Nouveaux films :
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Bien : Rapt (Lucas Belvaux), Le Père de mes enfants (Mia Hansen-Love), Panique au village (Vincent Patar, Stéphane Aubier), L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot (Serge Bromberg, Ruxandra Medrea), La Domination masculine (Patric Jean), Les Vies privées de Pippa Lee (Rebecca Miller), Capitalism, a love story (Michael Moore), La Famille Wolberg (Axelle Ropert)
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Pas mal : Canine (Yorgos Lanthimos), Vincere (Marco Bellocchio), Sommeil blanc (Jean-Paul Guyon), Yuki & Nina (Hippolyte Girardot, Nobuhiro Suwa), A l'origine (Xavier Giannoli), Les Herbes folles (Alain Resnais)
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Bof : Max et les maximonstres (Spike Jonze)
Reprises :
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Bien : Parfum de femme (Dino Risi)
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Pas mal : Ilsa, la louve des S.S. (Don Edmonds), Sogni d'oro (Nanni Moretti)
Je passe rapidement sur Sogni d'oro, qui raconte les tribulations d'un jeune cinéaste artistiquement ambitieux. Savoureux quand il fait la satire de la télévision (déjà), ce film, réalisé en 1981 par Nanni Moretti, est par ailleurs inégal. Les œuvres de jeunesse ne sont pas forcément les meilleures de leurs auteurs...
Totalement enthousiasmant est Panique au village, de Vincent Patar et Stéphane Aubier. Avec ce film d'animation belge, on a l'impression de jouer de façon délirante avec des Playmobil (personnages sur des socles, pas d'expressivité des visages). Cette apparence bricolo cache une inventivité permanente. Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde et Jeanne Balibar (à contre-emploi) se prêtent avec bonheur au jeu des voix.
Je suis nettement plus réservé sur Les Herbes folles d'Alain Resnais. Il y a plein d'idées formelles, mais au service de quoi ? De pas grand chose. Il y a parfois des grands films malades (par exemple La Frontière de l'aube, sorti l'an dernier). Disons que celui-ci est, à l'inverse, un tout petit film en pleine forme...
Vous avez sans doute entendu parler de A l'origine, le film de Xavier Giannoli qui parle d'un escroc qui s'est fait passer pour un chef de chantier d'autoroute et qui s'y est cru (histoire vraie). Le film est touchant dans ses implications sociales (Soko et Vincent Rottiers sont formidables). Cela dit, c'est tellement incroyable que le film a du mal à être crédible. Et en plus il défend l'emploi pour l'emploi, ce qui dans le cas d'espèce n'est pas très écolo !
Serge Bromberg est un dénicheur de vieilles bobines. Ses séances « Retour de flamme » enchantent les festivals, notamment celui de La Rochelle. Dans L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot, il s'est intéressé à un film tourné en 1964 et qui restera inachevé. Clouzot voulait tourner un film sur la jalousie avec Romy Schneider, mais avec une ambition artistique démesurée, ce qui l'a perdu. Les rushes sont en effet impressionnants. Ce documentaire, qui raconte cette aventure, n'est pas mal non plus dans la forme, faisant parfois lire/jouer à Bérénice Bejo et Jacques Gamblin des morceaux de séquences non conservées. A voir absolument pour les cinéphiles.
Rapt de Lucas Belvaux est un film impressionnant (le meilleur de la période), qui confirme tout le talent qu'on lui connaît depuis Un couple épatant/Cavale/Après la vie et La Raison du plus faible. C'est une sorte de transposition de l'histoire de l'enlèvement du baron Empain dans le capitalisme d'aujourd'hui. Un riche industriel (Yvan Attal, parfait) se fait enlever. Ses ravisseurs demandent une rançon astronomique, lui coupent un doigt pour montrer leur détermination. Les scènes de captivité sont d'une grande tension, mais le meilleur du film est encore ailleurs. Au fur et à mesure de la captivité de cet industriel tombent des révélations sur sa vie privée (maîtresses, dettes de jeu). La victime (on a constamment de l'empathie pour lui) devient coupable d'indécence sociale. Toute l'ironie du film consiste à montrer comment chacun (famille, groupe industriel) cherche à préserver ses propres intérêts. Le pire est que cela culmine après la détention...
