réalisateur a préféré une mise en scène pointilliste (avec plus de gomme que de crayon), et a fait confiance en la finesse de ses interprètes, tous excellents.

BELLEVILLE TOKYO (Elise Girard, 1er juin) LL
Chronique du (dés)amour chez des cinéphiles parisiens. Marie est l'assistante d'un duo truculent de programmateurs de salles de cinéma parisiennes spécialisées dans le patrimoine (on pense aux cinémas Action). Elle est enceinte, et se fait larguer par son ami, critique de cinéma... Ceci étant dit, le film est avant tout l'histoire ordinaire des hésitations amoureuses d'un jeune couple bobo, et en particulier d'une lâcheté masculine également très ordinaire. L'intérêt de ce premier film peut-être autobiographique réside dans le style d'une ironie discrète de la réalisatrice.

BLUE VALENTINE (Derek Cianfrance, 15 juin) LL
Un couple marié tente de recoller les morceaux. Simultanément, des flash-backs rappellent leur rencontre et les premiers mois de leur relation. L'intention du réalisateur est d'en faire une comédie dramatique mélancolique. Dans les flash-backs, il y a de belles scènes (voire de très belles), mais le film peine à faire comprendre comment les deux personnages (l'homme n'est pas gâté) en sont arrivés à un tel niveau de dialogues de sourds (pas très supportables). Le sous-titre pourrait-être "scénettes de la vie conjugale" mais on est loin de Bergman.

AMERICAN TRANSLATION (Pascal Arnold, Jean-Marc Barr, 8 juin) LL
L'histoire d'un jeune couple dont le garçon a des pulsions criminelles. Pascal Arnold et Jean-Marc Barr (Too much flesh), continuent leur exploration des marges, avec ce film tourné en trois semaines avec 200 000 euros. Le film bénéficie de l'extrême sensualité de ses deux interprètes principaux (Lizzie Brocheré et Pierre Perrier, déjà à l'affiche de Chacun sa nuit, le précédent film des cinéastes) et dérange par le refus de toute psychologie intuitive. Les carences sont à chercher dans le scénario et la mise en scène, avec un systématisme ou des répétitions d'un goût douteux.

LA CONQUÊTE (Xavier Durringer, 18 mai) L
Le film a été survendu comme une comédie du pouvoir sur l'ascension du Président de la République en exercice. Malheureusement, le film n'a pas de point de vue, ni cinématographique, ni politique. Le fait de ne montrer que la sphère politique (et les luttes internes à l'UMP avec le clan Chirac-Villepin) et pas la sphère médiatique ni le monde des affaires est quand même très dommage. A tel point que Nicolas Sarkozy passe presque comme une victime, alors qu'il a bénéficié de nombreux soutiens ! Le seul intérêt réside dans les ressemblances physiques/vocales/gestuelles. Comme des Guignols de l'info auxquels on aurait enlevé une bonne part de l'inspiration satirique.

VOIR LA MER (Patrice Leconte, 4 mai) L
C'est l'été. Deux frères, interprétés par Clément Sibony et Nicolas Giraud (Comme une étoile dans la nuit), descendent rendre visite à leur mère malade à St-Jean de Luz. Ils emmènent une jeune femme (Pauline Lefèvre) qui fuit son mari et n'a jamais vu la mer. Les trois jeunes gens sont sympas et très sensuels, et tout ce qui se passe entre eux est agréable à voir. Reste que si les personnages sont plutôt réussis, le scénario est truffé d'invraisemblances que la mise en scène est incapable de faire passer, et l'ensemble est assez niais.

