- Bien : Margin Call (J.C. Chandor), Pour lui (Andreas Dresen), A l'ombre de la République (Stéphane Mercurio), Réussir sa vie (Benoît Forgeard), Martha Marcy May Marlene (Sean Durkin), Bullhead (Michaël R. Roskam), L'Enfant d'en haut (Ursula Meier), Les Adieux à la reine (Benoît Jacquot), Elena (Andreï Zviaguintsev), Tue-moi (Emily Atef), Aloïs Nebel (Tomas Lunak)
- Pas mal : Radiostars (Romain Levy), 38 témoins (Lucas Belvaux), Bovines (Emmanuel Gras), I wish (Hirokazu Kore-Eda), Perfect sense (David MacKenzie), Cloclo (Florent Emilio Siri)
- Bof : Nouveau départ (Cameron Crowe), Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui (Jean-Marc Barr, Pascal Arnold), Sur la planche (Leïla Kilani), L'Hiver dernier (John Shank), La Vida util (Federico Veiroj), Chronicle (Josh Trank)
MARGIN CALL (J.C. Chandor, 2 mai) LLL
On est en 2008, au coeur d'une banque d'affaires de Wall Street. L'entreprise a dépassé plusieurs fois depuis quinze jours les limites historiques de l'indice de volatilité. En clair, le risque est énorme. C'est un jeune analyste financier qui le découvre, à la suite d'un travail de son supérieur hiérarchique, licencié la veille (compression de personnel pour faire monter le cours boursier)... Unité de temps (48h, y compris la nuit), de lieu et d'action. Nous sommes au coeur du capitalisme financier. Le film montre bien, dès les premières scènes, l'inhumanité du management d'aujourd'hui, puis l'absurdité du système lui-même, et enfin les réflexes cyniques des financiers quand la catastrophe pointe. A ce titre, cette remarquable première oeuvre est un grand film de personnages, baignant tous dans le cynisme mais à des degrés divers, ce qui nous vaut des rapports entre eux passionnants. Le casting (Kevin Spacey, Jeremy Irons, Demi Moore, mais il faudrait citer aussi Zachary Quinto, Paul Bettany ou Stanley Tucci) est également pour beaucoup dans la réussite du film.
POUR LUI (Andreas Dresen, 4 avr) LLL
Un homme dans la quarantaine, marié et père d'une adolescente de 14 ans et d'un jeune garçon de 8 ans, apprend qu'il est atteint d'une tumeur au cerveau et qu'il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. C'est le début de ce film qui ne verse ni dans l'émotion facile ni dans une stylisation qui se mettrait à distance de son sujet. Au contraire, c'est une sorte d'hyperréalisme qui domine (tous les interprètes sont excellents), avec ses moments grinçants et ses sentiments paradoxaux, avec parfois quelques échappées oniriques pleines de dérision. Comme dans Septième ciel, son précédent film, sur la sexualité des personnes (très) âgées, Andreas Dresen fait preuve d'un regard humaniste et réussit un grand film, d'ailleurs récompensé du prix de la sélection Un certain regard au festival de Cannes 2011.
A L'OMBRE DE LA REPUBLIQUE (Stéphane Mercurio, 7 mar) LLL
Quatre ans après A côté, formidable documentaire en creux sur la prison, qui recueillait la parole de la famille et des proches des détenus, la cinéaste Stéphane Mercurio suit l'équipe du Contrôleur général des lieux de privation de libertés (CGLPL), une autorité administrative indépendante créée en 2008, et pénètre cette fois dans les murs de l'institution carcérale, mais aussi dans un hôpital psychiatrique. Si ce documentaire est consacré au contrôle des droits fondamentaux des personnes enfermées, c'est aussi la pertinence de l'enfermement, et en particulier des longues peines, qu'on peut questionner. Comme le dit un détenu de la centrale de St-Martin de Ré, "on ne peut pas condamner un homme à 25 ans de prison et espérer qu'il sorte meilleur. Vous fabriquez des fauves !"
REUSSIR SA VIE (Benoît Forgeard, 4 avr) LLL
Un ovni filmique composé de trois court-métrages (et de drolatiques transitions) qui n'ont pas peur des sorties de route et qui cultivent un remarquable sens de l'absurde. Très original, l'humour a un petit quelque chose des Monty Python mais il y a aussi un peu de critique sociale : c'est fantaisiste mais absolument pas naïf. C'est assez soigné du côté formel, en particulier le dernier court-métrage. Mais cela ne ressemble à rien de formaté et c'est relativement dense tout en étant cohérent : ce ne sont pas de petites idées mises bout à bout, même s'il y a des effets de surprise (les scénarios ont tendance à bifurquer). Mention spéciale à Darius, le comédien commun aux trois histoires (mais dans des personnages différents).
