Nouveaux films :
-
Bien : Rapt (Lucas Belvaux), Le Père de mes enfants (Mia Hansen-Love), Panique au village (Vincent Patar, Stéphane Aubier), L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot (Serge Bromberg, Ruxandra Medrea), La Domination masculine (Patric Jean), Les Vies privées de Pippa Lee (Rebecca Miller), Capitalism, a love story (Michael Moore), La Famille Wolberg (Axelle Ropert)
-
Pas mal : Canine (Yorgos Lanthimos), Vincere (Marco Bellocchio), Sommeil blanc (Jean-Paul Guyon), Yuki & Nina (Hippolyte Girardot, Nobuhiro Suwa), A l'origine (Xavier Giannoli), Les Herbes folles (Alain Resnais)
-
Bof : Max et les maximonstres (Spike Jonze)
Reprises :
-
Bien : Parfum de femme (Dino Risi)
-
Pas mal : Ilsa, la louve des S.S. (Don Edmonds), Sogni d'oro (Nanni Moretti)
Je passe rapidement sur Sogni d'oro, qui raconte les tribulations d'un jeune cinéaste artistiquement ambitieux. Savoureux quand il fait la satire de la télévision (déjà), ce film, réalisé en 1981 par Nanni Moretti, est par ailleurs inégal. Les œuvres de jeunesse ne sont pas forcément les meilleures de leurs auteurs...
Totalement enthousiasmant est Panique au village, de Vincent Patar et Stéphane Aubier. Avec ce film d'animation belge, on a l'impression de jouer de façon délirante avec des Playmobil (personnages sur des socles, pas d'expressivité des visages). Cette apparence bricolo cache une inventivité permanente. Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde et Jeanne Balibar (à contre-emploi) se prêtent avec bonheur au jeu des voix.
Je suis nettement plus réservé sur Les Herbes folles d'Alain Resnais. Il y a plein d'idées formelles, mais au service de quoi ? De pas grand chose. Il y a parfois des grands films malades (par exemple La Frontière de l'aube, sorti l'an dernier). Disons que celui-ci est, à l'inverse, un tout petit film en pleine forme...
Vous avez sans doute entendu parler de A l'origine, le film de Xavier Giannoli qui parle d'un escroc qui s'est fait passer pour un chef de chantier d'autoroute et qui s'y est cru (histoire vraie). Le film est touchant dans ses implications sociales (Soko et Vincent Rottiers sont formidables). Cela dit, c'est tellement incroyable que le film a du mal à être crédible. Et en plus il défend l'emploi pour l'emploi, ce qui dans le cas d'espèce n'est pas très écolo !
Serge Bromberg est un dénicheur de vieilles bobines. Ses séances « Retour de flamme » enchantent les festivals, notamment celui de La Rochelle. Dans L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot, il s'est intéressé à un film tourné en 1964 et qui restera inachevé. Clouzot voulait tourner un film sur la jalousie avec Romy Schneider, mais avec une ambition artistique démesurée, ce qui l'a perdu. Les rushes sont en effet impressionnants. Ce documentaire, qui raconte cette aventure, n'est pas mal non plus dans la forme, faisant parfois lire/jouer à Bérénice Bejo et Jacques Gamblin des morceaux de séquences non conservées. A voir absolument pour les cinéphiles.
Rapt de Lucas Belvaux est un film impressionnant (le meilleur de la période), qui confirme tout le talent qu'on lui connaît depuis Un couple épatant/Cavale/Après la vie et La Raison du plus faible. C'est une sorte de transposition de l'histoire de l'enlèvement du baron Empain dans le capitalisme d'aujourd'hui. Un riche industriel (Yvan Attal, parfait) se fait enlever. Ses ravisseurs demandent une rançon astronomique, lui coupent un doigt pour montrer leur détermination. Les scènes de captivité sont d'une grande tension, mais le meilleur du film est encore ailleurs. Au fur et à mesure de la captivité de cet industriel tombent des révélations sur sa vie privée (maîtresses, dettes de jeu). La victime (on a constamment de l'empathie pour lui) devient coupable d'indécence sociale. Toute l'ironie du film consiste à montrer comment chacun (famille, groupe industriel) cherche à préserver ses propres intérêts. Le pire est que cela culmine après la détention...