Version imprimable | Films de 2011 | Le Mardi 28/06/2011 | 0 commentaires
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Les films de janvier à avril 2011

Tomboy, Incendies, True Grit et 25 autres

  • Bravo : Tomboy (Céline Sciamma)
  • Bien : Incendies (Denis Villeneuve), True Grit (Joël et Ethan Coen), Même la pluie (Iciar Bollain), Jimmy Rivière (Teddy Lussi-Modeste), Rabbit hole (John Cameron Mitchell), Scream 4 (Wes Craven), Avant l'aube (Raphaël Jacoulot), We want sex equality (Nigel Cole), Nous, princesses de Clèves (Régis Sauder), Somewhere (Sofia Coppola), La Petite chambre (Stéphanie Chuat, Véronique Reymond), Les Yeux de sa mère (Thierry Klifa)
  •  
  • Pas mal : The Green Hornet (Michel Gondry), L'Etrange affaire Angélica (Manoel de Oliveira), Ha ha ha (Hong Sang-soo), Black swan (Darren Aronofsky), Indices (Vincent Glenn), Angèle et Tony (Alix Delaporte), Ma compagne de nuit (Isabelle Brocard), The Silent house (Gustavo Hernandez), Carancho (Pablo Trapero), Poupoupidou (Gérald Hustache-Mathieu), Ma part du gâteau (Cédric Klapisch), Détective Dee (Tsui Hark), Robert Mitchum est mort (Olivier Babinet, Fred Kihn), Santiago 73, post mortem (Pablo Larrain)
  •  
  • Bof : Je suis un no man's land (Thierry Jousse)

TOMBOY (Céline Sciamma, 20 avr) LLLL
Si vous ne savez rien de l'histoire, il faut courir voir ce film, le deuxième de Céline Sciamma, qui s'était déjà fait remarquer avec son premier, Naissance des pieuvres, que j'avais mis dans mon Top 15 de l'année 2007. Pour ceux qui veulent en savoir davantage, ces quelques lignes. Le sujet : durant l'été, un couple et ses deux enfants emménagent dans un nouveau quartier. A la première fillette qui lui demande son prénom, l'enfant de 10 ans (l'aîné) prétend s'appeler Michaël, et c'est tout à fait plausible. Seulement quelques scènes plus tard, au cours d'un bain, c'est au nom de Laure qu'il/elle est appelé(e) par sa mère, et la scène ne laisse aucun doute sur son sexe... Jusqu'où pourra-t-elle tenir son mensonge ? C'est donc un film très enlevé, tourné en 20 jours avec une fraîcheur incroyable. Certains militants féministes ou LGBT disent que le sexe est déterminé par la nature, alors que le genre est construit par la société. Ce film illustre à merveille cet assertion, sans apesantissement psychologique ni côté démonstratif. Et tout est affaire de regard : au début du film, les spectateurs voient un garçon, alors que sa famille voit une fille ; ensuite, c'est l'inverse, les spectateurs savent que c'est une fille, alors que tous les camarades de jeux de Michaël/Laure voient un garçon... Sous son apparente simplicité, le film questionne nos représentations. Troublant et très fort.

INCENDIES (Denis Villeneuve, 12 jan) LLL
Au décès de leur mère, Jeanne et Simon Marwan, deux faux jumeaux interprétés de façon très juste par Mélissa Désormeaux-Poulin et Maxim Gaudette, reçoivent du notaire deux enveloppes : l'une destinée à leur père, qu'ils croyaient mort, et l'autre à un frère dont ils ignoraient l'existence. Un mystère qui va les mener du Canada dans lequel ils vivent depuis qu'ils sont tout petits, à leur pays d'origine, au Moyen-Orient (jamais cité, il pourrait s'agir du Liban, compte tenu de certaines caractéristiques). Ils découvriront les stigmates de la guerre qui a ravagé le pays... et aussi l'histoire traumatisante de leur mère. Adapté d'une pièce de théâtre de Wajdi Mouawad, le film, qui oscille sans cesse entre passé et présent, est un vrai thriller tendu à l'extrême, éprouvant (le film ne fait pas dans la litote) et qui finit comme une authentique tragédie antique. Déjà un classique.

