MON FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE LA ROCHELLE 2012
24) * LE CHANT DE LA FLEUR ECARLATE (Teuvo Tulio, 1938)
Olavi, fils d'un riche propriétaire terrien, est un séducteur invétéré. Rejeté par sa famille, il
quitte la ferme familiale et devient flotteur sur bois... Une curiosité de pouvoir découvrir un mélo
des années 30 d'un réalisateur finlandais dont les films ne sont jamais sortis en France. Intéressant
jeu d'acteur proche du muet. Mais aussi beaucoup de longueurs, une musique assez envahissante.
Et un message, peut-être audacieux pour l'époque, mais qui mélange puritanisme et féminisme.
23) ** UN HOMME ET UNE FEMME (Claude Lelouch, 1966)
Deux veufs se rencontrent à Deauville, une script de cinéma qui a perdu son mari
cascadeur et un coureur automobile dont la femme s'est suicidée. Des longueurs, une caméra
aérienne ce qui n'empêche pas la mise en scène d'être un peu lourde (filtres de couleurs). La
célèbre musique (dabadabada) a plutôt mieux vieilli. Le film vaut surtout pour les bonnes
interprétations d'Anouk Aimée et de Jean-Louis Trintignant (très jeune).
22) ** LE MAGASIN DES SUICIDES (Patrice Leconte, 2012)
Nous sommes dans une ville où tout le monde a le bourdon, et où le commerce le plus
florissant est une boutique où l'on vend des accessoires pour se suicider. Jusqu'au jour où la
patronne accouche d'un enfant qui est la joie de vivre incarnée... Le point de départ du premier
film d'animation de Patrice Leconte est très bon. Le résultat à l'arrivée est plus mitigé (n'est pas
Tim Burton qui veut), manque de profondeur. Des chansons envahissantes, comme dans certains
films pour enfants (pour quel public a-t-il fait le film ?). Résultat néanmoins sympathique, avec
une bonne dose d'humour noir.
21) ** OLD DOG (Pema Tseden, 2011, inédit)
Un vieux pasteur est fâché contre son fils parti en ville vendre leur chien, un mastiff, race
très prisée par les riches chinois. Il décide de racheter l'animal, dont ce n'est pas l'ultime
changement de propriétaire... Découverte d'un film inédit du premier et unique réalisateur
tibétain. On peut y voir une fable sur la difficulté de transmettre une culture locale à l'heure de
l'expansion du capitalisme (chinois), encore que le réalisateur laisse ouvertes les interprétations.
Le rythme est très lent, et on pourrait facilement couper ½ h (le film dure 1h ½ mais paraît durer
plus !).
20) ** LA FILLE DU DESERT (Raoul Walsh, 1949)
Remake façon western de La Grande évasion, l'un des meilleurs Raoul Walsh. C'est
amusant pour les cinéphiles de voir une histoire similaire (transposée ici 60 ou 70 ans plus tôt)
dans deux genres différents. Mais cette version souffre de la comparaison avec l'original :
scénario moins subtil, interprétation moins charismatique, et même une mise en scène
curieusement moins spectaculaire...
19) ** LE SAUT DANS LE VIDE (Marco Bellocchio, 1980)
Un frère (Michel Piccoli), magistrat, et sa soeur (Anouk Aimée), qui ont toujours vécu
ensemble. Le premier craint la folie qui semble s'emparer de la seconde... Un drame
psychologique mâtiné d'humour sardonique. Le film est un peu inégal dans ses bizarreries, mais
intéressant dans sa progression. Double prix d'interprétation au festival de Cannes 1980.
18) ** LES HABITANTS (Alex van Warmerdam, 1995)
Au nord des Pays-Bas, dans les années 1960. Un lotissement perdu au milieu de nulle part
(une seule rue). Une femme jeûne pour plaire au Seigneur. Un enfant se déguise en Noir et se fait
appeler Lumumba. Un facteur indiscret ouvre le courrier avant de le distribuer, un garde-chasse
stérile, un boucher libidineux... Situations loufoques (ou noires) sur fond de voyeurisme
généralisé (la plupart du temps les rideaux restent ouverts, si on les ferme, c'est qu'on a quelque
chose à cacher !). Pas très éloigné d'autres cinéastes nordiques qui dialoguent avec le burlesque et
l'absurde (par exemple Bent Hamer, le futur réalisateur de Kitchen stories).
17) ** DEUX ANS APRES (Agnès Varda, 2002)
Ce documentaire ne peut s'apprécier indépendamment des Glaneurs et la glaneuse, dont il
constitue une suite, ou plus exactement un bonus. Il montre ce que certains protagonistes sont
devenus deux ans après le documentaire initial, ce que celui-ci (et sa sortie en salles) a changé
pour eux, mais aussi les nombreuses lettres et cadeaux que la cinéaste a reçus. Pas grand chose de
nouveau, mais on retrouve des qualités du premier (écoute, montage).