MARTHA MARCY MAY MARLENE (Sean Durkin, 29 fév) LLL
Martha se réfugie chez sa soeur après avoir fui une secte. Elle tente de garder le secret de son absence prolongée, mais les épreuves passées ressurgissent dans sa mémoire... Peu de films traitent de la difficulté à sortir d'une secte (à part celui-là et Holy smoke, l'un des meilleurs Jane Campion). L'une des saveurs du film est que la vie embourgeoisée de la soeur et son mari semble elle aussi aliénante. Néanmoins, ce premier film n'est pas satirique, c'est un puzzle psychologique tout en suggestion. Elizabeth Olsen est impressionnante dans le rôle titre.
BULLHEAD (Michaël R. Roskam, 22 fév) LLL
Dans la Belgique flammande, Jacky, éleveur taciturne et violent, prospère dans le trafic d'hormones avec la complicité d'un vétérinaire véreux. Il s'inflige même le même traitement hormonal que les boeufs qu'il élève. Mais l'assassinat d'un policier bouleverse Jacky, tout comme ses retrouvailles avec un ami d'enfance... On peut reprocher au film un excès de testostérone, mais c'est le sujet qui veut ça. On pense d'abord à un film de mafia, mais c'est un traumatisme d'enfance qui est la clé du film. Dans le rôle principal, Matthias Schoenaerts est sidérant, tout en muscles, colère et frustration.
L'ENFANT D'EN HAUT (Ursula Meier, 18 avr) LLL
Simon, un gamin de 12 ans, vit seul avec sa grande soeur dans une cité de la Suisse d'en-bas. Mais il grimpe tous les jours sur les pistes d'une station de ski, pour aller dérober le matériel des touristes, qu'il revend ensuite à ses voisins... Comme dans Home, son premier film, la cinéaste s'intéresse à une famille dans une situation hors normes. Elle ne s'embarrasse pas d'explications, même si on finit par apprendre dans la deuxième moitié du film comment le préado et la jeune femme en sont arrivés là. C'est un véritable conte social, où tout n'est pas forcément vraisemblable, mais est rendu possible par l'ambiguïté insufflée par Kacey Mottet Klein et Léa Seydoux (décidément épatante) à leurs personnages.
LES ADIEUX A LA REINE (Benoît Jacquot, 21 mar) LLL
14 juillet 1789. En quatre jours, Versailles passe de l'insouciance à la panique. Benoît Jacquot évoque cette fin de régime en suivant certaines des femmes de la Cour, notamment à travers les yeux de Sidonie Laborde, la jeune lectrice (énamourée) de Marie-Antoinette. Benoît Jacquot reconstitue ces journées historiques comme si elles étaient au présent (n'est on pas à la fin d'un monde ?), en filmant amoureusement ses actrices (Léa Seydoux, Diane Kruger, Virginie Ledoyen), tout en étant caustique vis-à-vis de ses personnages. Contrairement à d'autres tentatives (Marie-Antoinette de Sofia Coppola), le point de vue ne peut pas être suspecté d'être contre-révolutionnaire, même si le peuple en mouvement est hors champ.
ELENA (Andreï Zviaguintsev, 7 mar) LLL
Vladimir, riche homme d'affaires vieillissant, et Elena, son ancienne et modeste infirmière, se sont mariés sur le tard. En apprenant que son mari compte léguer toute sa fortune à sa fille unique, née d'un premier mariage, Elena élabore un plan pour offrir à son propre fils et ses petits-enfants une vraie chance dans la vie. C'est un conte noir, qui vaut bien sûr pour les relations entre les personnages, mais aussi et surtout par l'excellence de sa mise en scène, froide et précise. Par exemple, les plans de départ tournés dans l'appartement luxueux de Vladimir et Elena sont d'une remarquable densité et confèrent tout de suite au film sa tension.