TRUE GRIT (Joël et Ethan Coen, 23 fév) LLL
Nous sommes dans les années 1880. A peine 14 ans mais pleine de cran, Mattie (Hailee Steinfeld) est bien décidée à venger son père, abattu par le lâche Tom Chaney. Elle engage un marshall borgne et un peu porté sur la bouteille (Jeff Bridges, aussi impressionnant que dans The Big Lebowski, pour rester dans la filmographie des Coen) pour partir traquer le bandit jusqu'en territoire indien. Ils seront rejoints par LaBoeuf (Matt Damon, réjouissant mais méconnaissable), un Texas ranger susceptible et qui veut lui aussi retrouver Chaney (Josh Brolin, dans un emploi radicalement différent de Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, le dernier Woody Allen)... Le roman de Charles Portis avait déjà été adapté en 1969 par Henry Hattaway (titre français : Cent dollars pour un shérif, le titre original était déjà True Grit). Cette nouvelle version n'est ni un pastiche, ni un hommage convenu au western. C'en est un effectivement, mais c'est d'abord un film des frères Coen, avec des personnages à la fois ridicules et attachants ou passionnants. Et la fin, que je ne révélerais pas, en fait un film plus mûr qu'au prime abord. Un grand film.

MÊME LA PLUIE (Iciar Bollain, 5 jan) LLL
Un jeune réalisateur espagnol, Sebastian (Gael Garcia Bernal) tourne en Bolivie une fresque historique sur la servitude des Indiens et leur résistance aux colons espagnols du XVIè siècle emmenés par Christophe Collomb. Il emploie à moindre coût des comédiens locaux. Mais à l'époque du tournage, la Bolivie est traversée par la révolte populaire de Cochabamba contre la privatisation de l'eau (c'était avant l'élection d'Evo Morales)... L'injustice est au coeur du film que Sebastian est en train de tourner, et voilà qu'elle refait surface, sous leurs yeux, cinq siècles plus tard. Avec l'aide de Paul Laverty, scénariste attitré de Ken Loach, la réalisatrice a tourné un film réquisitoire contre le colonialisme (à travers le film dans le film) et bien sûr contre le capitalisme d'aujourd'hui, mais pose également une question importante à propos du cinéma engagé : Sebastian et son équipe doivent-ils s'efforcer de sauver leur film, ou s'engager aux côtés des Indiens ? Passionnant !

JIMMY RIVIERE (Teddy Lussi-Modeste, 9 mar) LLL
Jimmy Rivière (Guillaume Gouix, une des révélations de l'année, déjà à l'affiche de Poupoupidou), jeune Gitan de la région de Grenoble, se convertit soudainement au pentecôtisme, comme le souhaite sa communauté. Il dit renoncer aux deux passions qui l'enflamment : la boxe et Sonia sa petite amie. Y arrivera-t-il, sachant que son entraîneuse et Sonia avaient d'autres projets ? Voilà pour le sujet du film. Si on ajoute que le pasteur enfiévré est joué par Serge Riaboukine, l'entraîneuse de boxe par Béatrice Dalle, et la petite amie par Hafsia Herzi, cela fait un film assez improbable sur le papier. Mais à l'écran, quelle limpidité et quelle fluidité ! On y croît !  Est-ce le passé de Teddy Lussi-Modeste (dont c'est le premier film), qui a lui même grandi chez les gens du voyage avant d'intégrer la FEMIS ? Toujours est-il que le film est constamment étonnant, au registre changeant, loin d'un quelconque style documentaire, mais pourtant toujours vrai. Une curiosité à découvrir.

RABBIT HOLE (John Cameron Mitchell, 13 avr) LLL
Becca et Howie formaient un couple heureux, jusqu'à ce que leur fils unique meure. Le film commence huit mois plus tard. On n'a pas fait meilleure autopsie des difficultés du couple depuis le chef d'oeuvre de Bergman, Scènes de la vie conjugale. Ce film-ci est plus modeste, plus sobre aussi : pas de flash-back sur leur vie de famille avant le drame par exemple. D'ailleurs ce n'est pas un mélo gnan-gnan, un humour sardonique ou des éléments grinçants s'instillent même dans certaines scènes, notamment celles lièes à un groupe thérapeutique que Becca va assez rapidement abandonner, mais pas Howie. Dans le rôle de la mère endeuillée qui veut effacer les traces du passé, Nicole Kidman impressionne ; dans celui du père qui réagit un peu différemment, le trop rare Aaron Eckhart surprend par sa subtilité ; et dans le rôle, délicat lui aussi, de la mère de Becca, Diane Wiest, actrice chez Woody Allen dans les années 80 (Hannah et ses soeurs, September), émeut.