16) *** LA SORCELLERIE À TRAVERS LES ÂGES (Benjamin Christensen, 1922)
Comment présenter cette assez grosse production suédoise (pour l'époque) réalisée par le
danois Benjamin Christensen ? Peut-être comme un docu – fiction 80 ans avant que cela ne
devienne un genre télévisuel prisé. On y trouve donc quelques documents d'archives commentés,
et bien sûr des séquences filmées plus ou moins expressionnistes pour illustrer le sujet. Au menu,
sorcellerie et sorcières : superstitions, croyances mais aussi les procès en sorcellerie (au sens
littéral) conduits par l'Inquisition, avant un retour ironique sur la période moderne (20è siècle).
15) *** LA TÊTE CONTRE LES MURS (Georges Franju, 1959)
Un jeune homme instable s'oppose à son père, qui le fait enfermer dans un asile
psychiatrique. Il n'a qu'une idée : s'évader... C'est le jeune Jean-Pierre Mocky qui signe le
scénario (et tient également le rôle principal), dans ce premier film de Franju, le futur auteur des
Yeux sans visage. Le film est de facture classique, mais est vecteur d'une réflexion sur la
psychiatrie, avec l'opposition dialectique entre deux psychiatres aux pratiques opposées, qui sont
joués par Pierre Brasseur et Paul Meurisse. Les autres interprètes sont tous savoureux (Mocky,
Anouk Aimée, Charles Aznavour).
14) *** THE KID (Charlie Chaplin, 1921)
Abandonné par sa mère, un nourrisson est recueilli par un pauvre vitrier ambulant qui
s’attache immédiatement à lui. 5 ans plus tard, l’enfant est devenu le complice de son père
adoptif, cassant les carreaux que ce dernier propose ensuite de remplacer… Premier long métrage
de Chaplin : on est encore dans l'enfance de l'art (gags simples et attendus). Mais on est aussi
dans l'art de l'enfance (avec Jackie Coogan, jeune interprète surdoué de 6 ans). Déjà derrière le
burlesque perce une pointe sociale, avec le thème (assez autobiographique) de l'enfance
défavorisée.
13) *** HUIT ET DEMI (Federico Fellini, 1963)
Guido, cinéaste, ne parvient pas à terminer son film. Dans la station thermale où il s’est
isolé, ses proches viennent lui rendre visite, pour l’inciter à réaliser le film sur lequel il doit
travailler... Le réalisateur fictif (Guido) est en panne d'inspiration, pas Fellini, sauf
éventuellement au milieu du film (ventre mou). Sur le fond, une satire légère du monde du
cinéma et plus ironique du machisme de son personnage principal (superbe Mastroianni). Sur la
forme, ce sont les foisonnants passages oniriques qui donnent toute sa saveur au film.
12) *** LA FEMME À ABATTRE (Bretaigne Windust, Raoul Walsh, 1951)
Pour condamner un chef de bande criminelle, le procureur Ferguson (Humphrey Bogart)
tient un témoin capital. Mais ce dernier se tue accidentellement. L’enquête doit être reprise...
C'est le début d'un formidable scénario à tiroirs. Apparemment c'est le premier film où l'on parle
explicitement de syndicat du crime et de « contrat » (vu le didactisme sur le sujet). Même si
Raoul Walsh n'est arrivé qu'en cours de route (pour remplacer Bretaigne Windust), on reconnaît
un style rapide et tout en suggestion...
11) *** LA VALLEE DE LA PEUR (Raoul Walsh, 1947)
Alors qu’il s’est caché pour échapper à la meute, Jeb Rand se souvient de son enfance.
Orphelin, il a été élevé par Medora Callum avec ses deux enfants, Thorley et Adam, et comme
s’il était son propre fils. Mais des épreuves l'attendent... C'est un western (l'action se passe autour
de 1900 au Nouveau-Mexique), mais un western psychanalytique et également une fresque de
famille. Dans le rôle principal, Robert Mitchum, très jeune, excelle déjà. Le film se déroule sur
un rythme rapide mais qui ne nuit pas à l'émotion.
10) *** THE WE AND THE I (Michel Gondry, 2012)
C’est la fin de l’année. Les élèves d’un lycée du Bronx grimpent dans le bus pour un
dernier trajet ensemble avant l’été. Nouveau film de Michel Gondry, en mode indépendant, après
avoir réalisé un film de commande hollywoodien (The Green hornet). Le générique fait penser à
une déclinaison de Soyez sympas, rembobinez avec la maquette de bus. Mais ensuite on est en
terrain inconnu, avec ces interprètes débutants ou non professionnels (issus du Bronx). Au fur et à
mesure des dessertes du bus, belle progression du groupe large (avec ses caïds) aux conversations
d'égale à égale entre individus.