Vincere de Marco Bellocchio raconte l'histoire de la première femme de Benito Mussolini et de son enfant, jamais reconnus par le dictateur. Les critiques sont dithyrambiques. Il est vrai que le film fait parfois mouche, et Giovanna Mezzogiorno joue une femme-courage émouvante. Mais pour moi le film est assez académique, assez approximatif aussi (la ressemblance de l'acteur avec Mussolini n'est pas troublante). Donc à voir, mais sans en faire l'un des meilleurs films de l'année.
La Domination masculine de Patric Jean. Tout est dit dans le titre, et pourtant, pour le spectateur masculin que je suis, certaines scènes font l'effet d'une révélation : je ne pensais pas que cette domination allait aussi loin. Le documentaire est rigoureux, comme un travail de Pierre Bourdieu ou presque. Il promène son regard du conditionnement par la société de consommation (les jouets pour enfants) jusqu'aux victimes de violences conjugales. Le féminisme est un des combats du parti politique dans lequel je milite et c'est heureux car il y a du boulot ! Depuis que je l'ai vu, Eric Zemmour a attaqué le film : parce qu'il y a des vérités qui blessent ?
Retour à la fiction avec Les Vies privées de Pippa Lee, de Rebecca Miller. C'est une comédie dramatique de moeurs, mais aussi une sorte de puzzle psychologique. Je ne vais donc pas en dévoiler l'intrigue, mais seulement vous signaler que les interprètes sont au diapason de l'histoire, et quels interprètes : Robin Wright Penn bien sûr, mais aussi Alan Arkin (le grand-père de Little Miss Sunshine), Winona Ryder, Keanu Reeves, Maria Bello, Juliane Moore...
Capitalism, a love story est le nouveau documentaire de combat de Michael Moore. Le nouveau pamphlet plutôt, qui fait mouche à plusieurs reprises. Il y a pas mal d'humour aussi dans son personnage de justicier. Mais on sent qu'il cherche plus à régaler les convaincus d'avance qu'à convaincre les autres. C'est dommage, car dans ses meilleurs moments, le film fait des révélations bien sordides sur le système économique contemporain et pose de bonnes questions. Il faut élargir les rangs des conscientisés !
Si la famille était une dictature paternaliste, qu'est-ce que ça donnerait ? Canine de Yorgos Lanthimos. Le film est une fable qui suit une famille de trois grands enfants (un garçon et deux filles) qui n'ont jamais quitté la demeure familiale. Le seul contact avec l'extérieur est la femme que le père fait venir pour combler les désirs sexuels du fils. Les Inrocks ont aimé, pas Télérama. Je me range du côté des Inrocks : la note est tenue jusqu'au bout. Néanmoins, le film est moins fort qu'une réelle dystopie (le contraire d'une utopie, c'est-à-dire ce qui se passe quand on pousse au bout telle ou telle logique négative de la société). Ici, rien ne fait référence à des tendances contemporaines. Réussi mais vain.
Désormais, une fois par mois dans une salle lilloise aura lieu une soirée « Bon chic, mauvais genre ». A l'occasion de la première, je découvre Ilsa, la louve des S.S., une coproduction germano-américaine de 1975. Je recopie le synopsis : Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Ilsa, femme plantureuse, rigoureuse et officier nazi, convainc sa hiérarchie de mener des expériences médicales sur les prisonniers de guerre. Mais Ilsa n'est pas seulement une diabolique scientifique, c'est aussi une femme à l'appétit sexuel insatiable... C'est un classique des films de « sexploitation » des années 70. Je ne vois pas qui ça peut faire bander, mais bon... Quel plaisir de voir, au milieu d'un public jeune, mixte et nombreux ce nanar assez drôle, loin de toute précisions historique (ne pensons qu'aux costumes S.S.), avec accents germaniques caricaturaux, situations hautement improbables voire abracadabrantesques. Et contrairement à Quentin Tarentino, c'est fauché et ça ne se prend pas au sérieux !
Cela n'a rien à voir, mais en apéritif de cette soirée, on nous a servi un hilarant court-métrage sur les ovnis avec Jean-Claude Bourret (Maison d'en face de Jean-Christophe Sanchez).