SCREAM 4 (Wes Craven, 13 avr) LLL
Etant un grand amateur de la trilogie initiale, j'avais beaucoup d'attentes et d'appréhension vis-à-vis de ce film. Le résultat est une bonne surprise, ce film-ci se situant presque au niveau du premier. Caractéristique rare dans le genre, les personnages récurrents (interprétés par Neve Campbell, David Arquette ou Courteney Cox) ont pris de l'épaisseur au cours du temps. Nos retrouvailles avec eux, après dix ans d'absence, sont assez émouvantes. La première trilogie faisait un sort à l'apparition des téléphones portables (ou sans fil). Celui-ci tient compte avec ironie du développement des réseaux sociaux (avec un personnage qui s'écrie "je ne veux pas d'amis, je ne veux que des fans !"). Mais, surtout, le film continue la satire des films d'horreur contemporains, et fait par contre plusieurs fois référence au Voyeur, le petit chef d'oeuvre de Michael Powell. Le côté mise en abyme (la série Stab, films dans le film) est plus que jamais là. En particulier, le prologue du film est un morceau d'anthologie. Evidemment, le film fait beaucoup moins peur que le tout premier, mais quel esprit !

AVANT L'AUBE (Raphaël Jacoulot, 2 mar) LLL
Le client d'un hôtel perdu dans les neiges pyrénéennes disparaît. Un très lâche chauffard l'a percuté, une nuit de tempête. Le spectateur devine très vite de quoi il retourne, mais l'intérêt du film est ailleurs. Le patron de l'hôtel sait de qui il s'agit, et son nouvel employé aussi. Mais ne disent rien à la police... Cette situation va donner lieu à la remarquable tension du film. Tout est dans le rapport entre ces deux personnages (Jean-Pierre Bacri et Vincent Rottiers, remarquables), mais aussi vis-à-vis des autres, de la petite amie de l'employé au fils et à la femme du patron, sans oublier l'inspectrice de police interprétée de façon délicieusement décalée par Sylvie Testud. Et bien sûr, comme dans les meilleurs Chabrol, la réalité des classes sociales va reprendre le dessus...

WE WANT SEX EQUALITY (Nigel Cole, 9 mar) LLL
En 1968, la Britannique Rita O'Grady (interprétée par Sally Hawkins, l'irrésistible héroïne de Be Happy de Mike Leigh) galvanise les 187 ouvrières de son atelier de couture de l'usine Ford et mène une grève revendiquant l'égalité des salaires entre hommes et femmes. Et elles vont provisoirement ou plus précisément juridiquement gagner, avec l'Equal Pay Act de 1970. Une comédie sociale britannique comme on les aime, pas très loin, parfois, de l'euphorie de The Full monty, de Peter Cattaneo. Où l'on voit l'importance de bien déployer toute sa banderole... Plus sérieusement, si Nigel Cole force un peu sur la féminité de ses actrices, il parvient mine de rien à transmettre le flambeau d'une prise de conscience, et d'une prise de confiance. C'est un joli film sur l'engagement au féminin dans nos sociétés encore patriarcales. Et la lutte continue...