TUE-MOI (Emily Atef, 25 avr) LLL
Adèle, 15 ans, travaille à la ferme avec ses parents mais ne pense qu'à mettre fin à ses jours. Elle rencontre un évadé de prison et passe un pacte avec lui : elle l'aidera à s'enfuir s'il s'engage à la tuer au terme de sa cavale... Le début n'est certes pas un modèle de vraisemblance, mais on adhère assez vite, et surtout le film se bonifie au fil des séquences. Ce périple singulier commence dans la campagne allemande et finit à Marseille. La réalisatrice réussit un road-movie où les deux personnages évoluent mais de manière non linéaire, ce qui les rend passionnants et concourt à la tension du film.
ALOÏS NEBEL (Tomas Lunak, 14 mar) LLL
Automne 1989. Alors que la "révolution de velours" fait vaciller le régime tchécoslovaque, Aloïs Nebel, chef d'une gare de province perdue dans le brouillard, vit avec les fantômes de son passé. Notamment une autre période historique : la défaite de l'Allemagne nazie, et l'expulsion de la population germanophone des Sudètes en 1945... Adapté d'une BD, ce premier long métrage est en fait un film d'animation dans un noir et blanc somptueux. Le procédé utilisé, intitulé rotoscopie (animation calquée sur des images préalablement tournée avec de vrais acteurs), donne à ces images une puissance visuelle rare.
RADIOSTARS (Romain Levy, 11 avr) LL
Ben, qui se rêvait comique à New York, est de retour à Paris. Son ex lui fait rencontrer les présentateurs d'une émission de radio matinale et déconnante. Pour cause d'audience en berne, l'équipe doit partir en tournée tout l'été pour reconquérir ses auditeurs. Ben essaye de s'imposer comme leur nouvel "auteur de vannes"... Cette comédie lorgne moins vers Tandem (le plus beau film de Patrice Leconte) que vers la nouvelle comédie américaine (Judd Apatow). Les jeunes mâles arrogants et/ou immatures vont apprendre un peu de la vie, les répliques fusent, il y a aussi des gags récurrents autour du chauffeur de car androgyne... Bref un film inégal (pas toujours la classe) mais plutôt drôle et sympa.
38 TEMOINS (Lucas Belvaux, 14 mar) LL
En rentrant d'un voyage, Louise découvre qu'un meurtre horrible a eu lieu au pied de son immeuble, en pleine nuit. Aucun témoin, tout le monde dormait. Mais peu à peu elle apprend que 38 personnes ont vu ou entendu quelque chose, y compris son mari... Pendant une bonne moitié du film, on a peine à reconnaître la patte du cinéaste inspiré, le montage et les cadres semblant hésitants. Mais les trois derniers quarts d'heure prennent la dimension d'une véritable réflexion sur la nature humaine, bien servie par les interprètes (Yvon Attal, Sophie Quinton, Nicole Garcia, Natacha Régnier notamment).
BOVINES (Emmanuel Gras, 22 fév) LL
Un documentaire original qui pose sa caméra dans un champ et invite le spectateur à suivre le quotidien d'un troupeau de vaches. Aucun anthropomorphisme, le tout est filmé à hauteur d'animal (les êtres humains sont hors champ, si j'ose dire). Les plans sont souvent remarquables et contemplatifs. Mais ce que l'on retient est quand même l'action, notamment cette vache qui a l'idée de secouer un arbre pour faire tomber les pommes...
I WISH (Hirokazu Kore-Eda, 11 avr) LL
Deux frères sont séparés l'un de l'autre par le divorce de leurs parents. Un TGV va relier leurs deux villes, situées au nord et au sud de l'archipel japonais. Les garçons organisent un voyage jusqu'au point de croisement des deux premiers TGV mis en service, espérant que ce croisement générera une sorte d'énergie qui réalisera leurs voeux... Une oeuvre inégale mais délicate de Hirokazu Kore-Eda, ça ne se refuse pas, même si elle restera mineure dans la filmographie du cinéaste d'After life (1999) et Nobody knows (2004).
PERFECT SENSE (David MacKenzie, 28 mar) LL
Une curieuse pandémie se répand. Les personnes touchées perdent un à un leur cinq sens : d'abord l'odorat, puis le goût... Deux d'entre elles, une scientifique (Eva Green) et un chef-cuisinier (Ewan McGregor), tentent de vivre jusqu'au bout leur histoire d'amour naissante... Par son scénario, le film se place au croisement du film catastrophe et de la romance. Mais la mise en scène, assez maladroite, de David MacKenzie n'arrive pas à la hauteur de son sujet, peut-être bien une fausse bonne idée finalement. Reste le charme des deux interprètes principaux qui maintient un intérêt jusqu'au bout.