Revenons à des choses plus sérieuses avec l'émouvant premier film d'Axelle Ropert La Famille Wolberg. Simon Wolberg est le maire plutôt paternaliste d'une petite ville de province, amoureux fou de sa femme, père envahissant... Le film tient beaucoup à ce personnage singulier, agaçant et touchant à la fois, interprété par l'excellent comédien belge François Damiens. Mais les autres personnages réussissent à exister et ont tous de belles scènes. Un film riche malgré sa brièveté (1h22) !
Quelques mots sur Parfum de femme de Dino Risi, un excellent classique italien (qui a reçu le premier César du film étranger). L'histoire d'un officier militaire aveugle et érotomane (Vittorio Gassman, truculent), qui « voit » beaucoup de choses, mais pas seulement. Car tout le film tient par le contrepoint offert par le très jeune commis d'office (Alessandro Momo). Un film insolent, peut-être un peu répétitif par contre.
Un peu de biculturalisme avec Yuki & Nina, le film franco-japonais de Hippolyte Girardot et Nobuhiro Suwa. Yuki est une fille de neuf ans dont les parents vont divorcer. Nina, sa meilleure copine, est aussi une fille de divorcés. Le hic, c'est que la mère de Yuki est japonaise et veut retourner avec elle au Japon. Ce qui frappe dans ce film, c'est qu'il est filmé à hauteur d'enfants, contrairement à ce que la bande-annonce pouvait laisser croire. Certains plans sont très beaux de part leur grande profondeur de champ (c'était dèjà le cas de Un couple parfait, le précédent opus de Nobuhiro Suwa). Reste que l'incursion fantastique ou onirique dans une forêt assez miyazakienne arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Mais le reste est vraiment pas mal.
Sommeil blanc est un premier film formellement très maîtrisé du producteur Jean-Paul Guyon. C'est aussi un film-puzzle qu'on découvre petit à petit, donc il ne faut pas le déflorer. C'est l'un des meilleurs rôles d'Hélène de Fougerolles. Laurent Lucas est pas mal non plus dans le rôle du mari. Il manque peut-être un peu de mystère (on a parfois un peu d'avance sur le film), mais c'est compensé par la satisfaction esthétique et l'émotion.
Le Père de mes enfants est l'autre grand film de la période. Je suis allé le revoir, après l'avoir découvert en avant-première au Festival de La Rochelle. C'est l'histoire d'un producteur de cinéma indépendant en France, et de sa famille (sa femme et ses trois filles). Une césure coupe le film en deux. A la deuxième vision, je ne me souvenais pas que la première partie était aussi riche. C'est parce que la deuxième partie fonctionne particulièrement bien (le spectateur, à l'unisson des personnages, veut continuer à avancer lui aussi). Un deuxième film lumineux, dont on savoure la mise en scène et qui pourtant nous cloue d'émotion. Le film se clôt sur la chanson Que sera sera, qu'on entendait déjà dans Mary et Max : dans les deux cas, il s'agit de moments où les personnages ont besoin de courage. La chanson de l'année ?
J'avais adoré Dans la peau de John Malkovich et Adaptation. Je m'apprêtais donc à fêter le troisième film de Spike Jonze, Max et les maximonstres. L'histoire d'un enfant-roi au sens figuré qui devient enfant-roi au sens propre. Les effets spéciaux sont réussis, le reste est un ratage artistique total, dénué de vraie poésie. Spike Jonze cinéaste-roi sans conseillers ?
Nouveaux films :
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Bien : Rachel (Simone Bitton), Mary et Max (Adam Elliot)
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Pas mal : Le Ruban blanc (Michael Haneke), Mères et filles (Julie Lopes-Curval), Au voleur (Sarah Leonor), Jennifer’s body (Karyn Kusama)
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Bof : Le Syndrome du Titanic (Nicolas Hulot, Jean-Albert Lièvre), Mademoiselle Chambon (Stéphane Brizé)
Reprises :
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Bien : L’Invasion des profanateurs de sépulture (Don Siegel), Tout ce que le ciel permet (Douglas Sirk)
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Pas mal : Notre histoire (Bertrand Blier)
Je commence mon festin avec Mary et Max, un film australien d’animation en pâte à modeler (stop motion). L’histoire d’une correspondance sur plus de vingt ans entre Mary, une jeune australienne complexée et Max, un juif américain atteint du syndrome d’Asperger (rassurez-vous, moi non plus je ne savais pas ce que c’était avant de voir le film). On rit jaune parfois, mais on est surtout ému par ces deux personnages peu gâtés par la vie…
Y-a-t-il des films d’hommes et des films de femmes ? On a peu souvent l’occasion de tenter une réponse, les réalisatrices étant bien moins nombreuses que les réalisateurs. On est tenté de répondre « Oui » après Mères et filles, le 3ème film de Julie Lopes-Curval (plusieurs critiques indiqueront par erreur 2ème film, comme si personne ne se souvenait de Toi et moi, une comédie romantique réussie avec Marion Cotillard et Julie Depardieu !). Le scénario est un peu raide (la fin est difficile à défendre), mais le plus important est le regard, presque féministe, porté sur ces personnages. En particulier, Marie-Josée Croze et Marina Hands sont formidables !