NOUS, PRINCESSES DE CLEVES (Régis Sauder, 30 mar) LLL
Dans un lycée classé ZEP du nord de Marseille, des élèves étudient La Princesse de Clèves, le fameux roman de Mme de la Fayette que Nicolas Sarkozy avait cité comme exemple d'une culture "inutile". Après Christophe Honoré, qui avait transposé le roman de la Cour royale de jadis à la cour d'un lycée huppé d'aujourd'hui (La Belle personne, un des meilleurs films français de 2008), Régis Sauder emprunte la voie du documentaire pour montrer que ce texte peut parler aux ados d'aujourd'hui, même dans un quartier "difficile". On peut penser également aux ados de L'Esquive, sauf qu'ici le film donne à voir une vraie réalité, et non la fiction. Le fait de voir de "vrais" lycéens, avec leurs réelles difficultés sociales et familiales, mais aussi leur fierté de visiter le Louvre lors d'un voyage scolaire, est édifiant.

SOMEWHERE (Sofia Coppola, 5 jan) LLL
Un acteur hollywoodien traîne dans un palace entre filles et Ferrari, fêtes et gueules de bois. Jusqu'au jour où débarque sa fille de 11 ans qu'il connaît à peine... Le début du film fait peur : de longs plans d'ennui qui sont à la limite de l'ennuyeux pour le spectateur également, un sujet pas vraiment sexy (encore un lieu coupé du monde pour solitude riche et désoeuvrée...). On se dit que Sofia Coppola, auteur de deux excellents premiers films (Virgin suicides et Lost in translation) et d'un troisième plus contrasté (Marie-Antoinette), tourne en rond, à l'image de son personnage principal au volant de sa voiture de sport. Mais, à partir du moment où la pré-adolescente entre dans le film, tout change. Et le film devient une émouvante étude, minimaliste mais profonde, des tourments de ses personnages, et des relations qu'ils tissent entre eux. Derrière le vernis chic et pop de la cinéaste, à nouveau de l'universel. Du coup, a posteriori, même les premières scènes ont leur utilité.

LA PETITE CHAMBRE (Stéphanie Chuat, Véronique Reymond, 16 fév) LLL
Un vieux monsieur, Edmond, refuse de partir en maison de retraite. Mais il va bien devoir accepter la visite quotidienne de Rose, une jeune infirmière, qui a elle aussi l'expérience du deuil. Cela pourraît être le sujet d'un téléfilm. Mais ce film helvético-luxembourgeois, le premier des réalisatrices Stéphanie Chuat et Véronique Reymond se hisse bien au-delà. Et d'abord par la qualité des interprètes de Rose et Edmond : Florence Loiret-Caille, échappée des films de Jérôme Bonnell, mais toujours juste, à la fois écorchée et délicate ; et Michel Bouquet est carrément stupéfiant, imprévisible. Un tel duo de choc qui jouent une partition d'une grande finesse, c'est un régal. Un petit film fragile c'est indéniable, mais dans le genre une vraie réussite.

LES YEUX DE SA MERE (Thierry Klifa, 23 mar) LLL
Un écrivain arriviste (Nicolas Duvauchelle) infiltre la vie d'une journaliste-star de la télé (Catherine Deneuve) et celle de sa fille danseuse étoile (Géraldine Pailhas) pour écrire à leur insu une biographie non autorisée. Dans cet exercice de style, en hommage aux films de Pedro Almodovar (surtout Talons aiguilles et Tout sur ma mère), particulièrement dans certaines scènes, Thierry Klifa, ancien journaliste à Studio, assume son amour des actrices (et des acteurs). Conformément aux règles du mélo, il s'appuie sur un scénario à tiroirs qui introduit de nombreux autres personnages, à commencer par celui de la belle-mère aimante (Marisa Paredes, égérie d'Almodovar dans les deux films cités ci-dessus), ou encore Marina Foïs, Jean-Marc Barr et le jeune Jean-Baptiste Lafarge, seconds rôles dont on comprend peu à peu le lien avec l'histoire principale. Le tout fait un film certes assez éloigné du niveau des films d'Almodovar, mais quand même tout à fait convaincant.