CLOCLO (Florent Emilio Siri, 14 mar) LL
La vie et l'oeuvre (si on peut dire) du chanteur adulé des années 60 et 70. Le film n'est pas désagréable du tout, et on se laisse prendre au jeu. Jérémie Renier assure bien dans le rôle principal. Mais on n'est loin d'un quelconque chef d'oeuvre : il s'agit d'un film essentiellement illustratif. Cela s'en ressent dans les dialogues, toujours explicatifs mais pas toujours naturels. Et deux scènes frôlent le ridicule : la création de Comme d'habitude d'un seul jet, sur un transat près de la piscine, et, plus gênant, le passage obligé de la scène de la baignoire à la fin.
NOUVEAU DEPART (Cameron Crowe, 18 avr) L
Matt Damon joue un père de famille veuf qui démissionne et s'installe au vert, et devient après un malentendu propriétaire d'un zoo qui vient de fermer. Ce dernier est encore entretenu par quelques employés dont une jeune femme interprétée par Scarlett Johansson. Devinez la suite... Je m'attendais davantage à un film récréatif qu'à un film créatif, mais là la mise en scène est vraiment lourdaude, soulignant chaque étape. Dommage car tous les personnages sont plutôt attachants, mention spéciale à Colin Ford qui joue le fils aîné du héros et à sa nouvelle voisine Elle Faning (déja appréciée dans Somewhere et Super-8).
CHRONIQUES SEXUELLES D'UNE FAMILLE D'AUJOURD'HUI (Jean-Marc Barr, Pascal Arnold, 9 mai) L
Jean-Marc Barr et Pascal Arnold, dont j'apprécie les films habituellement, savent filmer la sensualité. Ils en font l'unique argument de leur dernier film, qui montre une famille qui a décidé, suite à une bêtise du fils cadet (surpris au lycée en flagrant délit de masturbation), de lever le tabou sur la sexualité. Les deux auteurs sont plein de bonnes intentions, voulant traiter le sujet sans tomber dans la pornographie. Mais le résultat est confondant, tous les personnages ne sont montrés qu'en train de le faire ou d'en parler, et pour qu'aucun spectateur ne se sente nié, le film devient peu à peu un catalogue des différentes possibilités et orientations. Bref, artificiel.
SUR LA PLANCHE (Leïla Kilani, 1er fév) L
A Tanger, deux jeunes ouvrières qui décortiquent des crevettes rêvent de rejoindre les ouvrières des textiles. Tous les moyens sont bons. La meneuse est une véritable pile électrique qui décline sa rage en slam... Un sujet fort mais amoindri par son traitement (caméra à l'épaule systématique mais hésitante, direction d'actrices discutable) qui finit par agacer et ennuyer. Leïla Kilani est issu du documentaire, mais dans la fiction il lui manque encore la maîtrise des frères Dardenne.
L'HIVER DERNIER (John Shank, 29 fév) L
Un jeune éleveur se retrouve étranglé par les difficultés économiques. Ce premier film, tourné dans l'Aveyron par un réalisateur américain avec des jeunes interprètes français très talentueux (Vincent Rottiers, Anaïs Demoustier, Florence Loiret-Caille), avait de quoi séduire sur le papier. Mais si la photographie est souvent belle, le récit, convenu et assez minimaliste, déçoit et l'ennui s'installe.
LA VIDA UTIL (Federico Veiroj, 28 mar) L
Vieux garçon obsédé de cinéma, Jorge travaille depuis 25 ans à la Cinémathèque uruguayenne. Jusqu'au jour où elle ferme ses portes définitivement... Sur le papier, cela pouvait donner un film très intéressant, tourné en noir et blanc qui plus est. Le résultat est tout autre : le rythme est lent, mais sans conférer aux plans une véritable densité pour autant. Et si références au cinéma et à la cinéphilie il y a, le film n'en fait pas grand chose et reste scolaire. Bref, ennuyeux.
CHRONICLE (Josh Trank, 22 fév) L
Trois lycéens acquièrent involontairement des super pouvoirs. Mais au lieu de sauver le monde, ils les gardent secrets et les emploient à des fins autres... Cela aurait pu être réjouissant (Albert Jacquard rappelle souvent que le véritable surhomme n'est pas un homme doté de super pouvoirs mais la communauté des hommes elle-même). Malheureusement, la direction suivie par le film n'est pas celle-là. Les personnages sont décrits comme tous égoïstes (comme dans la vulgate libérale), et cela finit sans humour dans un paroxysme pyrotechnique assez abrutissant.
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