S'identifier

La fin des films de 2011

Article évolutif

  • Bien : Le Tableau (Jean-François Laguionie), Contagion (Steven Soderbergh), Le Cheval de Turin (Bela Tarr), Polisse (Maïwenn), Le Voyage extraordinaire (Serge Bromberg)
  • Pas mal : Shame (Steve McQueen), 17 filles (Delphine et Muriel Coulin), Hugo Cabret (Martin Scorsese)
  • Bof : Intouchables (Eric Toledano, Olivier Nakache)

LE TABLEAU (Jean-François Laguionie, 23 nov) LLL
Dans un tableau de maître vivent des personnages divisés en castes hiérarchisées : les Toupeins, entièrement peints et sertis de couleurs éclatantes, les Pafinis, auxquels il manque quelques touches de couleur, et les Reufs, de simples esquisses. Seuls les Toupeins jouissent du château central. Ecoeurés par ces inégalités et ces discriminations, trois de ces personnages vont partir à la recherche de l'auteur... Sur le fond, un joli conte social mâtiné d'une petite réflexion sur la peinture et la création artistique. Formellement, l'intelligence du récit se double d'une splendeur visuelle. Un grand plaisir pour tous les âges.

CONTAGION (Steven Soderbergh, 9 nov) LLL
Le film catastrophe est généralement un genre en soi à Hollywood. Mais ce film-ci échappe aux clichés du genre. Le point de départ ? Un virus, très virulent envers les êtres humains, et très contagieux... C'est donc à une catastrophe humanitaire mondiale que les personnages doivent faire face. Mais Steven Soderbergh évite tout sensationnalisme et préfère un hyperréalisme plus froid, dans la façon de montrer la progression du virus ou la prise des mesures sanitaires et décisions politiques pour y faire face. Un film adulte intelligent, comme Traffic du même réalisateur il y a 10 ans, où les stars du film (excellente distribution : Matt Damon, Kate Winslet, Laurence Fishburne, Marion Cotillard, Gwyneth Paltrow etc) ne survivront pas toutes à la pandémie...

LE CHEVAL DE TURIN (Bela Tarr, 30 nov) LLL
Six jours de la vie d'un vieux monsieur, paralysé d'un bras, et de sa fille qui vivent avec un cheval (leur seule richesse) dans une ferme isolée de la campagne (hongroise, on y boit de la palinka), en proie à la violence des éléments, surtout le vent. Le rituel du quotidien va-t-il pouvoir se poursuivre ? Si l'absence de tout confort paraît situer le film dans le passé (de plus, dans le prologue, une voix off relate qu'en 1889 Nietzsche est frappé par la démence après avoir enlacé un cheval maltraité à Turin, et fait le lien avec le cheval du film), le propos vise plutôt l'apocalypse à venir. Il pourrait s'agir d'un futur de dérèglement climatique et de pauvreté post-pétrolière, si aucune bifurcation n'a été anticipée et planifiée. D'ailleurs, au deuxième jour un voisin évoque ceux qui ont "tout accaparé et tout souillé". Mais outre le propos, si le film impressionne par moments, c'est aussi et surtout par la forme épurée : noir et blanc charbonneux, musique lancinante, dialogues réduits au minimum.

POLISSE (Maïwenn, 19 oct) LLL
Une plongée dans le quotidien de la brigade parisienne de protection des mineurs. Ce sujet pouvait laisser craindre le pire : voyeurisme, enfants utilisés comme faire-valoir des personnages principaux etc. Le film est très loin d'être parfait, mais évite la plupart du temps ces écueils. Si le film finit par convaincre, c'est à la longue par l'accumulation de scènes fortes. Maïwenn ne propose pas du tout une mise en scène rigoureuse, comme celle d'Entre les murs de Laurent Cantet, mais il y a bien un même effet de réel. Cela tient ici à l'énergie brouillonne et à un certain art instinctif du désordre organisé de la réalisatrice (déjà à l'oeuvre dans le Bal des actrices). Et paradoxalement aux performances de ses comédiens, tous professionnels : JoeyStarr est au-dessus du lot, mais Marina Foïs, Karin Viard, Frédéric Pierrot, Karole Rocher, Nicolas Duvauchelle, Sandrine Kiberlain, Louis-Do de Lencquesaing ne sont pas mal non plus...