Séance de rattrapage avec Notre histoire de Bertrand Blier, un film que je n’avais jamais vu et sorti en 1984. Les situations sont loufoques et déconcertantes, les dialogues sont du pur Blier, avec les personnages qui commentent leurs propres actions. Nathalie Baye, grande actrice de l’époque, assure et Alain Delon casse son image. Malgré tout, ce n’est pas le film le plus convainquant de son auteur, loin de là : on est un peu dans l’écriture automatique. Ce qui est amusant, c’est de voir avec nos yeux d’aujourd’hui Jean-Pierre Darroussin et Vincent Lindon tout jeunes…
Que penser du pensum de Nicolas Hulot Le Syndrome du Titanic ? Pas grand chose de bien malheureusement. Evidemment, comparé à Home de Yann-Arthus Bertrand (YAB) et son écologie naïve, ce serait presque un chef d’œuvre ! Mais enfin… Formellement, beaucoup d’images choc (sans tomber dans l’esthétisme imbécile de Home). Sur le fond, il y a du progrès : il fait le lien entre les crises économique, sociale et écologique. Mais il ne faut pas trop gratter : le film a deux défauts rédhibitoires. Le premier, c’est qu’il y a très peu d’éléments factuels : Hulot assène au lieu de démontrer. Le second, c’est que sa révolte est encore très limitée. On fonce dans l’iceberg, et il demande seulement de ralentir, sans changer de cap. Il désigne un coupable : le « capitalisme sauvage », en disant aussi, à plusieurs reprises : « seul l’excès est toxique ». Il pourrait donc exister un capitalisme civilisé ? Pourquoi ne vise-t-il jamais les capitalistes européens ? Parce que ceux-ci financent la Fondation Nicolas Hulot (comme l’association GoodPlanet de YAB) ? Parce qu’il est conseiller auprès de la Commission européenne ? Parce que ses proches suivent le libéral Daniel Cohn-Bendit ? Pourquoi dénonce-t-il la massification de la télévision dans les pays pauvres et épargne-t-il TF1, la première chaîne européenne ? Parce que celle-ci lui verse 30000 euros par mois ? Pourquoi le mot « nucléaire » n’est-il jamais prononcé ? Parce qu’EDF sponsorise le film ? Etc… Aux documentaires écolos français, je préfère l’école autrichienne : les documentaires Le Cauchemar de Darwin d’Hubert Sauper et We feed the world d’Erwin Wagenhofer sont bien plus intéressants que « les carences de monsieur Hulot » !
Un peu d’authenticité après ça, voilà qui ne fait pas de mal. Je vais donc voir Mademoiselle Chambon de Stéphane Brizé. Une histoire d’amour simple entre Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain, sans oublier Aure Atika très bien en épouse délaissée. C’est mignon, mais le film est totalement vide cinématographiquement parlant. Pour filmer les presque rien d’une rencontre pudique, Wong Kar-waï (In the mood for love) et Sofia Coppola (Lost in translation) usaient de style. Là, rien. Dommage…
Pour retrouver du flamboyant, rien ne vaut un Douglas Sirk, par exemple Tout ce que le ciel permet (1956). J’ai découvert le cinéaste lors de mon premier festival de La Rochelle en 2002 : c’est le maître des mélos des années cinquante en Technicolor. S’il n’avait pas existé, Pedro Almodovar et François Ozon n’auraient pas réalisé tout à fait les mêmes films… Ici, l’histoire d’une grande bourgeoise veuve qui tombe amoureuse de son jeune jardinier. Scandale, évidemment… Très classique mais grinçant.