THE GREEN HORNET (Michel Gondry, 12 jan) LL
Le Frelon vert est un justicier masqué qui n'a pas de superpouvoir, mais un bras droit ultra débrouillard, roi des gadgets de combat. C'est un nouveau film de superhéros, qui s'en tient à un registre de bande dessinée pour adolescents (plus ou moins attardés). C'est la limite principale du film. Mais la bonne surprise et tout l'intérêt du film, c'est d'une part que les rênes sont tenus par Michel Gondry, supercinéaste bricolo (qu'on songe notamment à Soyez sympas, rembobinez), d'autre part que le rôle principal et la co-écriture du scénario ont été confiés à Seth Rogen, acteur fétiche des films adulescents pas si bêtes de Judd Apatow (notamment En cloque, mode d'emploi). La 3D amplifie l'aspect ludique de ce film pour garçons (le personnage de Cameron Diaz est un peu sacrifié), réussi mais qu'on oublie très vite...

L'ETRANGE AFFAIRE ANGELICA (Manoel de Oliveira, 16 mar) LL
Une nuit, un jeune photographe est appelé d'urgence par une riche famille, pour faire le dernier portrait de leur fille Angélica, qui vient de mourir. Mais dans son objectif, la jolie jeune femme revit et lui sourit... A 102 ans (!), Manoel de Oliveira ose une fable surréaliste, mais aussi un vibrant hommage à un cinéma sans âges. Même si le film est en couleurs (la lumière est d'ailleurs magnifique), on sent l'influence du cinéma muet. Les plans sont majestueux, traversés de truquages simples mais efficaces. Néanmoins, il y a un certain hiératisme, une certaine lenteur un peu artificielle qui plombe l'ensemble. Donc un chef d'oeuvre non, mais un film intéressant oui.

HA HA HA (Hong Sang-Soo, 16 mar) LL
Deux amis, l'un vaguement réalisateur de cinéma, l'autre vaguement critique, se racontent le séjour qu'ils ont effectué, séparément mais simultanément, dans une petite ville de la côte sud-coréenne, et leurs aventures sentimentales. Le spectateur s'aperçoit qu'ils ont fait des rencontres communnes, même si eux ne s'en aperçoivent pas. Tout n'est pas réussi dans le film, mais il est suffisamment piquant pour avoir attisé les votes des jurés du prix Un certain regard au festival de Cannes 2010. Mais, pour moi, les meilleurs films de ce réalisateur majeur restent Turning gate (2004) et Conte de cinéma (2005), à l'époque où il construisait ces films de façon plus aboutie.

BLACK SWAN (Darren Aronofsky, 9 fév) LL
J'avais un peu perdu de vue le réalisateur, dont certains encensaient le premier film, Requiem for a dream (ce qui n'est pas mon cas, je le trouvais très mode, trop clinquant). Ici l'histoire est celle d'une ambitieuse danseuse étoile qui obtient le plus grand (double) rôle de sa vie : le cygne blanc et le cygne noir du Lac des cygnes. Elle va être sujette à des visions de plus en plus étranges... Ce thriller psycho-fantastique est assez boursouflé, comparé au Répusion de Roman Polanski, auquel on songe souvent et qui dosait bien ses effets, lui. Reste une distribution très efficace : outre Natalie Portman, impressionnante dans le rôle principal, les revenantes Barbara Hershey, en mère possessive, Winona Ryder, en ex-étoile, sont de très bon choix, et Vincent Cassel dans le rôle du chorégraphe manipulateur est convaincant (ce qui n'est pas toujours le cas !).

INDICES (Vincent Glenn, 2 mar) LL
J'attendais pas mal de ce documentaire, pointant les absurdités du PIB, et s'intéressant à la construction de nouveaux indicateurs. Côté intervenants, il remplit ses promesses : Patrick Viveret, Florence Jany-Catrice et surtout Jean Gadrey sont d'excellents pédagogues. Mais je trouve que le film aurait pu être mieux construit. La forme, recherchée mais assez confuse, risque de ne pas servir à ébranler les certitudes des non convaincus d'avance. Reste que le film tourne assez habilement autour de la question suivante : si on entend dire parfois  que "ce qui a une vraie valeur n'a pas de prix", comment se fait-il que la plupart du temps, à tout ce qui n'affiche pas son prix, nos sociétés n'attribuent aucune valeur ?

