Nouveaux films :
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Bien : Rachel (Simone Bitton), Mary et Max (Adam Elliot)
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Pas mal : Le Ruban blanc (Michael Haneke), Mères et filles (Julie Lopes-Curval), Au voleur (Sarah Leonor), Jennifer’s body (Karyn Kusama)
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Bof : Le Syndrome du Titanic (Nicolas Hulot, Jean-Albert Lièvre), Mademoiselle Chambon (Stéphane Brizé)
Reprises :
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Bien : L’Invasion des profanateurs de sépulture (Don Siegel), Tout ce que le ciel permet (Douglas Sirk)
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Pas mal : Notre histoire (Bertrand Blier)
Je commence mon festin avec Mary et Max, un film australien d’animation en pâte à modeler (stop motion). L’histoire d’une correspondance sur plus de vingt ans entre Mary, une jeune australienne complexée et Max, un juif américain atteint du syndrome d’Asperger (rassurez-vous, moi non plus je ne savais pas ce que c’était avant de voir le film). On rit jaune parfois, mais on est surtout ému par ces deux personnages peu gâtés par la vie…
Y-a-t-il des films d’hommes et des films de femmes ? On a peu souvent l’occasion de tenter une réponse, les réalisatrices étant bien moins nombreuses que les réalisateurs. On est tenté de répondre « Oui » après Mères et filles, le 3ème film de Julie Lopes-Curval (plusieurs critiques indiqueront par erreur 2ème film, comme si personne ne se souvenait de Toi et moi, une comédie romantique réussie avec Marion Cotillard et Julie Depardieu !). Le scénario est un peu raide (la fin est difficile à défendre), mais le plus important est le regard, presque féministe, porté sur ces personnages. En particulier, Marie-Josée Croze et Marina Hands sont formidables !
Séance de rattrapage avec Notre histoire de Bertrand Blier, un film que je n’avais jamais vu et sorti en 1984. Les situations sont loufoques et déconcertantes, les dialogues sont du pur Blier, avec les personnages qui commentent leurs propres actions. Nathalie Baye, grande actrice de l’époque, assure et Alain Delon casse son image. Malgré tout, ce n’est pas le film le plus convainquant de son auteur, loin de là : on est un peu dans l’écriture automatique. Ce qui est amusant, c’est de voir avec nos yeux d’aujourd’hui Jean-Pierre Darroussin et Vincent Lindon tout jeunes…
Que penser du pensum de Nicolas Hulot Le Syndrome du Titanic ? Pas grand chose de bien malheureusement. Evidemment, comparé à Home de Yann-Arthus Bertrand (YAB) et son écologie naïve, ce serait presque un chef d’œuvre ! Mais enfin… Formellement, beaucoup d’images choc (sans tomber dans l’esthétisme imbécile de Home). Sur le fond, il y a du progrès : il fait le lien entre les crises économique, sociale et écologique. Mais il ne faut pas trop gratter : le film a deux défauts rédhibitoires. Le premier, c’est qu’il y a très peu d’éléments factuels : Hulot assène au lieu de démontrer. Le second, c’est que sa révolte est encore très limitée. On fonce dans l’iceberg, et il demande seulement de ralentir, sans changer de cap. Il désigne un coupable : le « capitalisme sauvage », en disant aussi, à plusieurs reprises : « seul l’excès est toxique ». Il pourrait donc exister un capitalisme civilisé ? Pourquoi ne vise-t-il jamais les capitalistes européens ? Parce que ceux-ci financent la Fondation Nicolas Hulot (comme l’association GoodPlanet de YAB) ? Parce qu’il est conseiller auprès de la Commission européenne ? Parce que ses proches suivent le libéral Daniel Cohn-Bendit ? Pourquoi dénonce-t-il la massification de la télévision dans les pays pauvres et épargne-t-il TF1, la première chaîne européenne ? Parce que celle-ci lui verse 30000 euros par mois ? Pourquoi le mot « nucléaire » n’est-il jamais prononcé ? Parce qu’EDF sponsorise le film ? Etc… Aux documentaires écolos français, je préfère l’école autrichienne : les documentaires Le Cauchemar de Darwin d’Hubert Sauper et We feed the world d’Erwin Wagenhofer sont bien plus intéressants que « les carences de monsieur Hulot » !