Trois semaines après sa sortie parisienne, Au voleur, le premier film de Sarah Leonor arrive enfin en métropole lilloise. La chronique d’un jeune couple : elle prof d’allemand, lui voleur professionnel. La première partie est très moyenne, mais l’échappée belle de la deuxième partie est très convaincante. Guillaume Depardieu continue d’étonner, et Florence Loiret-Caille confirme tout le bien qu’on pensait déjà d’elle après avoir vu les films de Jérôme Bonnell (Le Chignon d’Olga, J’attends quelqu’un).
La critique dit du bien de Jennifer’s body de la réalisatrice Karyn Kusama, un teenage movie d’horreur. Je vais vérifier. Ce qui est bien, c’est l’inversion des rôles masculins et féminins : la tueuse est une jeune femme, et ce sont les garçons qui sont les proies ! Le film joue aussi avec les tourments adolescents… Néanmoins, on reste dans un second degré très formaté, assez loin du niveau des Scream de Wes Craven. Pas mal mais sans plus.
Des événements étranges et graves surviennent dans un village allemand, un an avant la Première Guerre Mondiale : le retour du refoulé dans ce village où l’éducation est très rigoriste ? : c’est Le Ruban blanc, le nouveau film de Michael Haneke (dont j’avais beaucoup aimé Caché), Palme d’or au dernier festival de Cannes. Indéniablement, il y a quelqu’un derrière la caméra (superbe noir et blanc). Et c’est peut-être la grande limite du film : Michael Haneke laisse peu de place au spectateur et nous donne une leçon. Un peu froid, mais à voir quand même.
J’ai beaucoup apprécié L’invasion des profanateurs de sépulture, réalisé par Don Siegel en 1956. Des extra-terrestres prennent l’apparence de personnes réelles dans une ville où tout le monde se connaît. Mais ils sont froids et sans sentiments. Allégorie du stalinisme ou au contraire du mccarthysme ? Une fable humaniste en tout cas, et savoureuse. La chanson « Les envahisseurs » d’Arnold Turboust fait avec humour référence à ce film, semble-t-il : « Les envahisseurs nous ressemblent / Mais n’ont pas de cœur et je tremble / Oui j’ai bien peur / Que tu sois des leurs »
Enfin, le vrai documentaire du mois, qu’il ne faut pas rater, c’est Rachel, de Simone Bitton (qui avait déjà réalisé Mur en 2004). L’histoire de Rachel Corrie, jeune pacifiste américaine tuée par un bulldozer israëlien à Rafah, en 2003, à 23 ans. La réalisatrice interroge ses proches (palestiniens, autres pacifistes américains), des membres de l’armée israëlienne, refait l’enquête sur les circonstance de sa mort, nous fait lire des lettres de Rachel. Au-delà du fait divers, c’est bien du conflit israëlo-palestinien dont il s’agit. Passionnant.
Nouveaux films :
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Bien : Un prophète (Jacques Audiard), District 9 (Neill Blomkamp), L’Armée du crime (Robert Guédiguian), Rien de personnel (Mathias Gokalp)
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Pas mal : Hôtel Woodstock (Ang Lee), Fish tank (Andrea Arnold)
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Bof : Non ma fille tu n’iras pas danser (Christophe Honoré)
Reprises :
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Bien : A bout de course (Sidney Lumet), Pique-nique à Hanging Rock (Peter Weir), La Rumeur (William Wyler)
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Pas mal : Le Golem (Paul Wegener, Carl Boese)
Je commence ma déambulation cinématographique lilloise par Le Golem, un classique du cinéma muet réalisé en 1920, projeté en ciné-concert dans un lieu branché non sans rappeler le Forum des images à Paris.
J’adore la formule des ciné-concerts, c’est magique lorsqu’ils accompagnent des grands noms du muet (Murnau, Sternberg etc). Ici, les arrangements mi-rock mi-tradition d’Europe centrale accompagnent idéalement la légende juive représentée à l’écran.
