- Bien : Louise Wimmer (Cyril Mennegun), Take shelter (Jeff Nichols), Sport de filles (Patricia Mazuy), Les Nouveaux chiens de garde (Gilles Balbastre, Yannick Kergoat), Un monde sans femmes (Guillaume Brac), Une nuit (Philippe Lefèbvre)
- Pas mal : Amador (Fernando Leon de Aranoa), The Descendants (Alexander Payne), L'Amour dure trois ans (Frédéric Beigbeder), Elles (Malgorzata Szumowska), Une vie meilleure (Cédric Kahn)
- Bof : Parlez-moi de vous (Pierre Pinaud)
LOUISE WIMMER (Cyril Mennegun, 4 jan) LLL
Louise Wimmer est le nom d'une femme proche de la cinquantaine, employée dans l'hôtellerie, en recherche d'un logement. En attendant, elle n'a pour lieu privatif qu'un box et dort dans sa voiture. Comment en est-elle arrivée là ? L'un des grands mérites de ce film est de n'être jamais démonstratif, et de se déployer tout entier dans le présent. Bien sûr on en saura plus au fur et à mesure. Mais l'autre grand mérite de cette première oeuvre réside dans son énergie. L'énergie de son personnage principal, peu liante mais toujours révoltée et digne, interprétée de façon magistrale par Corinne Masiero. L'énergie de la mise en scène aussi, qui évite tous les écueils : ni film coup de poing, ni film exagérément formaliste, la caméra trouve la bonne distance, sans coller à son héroïne ni la surplomber. Un coup d'essai déjà très maîtrisé.
TAKE SHELTER (Jeff Nichols, 4 jan) LLL
Le personnage principal, Curtis, est un ouvrier (ce n'est pas si fréquent dans le cinéma américain). Marié et père d'une petite fille, il est en proie à des rêves qu'il suppose prémonitoires, des visions d'apocalypse imminente, et est obsédé par l'idée d'en protéger les siens. Comme Melancholia de Lars Von Trier, le film associe maladie mentale et catastrophe céleste. Mais le traitement est différent. Jeff Nichols montre notamment les conséquences sociales de la maladie (ou du don) de Curtis, pour quelqu'un de son milieu. Le film vaut pour son interprétation (Michael Shannon, extraordinaire, et Jessica Chastain très bien en épouse douce et mélancolique, comme dans Tree of life), et surtout pour le brio de la mise en scène, digne des meilleurs films d'angoisse.
SPORT DE FILLES (Patricia Mazuy, 25 jan) LLL
Révoltée par la vente du cheval d'obstacle qu'on lui avait promis, Gracieuse, cavalière surdouée, claque la porte de l'élevage qui l'employait. Elle redémarre à zéro en acceptant de rentrer comme palefrenière dans le haras de dressage qui jouxte la ferme de son père... C'est le début du nouveau film de Patricia Mazuy, mais ce n'est peut-être pas la meilleure façon de l'évoquer. Car celui-ci n'a rien à voir avec une plate illustration d'un scénario. La cinéaste nous entraîne habilement dans cet univers sélect peu connu, par les divers rapports de subordination entre les personnages (mention spéciale à Bruno Ganz et Josiane Balasko), et également entre ceux-ci et les chevaux, mais aussi par des images bien senties (ah le bandeau vert de Gracieuse !). Marina Hands trouve en Gracieuse son meilleur rôle depuis Lady Chatterley. Une réussite.
LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE (Gilles Balbastre, Yannick Kergoat, 11 jan) LLL
Ce documentaire militant s'ouvre sur une archive savoureuse : l'éloge par Pierre Desgraupes, à une heure de grande écoute sur l'ORTF, des Chiens de garde, le pamphlet que Paul Nizan a écrit en 1932 contre les intellectuels gardiens de l'ordre établi... En 1997, Serge Halimi publie Les Nouveaux chiens de garde, pamphlet contre les intellectuels de cour d'aujourd'hui (éditorialistes vedettes, "experts") qui psalmodient la pensée unique. Ce film-ci s'en inspire, tout en exposant une analyse plus large des questions posées par la critique rigoureuse des médias, telle que pratiquée notamment par la salutaire association Acrimed. La forme choisie est moins libre et subversive que les documentaires de Pierre Carles, mais plus didactique, charpentée autour de trois mots-clés : indépendance, objectivité, pluralisme, avec de brillantes interventions (le journaliste Michel Naudy ou les économistes hétérodoxes Jean Gadrey et Frédéric Lordon).
UN MONDE SANS FEMMES (Guillaume Brac, 8 fév) LLL
Un peu de fraîcheur dans le cinéma français : cela nous vient des bords de la Manche, du côté de la Picardie. C'est l'été, et un drôle d'autochtone solitaire (Vincent Macaigne), plus tout jeune, voit débarquer une mère (Laure Calamy) et sa fille adolescente (Constance Rousseau, déjà vue dans Tout est pardonné) en vacances. Comme il n'y a pas de scénario mécanique, ce sont les interactions entre ces trois personnages, excellemment interprétés, qui constituent le sel (marin) de ce moyen métrage (58 mn). L'ambiance fait un peu penser au Conte d'été d'Eric Rohmer, en plus indécis et moins littéraire. Les images sont magnifiques. Une vraie sensibilité et un charme très insolite assez décalé par rapport aux productions actuelles, auteuristes comme industrielles.