Un peu d’authenticité après ça, voilà qui ne fait pas de mal. Je vais donc voir Mademoiselle Chambon de Stéphane Brizé. Une histoire d’amour simple entre Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain, sans oublier Aure Atika très bien en épouse délaissée. C’est mignon, mais le film est totalement vide cinématographiquement parlant. Pour filmer les presque rien d’une rencontre pudique, Wong Kar-waï (In the mood for love) et Sofia Coppola (Lost in translation) usaient de style. Là, rien. Dommage…
Pour retrouver du flamboyant, rien ne vaut un Douglas Sirk, par exemple Tout ce que le ciel permet (1956). J’ai découvert le cinéaste lors de mon premier festival de La Rochelle en 2002 : c’est le maître des mélos des années cinquante en Technicolor. S’il n’avait pas existé, Pedro Almodovar et François Ozon n’auraient pas réalisé tout à fait les mêmes films… Ici, l’histoire d’une grande bourgeoise veuve qui tombe amoureuse de son jeune jardinier. Scandale, évidemment… Très classique mais grinçant.
Trois semaines après sa sortie parisienne, Au voleur, le premier film de Sarah Leonor arrive enfin en métropole lilloise. La chronique d’un jeune couple : elle prof d’allemand, lui voleur professionnel. La première partie est très moyenne, mais l’échappée belle de la deuxième partie est très convaincante. Guillaume Depardieu continue d’étonner, et Florence Loiret-Caille confirme tout le bien qu’on pensait déjà d’elle après avoir vu les films de Jérôme Bonnell (Le Chignon d’Olga, J’attends quelqu’un).
La critique dit du bien de Jennifer’s body de la réalisatrice Karyn Kusama, un teenage movie d’horreur. Je vais vérifier. Ce qui est bien, c’est l’inversion des rôles masculins et féminins : la tueuse est une jeune femme, et ce sont les garçons qui sont les proies ! Le film joue aussi avec les tourments adolescents… Néanmoins, on reste dans un second degré très formaté, assez loin du niveau des Scream de Wes Craven. Pas mal mais sans plus.
Des événements étranges et graves surviennent dans un village allemand, un an avant la Première Guerre Mondiale : le retour du refoulé dans ce village où l’éducation est très rigoriste ? : c’est Le Ruban blanc, le nouveau film de Michael Haneke (dont j’avais beaucoup aimé Caché), Palme d’or au dernier festival de Cannes. Indéniablement, il y a quelqu’un derrière la caméra (superbe noir et blanc). Et c’est peut-être la grande limite du film : Michael Haneke laisse peu de place au spectateur et nous donne une leçon. Un peu froid, mais à voir quand même.
J’ai beaucoup apprécié L’invasion des profanateurs de sépulture, réalisé par Don Siegel en 1956. Des extra-terrestres prennent l’apparence de personnes réelles dans une ville où tout le monde se connaît. Mais ils sont froids et sans sentiments. Allégorie du stalinisme ou au contraire du mccarthysme ? Une fable humaniste en tout cas, et savoureuse. La chanson « Les envahisseurs » d’Arnold Turboust fait avec humour référence à ce film, semble-t-il : « Les envahisseurs nous ressemblent / Mais n’ont pas de cœur et je tremble / Oui j’ai bien peur / Que tu sois des leurs »
Enfin, le vrai documentaire du mois, qu’il ne faut pas rater, c’est Rachel, de Simone Bitton (qui avait déjà réalisé Mur en 2004). L’histoire de Rachel Corrie, jeune pacifiste américaine tuée par un bulldozer israëlien à Rafah, en 2003, à 23 ans. La réalisatrice interroge ses proches (palestiniens, autres pacifistes américains), des membres de l’armée israëlienne, refait l’enquête sur les circonstance de sa mort, nous fait lire des lettres de Rachel. Au-delà du fait divers, c’est bien du conflit israëlo-palestinien dont il s’agit. Passionnant.
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