Vincere de Marco Bellocchio raconte l'histoire de la première femme de Benito Mussolini et de son enfant, jamais reconnus par le dictateur. Les critiques sont dithyrambiques. Il est vrai que le film fait parfois mouche, et Giovanna Mezzogiorno joue une femme-courage émouvante. Mais pour moi le film est assez académique, assez approximatif aussi (la ressemblance de l'acteur avec Mussolini n'est pas troublante). Donc à voir, mais sans en faire l'un des meilleurs films de l'année.
La Domination masculine de Patric Jean. Tout est dit dans le titre, et pourtant, pour le spectateur masculin que je suis, certaines scènes font l'effet d'une révélation : je ne pensais pas que cette domination allait aussi loin. Le documentaire est rigoureux, comme un travail de Pierre Bourdieu ou presque. Il promène son regard du conditionnement par la société de consommation (les jouets pour enfants) jusqu'aux victimes de violences conjugales. Le féminisme est un des combats du parti politique dans lequel je milite et c'est heureux car il y a du boulot ! Depuis que je l'ai vu, Eric Zemmour a attaqué le film : parce qu'il y a des vérités qui blessent ?
Retour à la fiction avec Les Vies privées de Pippa Lee, de Rebecca Miller. C'est une comédie dramatique de moeurs, mais aussi une sorte de puzzle psychologique. Je ne vais donc pas en dévoiler l'intrigue, mais seulement vous signaler que les interprètes sont au diapason de l'histoire, et quels interprètes : Robin Wright Penn bien sûr, mais aussi Alan Arkin (le grand-père de Little Miss Sunshine), Winona Ryder, Keanu Reeves, Maria Bello, Juliane Moore...
Capitalism, a love story est le nouveau documentaire de combat de Michael Moore. Le nouveau pamphlet plutôt, qui fait mouche à plusieurs reprises. Il y a pas mal d'humour aussi dans son personnage de justicier. Mais on sent qu'il cherche plus à régaler les convaincus d'avance qu'à convaincre les autres. C'est dommage, car dans ses meilleurs moments, le film fait des révélations bien sordides sur le système économique contemporain et pose de bonnes questions. Il faut élargir les rangs des conscientisés !
Si la famille était une dictature paternaliste, qu'est-ce que ça donnerait ? Canine de Yorgos Lanthimos. Le film est une fable qui suit une famille de trois grands enfants (un garçon et deux filles) qui n'ont jamais quitté la demeure familiale. Le seul contact avec l'extérieur est la femme que le père fait venir pour combler les désirs sexuels du fils. Les Inrocks ont aimé, pas Télérama. Je me range du côté des Inrocks : la note est tenue jusqu'au bout. Néanmoins, le film est moins fort qu'une réelle dystopie (le contraire d'une utopie, c'est-à-dire ce qui se passe quand on pousse au bout telle ou telle logique négative de la société). Ici, rien ne fait référence à des tendances contemporaines. Réussi mais vain.
Désormais, une fois par mois dans une salle lilloise aura lieu une soirée « Bon chic, mauvais genre ». A l'occasion de la première, je découvre Ilsa, la louve des S.S., une coproduction germano-américaine de 1975. Je recopie le synopsis : Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Ilsa, femme plantureuse, rigoureuse et officier nazi, convainc sa hiérarchie de mener des expériences médicales sur les prisonniers de guerre. Mais Ilsa n'est pas seulement une diabolique scientifique, c'est aussi une femme à l'appétit sexuel insatiable... C'est un classique des films de « sexploitation » des années 70. Je ne vois pas qui ça peut faire bander, mais bon... Quel plaisir de voir, au milieu d'un public jeune, mixte et nombreux ce nanar assez drôle, loin de toute précisions historique (ne pensons qu'aux costumes S.S.), avec accents germaniques caricaturaux, situations hautement improbables voire abracadabrantesques. Et contrairement à Quentin Tarentino, c'est fauché et ça ne se prend pas au sérieux !