LE VOYAGE EXTRAORDINAIRE (Serge Bromberg, 14 déc) LLL
Difficile de mettre une note à ce documentaire, tant il est inséparable de la ressortie en salles du Voyage dans la Lune de Georges Méliès, dans une version en couleurs. C'est l'histoire de cette entreprise titanesque de restauration qui est contée ici. Avec auparavant beaucoup de choses passionnantes sur la vie et l'oeuvre de Méliès, sur l'artisanat du cinéma dans les années 1900, avec notamment les témoignages de réalisateurs-cinéphiles d'aujourd'hui (Jean-Pierre Jeunet, Michel Hazanavicius, Michel Gondry), mais aussi sur les difficultés de conservation des films. Tout cela confère à l'oeuvre restaurée une magie et un caractère émouvant.

SHAME (Steve McQueen, 7 déc) LL
Le sujet est l'addiction au sexe de Brandon, un trentenaire new-yorkais (Michael Fassbender, extraordinaire), son ultra-moderne solitude, malgré sa réussite sociale (même si son job a l'air assez terrifiant !). Toute la force du film repose sur la mise en scène. Pas d'explication superflue, la caméra enregistre sans voyeurisme ni fausse pudeur les allées et venues de son personnage principal. Puis, lorsque Brandon recueille sa soeur errante (Carey Mulligan, une nouvelle fois excellente après Drive), le scénario devient plus rentre-dedans, voire un poil moralisateur. Assurément un réalisateur, Steve McQueen, à suivre.

17 FILLES (Delphine et Muriel Coulin, 14 déc) LL
17 lycéennes vont tomber enceintes simultanément, au grand dam des adultes (parents, personnels enseignants). Les deux réalisatrices ont transposé un fait divers américain à Lorient, la ville où elles ont grandi. L'histoire est un prétexte pour traiter de l'adolescence au féminin, les envies d'émancipation et de solidarité, mais aussi les comportements mimétiques vis-à-vis de la meneuse charismatique (Louise Grinberg, révélation). Le résultat est moins stylisé que Virgin Suicides de Sofia Coppola mais il y a un peu de cela, et le milieu social dans lequel elles évoluent n'est pas le même. Un joli coup d'essai.

HUGO CABRET (Martin Scorsese, 14 déc) LL
Dans les années 30, un fils d'horloger devenu orphelin fait connaissance, à la gare Montparnasse, avec un vieux marchand de jouets, Georges Méliès... Le film est d'abord boursouflé (notamment un travelling avant entièrement numérique digne d'une publicité), même la 3D n'est pas spécialement élégante. C'est le scénario qui finit par emporter le morceau de ce film d'aventures pour enfant, avec l'histoire véridique de Méliès, le réalisateur du Voyage dans la Lune. Les scènes les plus belles sont d'ailleurs des extraits des films de l'enfance de l'art cinématographique. On reconnaît d'ailleurs davantage le Scorsese cinéphile que le Scorsese grand cinéaste.

INTOUCHABLES (Eric Toledano, Olivier Nakache, 2 nov) L
Difficile de comprendre le phénomène de société autour de film. La trame générale peut-être, cette histoire d'amitié entre un riche paraplégique et un jeune-des-banlieues ? En tout cas, le film accumule les clichés (plusieurs par minute !), et en revanche il n'y a aucune idée de cinéma, que des vannes. Donc un résultat aussi ennuyeux que démagogique.

Version imprimable | Films de 2011 | Le Mercredi 21/12/2011 | 0 commentaires




Archives par mois


Liens cinéphiles


Il n'y a pas que le ciné dans la vie

Des liens citoyens