Le film en lui-même verse peut-être un peu trop pour moi dans l’expressionnisme allemand le plus pur (au contraires des films de Murnau), mais qu’importe, la soirée est plutôt réussie et prometteuse sur ce que peut offrir Lille…
Adorant Chiara Mastroianni et ayant beaucoup aimé la trilogie parisienne de Christophe Honoré (dans l’ordre chronologique mais aussi par réussite artistique croissante Dans Paris, Les Chansons d’amour et La Belle personne), je me précipite à la sortie de Non ma fille tu n’iras pas danser. Grosse déception.
Je ne me fais pas trop au personnage de Chiara Mastroianni, une jeune femme qui traverse une mauvaise passe. Le réalisateur met à distance ce personnage féminin en difficulté, mi-attachante mi-agaçante. On ressent peu la vie qui continue d’animer quand même les dépressifs derrière leur mélancolie…
Enfin, formellement, Christophe Honoré abandonne le style vif très Nouvelle Vague de ces films précédents. Il abuse ici de gros plans assez courts qui accentuent le sentiment d’étouffement. Peut-être est-ce l’effet recherché, mais très peu pour moi en ce moment…
Je continue mes périgrinations avec Un prophète, le nouveau film de Jacques Audiard, encensé à Cannes. Cette sorte d’éducation d’un jeune délinquant à l’intérieur de la prison m’intéresse, mais pourtant, pendant plus de la moitié du film je souffre un peu. J’ai beaucoup aimé Jacques Audiard au début (Un héros très discret, Sur mes lèvres), j’apprécie moins sa fascination pour la testostérone, notamment depuis De battre mon cœur s’est arrêté. On se fout beaucoup sur la gueule dans les deux derniers films de Jacques Audiard, et c’est un peu trop « hormoné » pour moi. Selon moi, un film décrivant un monde violent peut très bien être un film « coup de poing » tout en évacuant hors champ la violence concrète. Ceci étant dit, la direction que prend Un prophète dans la dernière heure est très impressionnante, et le film est effectivement magistral et à ne pas rater…
Lille a eu droit à une avant-première de L’Armée du crime de Robert Guédiguian, en présence de celui-ci, mais aussi de Simon Abkarian et Virginie Ledoyen. Belle brochette ! C’est un bel hommage à la Résistance que ce film là, et aux rôles des travailleurs étrangers dans la Résistance. Quelques critiques mal embouchés parlent d’une faiblesse formelle récurrente chez Guédiguian : ont-ils oublié le remarquable travail sur le son dans La Ville est tranquille ou la stylisation extrême des plans de Lady Jane ? Ceci étant dit, dans ses films les plus narratifs, Guédiguian privilégie toujours les solutions les plus simples. C’est le cas encore ici, et ce n’est pas désagréable, au contraire. En résumé, un cinéaste populaire dans la meilleure acception du terme signe un film historique mais qui résonne étrangement dans la société d’aujourd’hui…
Primé à Cannes, Fish Tank dresse le portrait d’une adolescente d’aujourd’hui fan de hip hop dans une banlieue blanche mais pauvre. Le personnage est très attachant, mais le film n’est pas très ambitieux au niveau cinématographique (alors que le premier film d’Andrea Arnold était formellement intéressant), renforçant l’impression de déjà vu. Malheureusement, cela ne va pas modifier les préjugés de certaines plumes vis-à-vis du cinéma britannique...
Une fois n’est pas coutume, le monde de l’entreprise et de ses cadres est traité dans le premier film de Mathias Gokalp Rien de personnel. Bon il y avait déjà eu Ressources humaines de Laurent Cantet en 2000 et Violence des échanges en milieu tempéré de Jean-Marc Moutout en 2004. La force de Rien de personnel tient dans son dispositif formel, son montage ultra précis et ses angles multiples. Je ne peux pas en dire plus, car l’effet de surprise doit jouer à plein, mais le film est d’une ironie féroce réjouissante…
Et si je me faisais un film de science-fiction ? Va donc pour District 9, premier film (là encore) de Neill Blomkamp. Une soucoupe volante a atterri au-dessus de Johannesburg et les extra-terrestres sont parqués dans un camp, le District 9. Pendant vingt ans, certains d’entre eux ruminent leur vengeance. Le genre faux documentaire gêne un peu au début, mais ensuite c’est impressionnant, et connoté politiquement, dans le pays de l’Appartheid. Le film est donc une sorte de dystopie (une accentuation des tendances négatives d’une société, le contraire d’une utopie) passionnante !