UNE NUIT (Philippe Lefèbvre, 4 jan) LLL
La nuit du titre désigne à la fois l'unité de temps du film, mais aussi son espace : les établissements de la nuit parisienne (boîtes, cabarets etc), filmés dans une lumière bleue métallisée digne d'un polar américain. Philippe Lefèbvre, revenant au cinéma après plus de vingt ans d'absence, soigne son ambiance, et nous cale dans les pas d'un flic (Roschdy Zem, très crédible), chargé de faire respecter un minimum d'ordre et de justice et qui a le pouvoir d'autoriser ou non l'ouverture de ces établissements. Il est accompagné par son chauffeur d'un soir, Sara Forestier, presque à contre-emploi dans un rôle assez taciturne. Comment concilier proximité avec ce milieu et probité exigée par la police des polices ? Un enjeu classique mais revivifié avec brio.
AMADOR (Fernando Leon de Aranoa, 15 fév) LL
Une jeune immigrée latino, en couple avec un revendeur de fleurs à la sauvette, trouve un travail pour l'été : s'occuper d'Amador, un vieil homme bougon et alité. Entre ces deux mal-aimés s'installe une certaine complicité. Mais Amador meurt subitement, et ce n'est pas la fin du film ! C'est un joli film sur la précarité, doublé d'un dilemme moral, que Fernando Leon de Aranoa a réalisé. Un joli portrait de femme aussi, interprété par la subtile Magaly Solier. Le scénario est peut-être un petit peu trop tiré au cordeau : toutes les pièces du puzzle s'emboîtent parfaitement. Mais la conclusion vaut le détour.
THE DESCENDANTS (Alexander Payne, 25 jan) LL
A Hawaï, la vie d'une famille bascule. Parce que sa femme vient d'être hospitalisée suite à un accident de ski nautique et est dans le coma, Matt King tente maladroitement de se rapprocher de ses deux filles (10 et 17 ans). Il apprend que sa femme avait une liaison... L'argument du film aurait pu donner lieu à un mélo ou à une comédie acide. Alexander Payne a préféré un entre-deux plus réaliste, plus fédérateur aussi. Le cadre exotique participe à l'idée qu'il faut aller au delà des apparences superficielles. Des réunions d'affaire en chemises bariolées contribuent également au léger décalage du film. Le tout reste néanmoins assez classique, bien interprété (mention à George Clooney et Shailene Woodley), peut-être un poil trop sage voire moralisateur, dans le sens où le personnage de la femme adultère ne peut pas se défendre...
L'AMOUR DURE TROIS ANS (Frédéric Beigbeder, 18 jan) LL
Au début des années 2000, j'avais eu de l'intérêt certain pour l'ex-publicitaire repenti Beigbeder. J'avais lu d'abord 99 Francs, un pamphlet anti-publicité et anti-consumériste (dont Jan Kounen a depuis raté l'adaptation ciné). Puis L'Amour dure trois ans, et j'avais été touché par la sincérité du roman, et agréablement surpris par la profondeur qui perçait sous l'apparence du fin connaisseur de la nuit parisienne. Dix ans plus tard, l'adaptation ciné renverse la perspective : c'est la superficialité, voire la beaufitude des personnages qui frappe sous le vernis branchouille. Cela pourrait donner un navet, et heureusement le film est un peu mieux que cela, et même assez délectable au xième degré. Par l'accumulation de petites idées qui font mouche, mais aussi et surtout par l'abattage de Louise Bourgoin, qui détonne en adorable emmerdeuse.
ELLES (Malgorzata Szumowska, 1er fév) LL
Anne (Juliette Binoche), journaliste un peu bobo travaillant pour un magazine féminin, part à la rencontre de deux étudiantes parisiennes, Charlotte (Anaïs Demoustier) et Alicja (Joanna Kulig), qui se prostituent pour arrondir leurs fins de mois. L'atout de ce film, ce sont ses interprètes, toutes formidables. Ensuite, c'est surtout un cinéma de sensations, plus ou moins convaincantes, pour le meilleur et pour le pire. Certaines scènes semblent déjà vues, et on peine parfois à déchiffrer où la cinéaste polonaise veut en venir, et en quoi son regard se distingue des clichés.
UNE VIE MEILLEURE (Cédric Kahn, 4 jan) LL
Un cuisinier (Guillaume Canet) rencontre une serveuse (Leïla Bekhti), mère célibataire d'un garçon de 9 ans, ils s'aiment, puis projettent d'ouvrir un restaurant à eux, avec peu d'apport personnel. C'est le début des galères... Cédric Kahn démarre son film sur les chapeaux de roue, enchaînant les scènes à un rythme rapide. Ensuite, on a plus de mal à s'enthousiasmer. Est-ce le scénario (avec des personnages qui s'enfoncent dans les mauvais choix) ? Ou l'interprétation : si Leïla Bekhti assure, Guillaume Canet a plus de mal à rendre son personnage crédible... Un film qui a le mérite de ne pas édulcorer la réalité sociale, mais qui n'émeut que rarement.
PARLEZ-MOI DE VOUS (Pierre Pinaud, 11 jan) L
Karin Viard joue très bien Marina, une animatrice radio qui confesse les auditeurs chaque soir entre 21h et 23h. Et qui dans la vraie vie est plutôt psychoridige et recherche sa mère qui l'a abandonnée quand elle était toute petite... Peut-être que la note négative est sévère pour ce premier film dont le sujet n'est pas mauvais en soi. Les interprètes ne sont pas en cause, mais la sauce ne prend pas. Trop de grosses ficelles, notamment psychologisantes, nuisent à la crédibilité de l'ensemble, qui diffère peu d'une fiction télé anonyme.
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