ANGELE ET TONY (Alix Delaporte, 26 jan) LL
Angèle, une jeune femme belle et sauvage sortie d'on ne sait où, débarque dans un petit port normand. Par le biais d'une petite annonce, elle s'incruste chez Tony, un marin pêcheur rugueux mais en quête de sentiments. Au fur et à mesure du film, on en saura plus sur le passé et le présent de ces deux personnages, et bien sûr la relation d'abord alimentaire entre eux va évoluer... Pour son premier film, la réalisatrice Alix Delaporte fait profil bas côté mise en scène, au profit du jeu des deux acteurs principaux. Angèle c'est Clotilde Hesme, une jeune actrice déjà confirmée (Les Amants réguliers, Les Chansons d'amour), mais qui surprend ici (pas de sourire décoché pendant la première heure du film). Tony c'est Grégory Gadebois, la trentaine mais très loin du physique des jeunes premiers du cinéma français. Une vraie nature.

MA COMPAGNE DE NUIT (Isabelle Brocard, 23 mar) LL
Se sachant condamnée par sa maladie, la fière Julia (Emmanuelle Béart) propose un marché à une jeune inconnue (Hafsia Herzi) : l'accompagner durant ses derniers mois, contre 1000 euros par semaine. Le début de ce film risqué est assez catastrophique : tout semble faux. Heureusement, à mesure qu'une relation singulière se noue entre les deux femmes, le film prend de la consistance, grâce à de multiples petits détails, sans jamais céder ni au pathos ni à une distance confortable. Et les autres personnages, à commencer par le frère (Laurent Grévill), ne sont pas sacrifiés.

THE SILENT HOUSE (Gustavo Hernandez, 16 mar) LL
Un film d'horreur "concept", les mouvements de caméra laissant supposer qu'il aurait pu être tourné dans un plan-séquence unique, en temps réel. Laura, la vingtaine, et son père débarquent dans une maison isolée qu'ils doivent remettre en état, avant sa mise en vente imminente. Ils y passent la nuit. La fille est seule à entendre des bruits inexplicables... Ce petit film uruguayen sait distiller l'angoisse voire la terreur avec peu de moyens. Tout n'est pas convaincant, surtout la fin, mais l'effet recherché est bien là.

CARANCHO (Pablo Trapero, 2 fév) LL
C'est autour d'un blessé grave d'un accident de la route (une des premières causes de mortalité en Argentine) que se rencontrent, un soir à Buenos Aires, une infirmière urgentiste (Martina Gusman, muse et compagne du réalisateur) et un "carancho" (Ricardo Darin, très grand acteur argentin, notamment dans El aura et Dans ses yeux), un avocat rapace spécialiste de l'arnaque aux assurances automobiles. Elle cumule les heures et se drogue pour tenir, lui essaye de s'affranchir de la mafia locale. Une histoire d'amour entre eux est-elle possible ? Pourront-ils s'en sortir ? C'est l'enjeu de ce polar poisseux plutôt réussi, mais qui singe un peu trop le cinéma américain, et qui surtout ne nous épargne pas grand chose.

POUPOUPIDOU (Gérald Hustache-Mathieu, 12 jan) LL
Un auteur de polars, coincé en plein hiver dans un petit village du Doubs, se passionne pour l'énigmatique "suicide" de la starlette locale Candice Lecoeur, égérie du fromage Belle du Jura, qui se prenait pour la réincarnation de Marylin... La deuxième réalisation de Gérald Hustache-Mathieu (Avril) est un curieux mélange, entre film inscrit dans une réalité locale et fantasmes de film américain. Qui dit polar dans la neige fait penser à Fargo des frères Coen. On en est loin, mais l'histoire est surtout un prétexte à dessiner de savoureux personnages, joliment interprétés par Jean-Paul Rouve, Sophie Quinton (qu'on a plaisir à retrouver sur un écran), ou encore Guillaume Gouix, qui joue un jeune flic curieusement doux, et dont on reparlera...