A Lille, quelques salles sont aussi réservées aux reprises. Je me laisse ainsi tenter par Pique-nique à Hanging Rock, le premier film (australien) de Peter Weir datant de 1976. Le cinéaste de Witness, du Cercle des poètes disparus ou du Truman show aime les mondes clos ; là il s’agit d’un lycée pour jeunes filles en 1900. Un pique-nique est organisé à Hanging Rock, dans un endroit typique, où plusieurs de ces adolescentes vont disparaître mystérieusement… Malgré son économie de moyens, un film étrange, envoûtant et beau (la copie neuve rend justice au film).
A bout de course, réalisé par Sydney Lumet en 1988 est une grande réussite. Deux pacifistes américains ont fait sauter une usine de napalm à la fin des années 60. 20 ans après, ils sont encore contraints à la clandestinité, alors que leur fils aîné de 17 ans aspire à une vie plus normale. Peut-on concilier vie de famille et engagement politique radical ? Jusqu’où entraîner ses proches dans les conséquences d’un engagement qu’ils n’ont pas choisi ? Passionnant et émouvant.
On est plutôt content de vivre en 2009 de ce côté-ci de l’Atlantique quand on voit La Rumeur de William Wyler de 1962. Deux institutrices très proches (dont l’une a un fiancé) partagent-elles plus que de l’amitié ? Dès que la rumeur répond par l’affirmative, les parents d’élèves retirent leurs enfants… L’homosexualité féminine était interdite de représentation à l’écran par le Code Hays (qui censura Hollywood de 1934 à 1967). Le film est ambigu dans le sens où on ne sait pas avec certitude si la rumeur est fondée. Disons que l’une des deux institutrices aurait bien voulu... Quoi qu’il en soit, un « drame de mœurs » poignant.
A l’opposé, Ang Lee fête le quarantenaire du festival Woodstock dans Hôtel Woodstock, en compétition à Cannes cette année. Le film raconte les préparatifs du festival, notamment par le fils du couple qui tient l’hôtel réquisitionné pour l’occasion. La comédie est plaisante, l’histoire est véridique, on peut juste regretter quelques ingrédients un peu trop caricaturaux (la mère-dragon, l’inévitable séquence de trip au LSD…) mais c’est pas mal.
Voilà c’est tout. Du coup je n’ai toujours pas vu le dernier Tarentino, l’ultra doué mais aussi ultra immature. Je suis plutôt tenté par Mary et Max.
A bientôt !
Avec un petit peu de retard, voici ma carte postale rochelaise avec les 20 films que j'ai découverts pendant le Festival cette année (voir Festival de La Rochelle). Auxquels il faudrait ajouter les 4 films que j'ai revus avec plaisir : 1 spécialité norvégienne ("Kitchen stories" de Bent Hamer) ainsi que 3 de mes Doillon préférés ("Le Petit criminel", "Le Jeune Werther", "Le Premier venu").
Eh oui Doillon est un des cinéastes que j'aime le plus. Ses films sont souvent filmés de façon virtuose, mais je dois reconnaître que les dialogues jouent aussi un grand rôle. Et cela me fait méditer : si au cinéma j'aime beaucoup le travail sur les images en mouvement (voir des films muets est souvent un ravissement), je dois dire que certains de mes cinéastes préférés (Woody Allen, dont il ne faut pas rater la dernière fable "Whatever works", Joseph Leo Mankiewicz, Jacques Doillon...) sont aussi des grands cinéastes de la parole. Peut-être les films d'aisance orale sont en quelque sorte des films fantastiques pour moi. Cela dit, je n'ai pas d'explication définitive.
Si pour la 8è année consécutive j'ai continué la tradition du bilan rochelais en quelques lignes par film (avec l'aide du catalogue qui présente le début du synopsis de chaque film), j'ai interrompu depuis 4 mois environ mes résumés-critiques sur les films contemporains. Cela me demandait trop d'efforts. Mais j'ai continué à aller au ciné. Si j'ai beaucoup aimé deux valeurs sûres ("Etreintes brisées" d'Almodovar et "Whatever works" d'Allen), j'ai aussi apprécié "Coraline" (j'ai "compensé" le fait de ne pas avoir vu "Les noces funèbres" de Tim Burton).