Cela n'a rien à voir, mais en apéritif de cette soirée, on nous a servi un hilarant court-métrage sur les ovnis avec Jean-Claude Bourret (Maison d'en face de Jean-Christophe Sanchez).
Revenons à des choses plus sérieuses avec l'émouvant premier film d'Axelle Ropert La Famille Wolberg. Simon Wolberg est le maire plutôt paternaliste d'une petite ville de province, amoureux fou de sa femme, père envahissant... Le film tient beaucoup à ce personnage singulier, agaçant et touchant à la fois, interprété par l'excellent comédien belge François Damiens. Mais les autres personnages réussissent à exister et ont tous de belles scènes. Un film riche malgré sa brièveté (1h22) !
Quelques mots sur Parfum de femme de Dino Risi, un excellent classique italien (qui a reçu le premier César du film étranger). L'histoire d'un officier militaire aveugle et érotomane (Vittorio Gassman, truculent), qui « voit » beaucoup de choses, mais pas seulement. Car tout le film tient par le contrepoint offert par le très jeune commis d'office (Alessandro Momo). Un film insolent, peut-être un peu répétitif par contre.
Un peu de biculturalisme avec Yuki & Nina, le film franco-japonais de Hippolyte Girardot et Nobuhiro Suwa. Yuki est une fille de neuf ans dont les parents vont divorcer. Nina, sa meilleure copine, est aussi une fille de divorcés. Le hic, c'est que la mère de Yuki est japonaise et veut retourner avec elle au Japon. Ce qui frappe dans ce film, c'est qu'il est filmé à hauteur d'enfants, contrairement à ce que la bande-annonce pouvait laisser croire. Certains plans sont très beaux de part leur grande profondeur de champ (c'était dèjà le cas de Un couple parfait, le précédent opus de Nobuhiro Suwa). Reste que l'incursion fantastique ou onirique dans une forêt assez miyazakienne arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Mais le reste est vraiment pas mal.
Sommeil blanc est un premier film formellement très maîtrisé du producteur Jean-Paul Guyon. C'est aussi un film-puzzle qu'on découvre petit à petit, donc il ne faut pas le déflorer. C'est l'un des meilleurs rôles d'Hélène de Fougerolles. Laurent Lucas est pas mal non plus dans le rôle du mari. Il manque peut-être un peu de mystère (on a parfois un peu d'avance sur le film), mais c'est compensé par la satisfaction esthétique et l'émotion.
Le Père de mes enfants est l'autre grand film de la période. Je suis allé le revoir, après l'avoir découvert en avant-première au Festival de La Rochelle. C'est l'histoire d'un producteur de cinéma indépendant en France, et de sa famille (sa femme et ses trois filles). Une césure coupe le film en deux. A la deuxième vision, je ne me souvenais pas que la première partie était aussi riche. C'est parce que la deuxième partie fonctionne particulièrement bien (le spectateur, à l'unisson des personnages, veut continuer à avancer lui aussi). Un deuxième film lumineux, dont on savoure la mise en scène et qui pourtant nous cloue d'émotion. Le film se clôt sur la chanson Que sera sera, qu'on entendait déjà dans Mary et Max : dans les deux cas, il s'agit de moments où les personnages ont besoin de courage. La chanson de l'année ?
J'avais adoré Dans la peau de John Malkovich et Adaptation. Je m'apprêtais donc à fêter le troisième film de Spike Jonze, Max et les maximonstres. L'histoire d'un enfant-roi au sens figuré qui devient enfant-roi au sens propre. Les effets spéciaux sont réussis, le reste est un ratage artistique total, dénué de vraie poésie. Spike Jonze cinéaste-roi sans conseillers ?
Derniers commentaires
→ plus de commentaires