MA PART DU GÂTEAU (Cédric Klapisch, 16 mar) LL
Si dans ses premières réalisations, Cédric Klapisch s'est montré à l'aise dans le film choral (Riens du tout, Le Péril jeune, Chacun cherche son chat), ces dernières années, il a plutôt mieux réussi les films recentrés sur quelques personnages. Ainsi, Les Poupées russes était beaucoup plus réussi que l'Auberge espagnole. Et ce film-ci est meilleur que le catastrophique Paris, son film précédent. Ici, une ouvrière mère de famille courage (Karin Viard), licenciée économique, quitte Dunkerque pour devenir femme de ménage chez un riche trader parisien qui, elle va le découvrir, n'est pas pour rien dans la délocalisation de sa boîte. Klapisch ose une fausse comédie romantique et un vrai film social. Le film souffre parfois, voire souvent, de grosses maladresses ou lourdeurs (l'ouvrière se prénomme France !), mais la réalité sociale sous-jacente est sans appel.

DETECTIVE DEE - Le mystère de la flamme fantôme (Tsui Hark, 20 avr) LL
En l'an 690, dans la chine impériale, une série de morts mystérieuses (en apparence des combustions spontanées) menace l'intronisation de l'impératrice Wu Zetian. Craignant le complot, cette dernière fait appel au détective Dee, qu'elle avait pourtant fait emprisonner quelques années auparavant. Un film de sabre qui mélange allègrement histoire et fantastique, avec rapidité mais sans grâce. Tourné avec d'énormes moyens, même les duels aériens n'ont pas la poésie de ceux de Tigre et Dragon, étalon du genre (dans les années récentes). Reste un feuilleton pas désagréable où l'on retrouve dans le rôle titre Andy Lau, acteur hong-kongais de premier plan (Infernal affairs).

ROBERT MITCHUM EST MORT (Olivier Babinet, Fred Kihn) LL
A priori, une coproduction franco-belge dans laquelle un acteur improbable (Pablo Nicomedes, une gueule, loin des jeunes premiers interchangeables) et son manager un peu ringard (Olivier Gourmet, très physique) traversent l'Europe pour aller retrouver un réalisateur mythique dans un festival nordique (qui existe vraiment, sous la férule des frères Kaurismaki), on prend. Le film est plein de références, mais pourtant la mayonnaise ne prend pas. Dans le genre décalé, le film est loin de ses modèles. Sympathique dans ses meilleurs moments mais pas plus.

SANTIAGO 73, POST MORTEM (Pablo Larrain) LL
En plein coup d'Etat de Pinochet, la vie de Mario, un terne employé de morgue chargé de rédiger des rapports d'autopsie, est bouleversée. La toute petite histoire insérée dans la grande, avec un H majuscule... Sur le papier c'est tentant. Sur l'écran, si les personnages sont plutôt touchants, l'émotion est désamorcée par une forme très affectée, très clichée de film pour festivals internationaux. Tellement scolaire qu'on risque de rester au seuil.

JE SUIS UN NO MAN'S LAND (Thierry Jousse) L
Un chanteur (Philippe Katerine) confronté aux affres de la célébrité (notamment une fan déjantée) revient dans son village d'enfance renouer avec ses parents (Jackie Berroyer, Aurore Clément). Dans les bois il rencontre une jolie ornithologue (Julie Depardieu). Sur le papier, la promesse d'un joli film décalé bien rock'n roll, surtout avec ces interprètes. Mais, sur l'écran, tout est poussif dans cette pseudo-fantaisie. C'est le deuxième film de Thierry Jousse, ancien critique au Masque et la plume. Et à la vue du résultat, il serait plus à l'aise derrière un micro que derrière une caméra !
Version imprimable | Films de 2011 | Le Mardi 10/05/2011 | 0 commentaires
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