Le temps me manque, mais il faut pourtant écrire quelques mots de "Adieu Gary", car c'est une première oeuvre magistralement filmée (avec Jean-Pierre Bacri en guest star), sortie il y a deux semaines. La caméra est aérienne, même les silences ne sont pas pesants, ceux qui aiment le cinéma doivent aller le voir. La très bonne surprise du moment.
A bientôt,
Laurent
Bonjour,
Rapidement, quelques mots sur les derniers films vus, dans un style plus libre que mes chroniques précédentes, par manque de temps (et de jus de crâne) :
Conseillés : Ponyo sur la falaise, Still walking, OSS 177 Rio ne répond plus, Romaine par moins 30, Dans la brume électrique
Déconseillés : Villa Amalia, Je l'aimais
Dans la brume électrique (xxx) de Bertrand Tavernier, c'est simple, on y est. La Louisiane, le bayou, le passé (colonialiste) et le présent (Katrina)... La photo est impressionnante, Tommy Lee Jones impeccable. L'intrigue principale est peut-être un peu faible par contre, mais c'est pas mal.
En ce qui concerne OSS 117 Rio ne répond plus (xxx) de Michel Havanavicius, l'intrigue principale n'est pas faible et est meilleure que celle du Caire. On retrouve Hubert toujours aussi franchouillard, xénophobe, antisémite, sexiste, et d'une manière générale toujours aussi con. Il résout toujours ses missions sans aucun mérite personnel. Situations et dialogues font toujours rire au 3è degré. Et le pastiche de la mise en scène des films des années 60 (transparences etc) est toujours aussi plaisante.
On aurait tort de se priver de Ponyo sur la falaise (xxx) de Hayao Miyazaki. La mer y est aussi impressionnante que la forêt dans "Princesse Mononoké", mais le film est accessible aussi à de plus petits spectateurs. Gavés de 3D, on en oublierait presque, à tort, les beautés du dessin 2D. Les couleurs sont magnifiques, la musique aussi, et le polythéisme propice à la narration.
J'ai vu, par le hasard de l'horaire, Villa Amalia (xx) de Benoît Jacquot. En gros, Isabelle Huppert est une grande pianiste qui plaque tout (mari, travail) et se recherche une nouvelle identité dans la fuite. Au début, c'est la cata (plans courts et décadrés et scènes totalement artificielles), vers la fin c'est pas mal, apaisant, mais c'est un peu trop tard. Jean-Hugues Anglade est le seul ami qu'Huppert garde de sa vie d'avant, et il est pas mal.
Still walking (xxx) est le nouveau film du japonais Hirokazu Kore-eda, dont j'avais vu plusieurs films il y a quelques années au Festival de La Rochelle (il faudra que je me renseigne sur les trains Lille-La Rochelle !). Je lui avais même posé une question sur "After life", un chef d'oeuvre à mon goût. Ici, c'est la chronique douce-amère d'une famille vieillissante, dont le fils aîné est décédé prématurément en sauvant un adolescent de la noyade. Les mots me manquent et ne rendent pas justice au film, mais c'est vraiment bien.
Côté "film d'actrices", il y a le choix (Audrey Tautou, Cécile de France,...). J'ai opté pour celui avec Sandrine Kiberlain : Romaine par moins 30 (xxx). Bonne pioche. Cela commence par une hôtesse de l'air qui a la phobie des aterrissages et qui provoque une confession désagréable de Romaine (Sandrine Kiberlain) à son copain (Pascal Elbé), dans l'avion qui les mène au Québec. C'est vraiment drôle, et ça dédramatise bien des situations de psychodrame. La comédie fraîche (dans tous les sens du terme) du moment.
Enfin, j'ai vu Je l'aimais (x) de Zabou Breitman pour Florence Loiret-Caille, une jeune actrice que j'aime beaucoup. J'aime bien Daniel Auteuil et Marie-José Croze bien sûr, mais le film est bof, très roman-photo...
A +
Laurent
) *** WELCOME (Philippe Lioret, 11 mar)
→ plus
) *** RICKY (François Ozon, 11 fév)
→ plus
) *** ESPION(S) (Nicolas Saada, 28 jan)
→ plus
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Il n'y a pas que le ciné dans la vie
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