9) *** LA RUEE VERS L'OR (Charlie Chaplin, 1925)
1898, les paysages glacés de l’Alaska. Charlot fait partie de ces milliers d’aventuriers
partis chercher fortune, en quête du précieux métal... Bien sûr l'Alaska est reconstituée en studio,
mais c'est très plaisant. Les dernières scènes, sur un bateau, sont savoureuses et donnent la morale
de l'histoire. Auparavant, on a eu droit à de nombreux gags sur le fil (notamment ceux liés à la
cabane de chercheur d'or). Certaines séquences sont restées célèbres (la cuisson de la chaussure,
et symétriquement plus tard dans le film la danse des petits pains). Projection dans une version
sonorisée discutable (commentaires en voix off au lieu d'intertitres).
8) *** CE CHER MOIS D'AOÛT (Miguel Gomes, 2009)
En gros, deux parties mais trois films en un (documentaire, fiction, making of). Pour
simplifier, disons que c'est l'histoire du tournage d'une fiction estivale (amour contrariée juvénile)
par une équipe qui, en attendant les moyens nécessaires, tourne sur place un documentaire sur les
fêtes villageoises dans les montagnes portugaises, et les groupes musicaux qui s'y produisent.
Paradoxalement, la deuxième partie émeut beaucoup, alors qu'on sait que c'est une fiction (et que,
par exemple, le père de la jeune fille est joué par celui qui interprétait le producteur de cinéma
plus tôt dans le film) ! Sur le papier, c'est un peu compliqué mais le film dure le temps qu'il faut
pour qu'on comprenne tout : ce n'est pas un film cérébral, c'est un film solaire !
7) *** L'ENFER EST À LUI (Raoul Walsh, 1949)
Le film suit une bande de gangsters qui n'en sont pas à une vie près (on le comprend dès
le hold-up dans le prologue). Celle-ci va bientôt être infiltrée par un flic. Le chef de bande
s'appelle Cody Jarett (joué génialement par James Cogney), et il est en proie à des migraines
terribles, non sans rapport avec la relation de dévotion à sa mère... Il faut d'ailleurs noter que les
personnages féminins du film ne sont pas plus moraux que les autres. Formellement, Walsh ne
fait pas de grandes démonstrations mais adopte un style sobre et rapide très efficace.
6) *** LA GRANDE EVASION (Raoul Walsh, 1941)
Sorti de prison au bout de huit ans, un homme replonge immédiatement dans le
banditisme pour payer sa dette à celui qui l'a fait sortir. Plusieurs films en un (policier,
sentimental) et fin assez spectaculaire dans la Sierra. Mise en scène, scénario et interprétation
(mentions spéciales à Humprey Bogart, dans l'un de ses premiers rôles principaux, et à Ida
Lupino) excellents. Pour l'anecdote, on notera que c'est un des rares films d'action où on voit un
commerçant rendre la monnaie (contrairement aux conventions scénaristiques)...
5) *** MODEL SHOP (Jacques Demy, 1969)
On retrouve Lola à Los Angeles, environ 7 ans après le premier film (puisque son fils
passe de 7 à 14 ans), dans un Model shop (une sorte de boîte de strip-tease, de studio dans
laquelle les clients peuvent photographier leur modèle en petite tenue). Auparavant, on suit un
jeune couple qui bat de l'aile, dont un architecte ambitieux mais désabusé. La tonalité du film,
douce-amère l'air de rien, signe l'univers de Jacques Demy. Belle montée progressive des enjeux
dramatiques. Anouk Aimée et comédiens magnifiques.
4) **** LES GLANEURS ET LA GLANEUSE (Agnès Varda, 2000)
Formidable documentaire sur le glanage et le grapillage, d'abord sur celles et ceux qui le
font par nécessité, mais aussi sur un restaurateur iconoclaste et sur ceux qui font de la
récupération par choix, choix de vie ou choix artistique. En creux, c'est aussi un documentaire sur
le gaspillage à l'autre bout de la chaîne. Sur la forme, à l'opposé de certains reportages à la fausse
objectivité, Agnès Varda assume une totale subjectivité (le film est aussi sa première utilisation
d'une caméra DV), avec des commentaires et un montage malicieux et quelques choix de mise en
scène (un avocat en robe au milieu d'un champ) réjouissants !
3) **** LOLA (Jacques Demy, 1962)
À Nantes, un jeune homme désillusionné et rêveur, Roland Cassard, s’ennuie. Passage
Pommeraye, il croise par hasard une amie d’enfance, Cécile devenue Lola, chanteuse de cabaret.
Elle attend le retour du grand amour de sa vie, Michel, parti lorsqu’elle était enceinte de leur fils,
et traîne avec Frankie, un marin américain de passage… Ces chassés-croisés auraient pu donner
lieu à une comédie musicale. Tout l'univers de Jacques Demy est déjà là, en germe dans ce
premier film. Tel quel, dans un somptueux noir et blanc dû à Raoul Coutard, on goûte aux
audaces stylistiques tenant à la fois du naturalisme et du réalisme poétique. Les personnages sont
excellemment écrits et interprétés, et Anouk Aimée est impressionnante dans le rôle – titre.
2) **** LE CIRQUE (Charlie Chaplin, 1928)
Pour échapper aux policiers, Charlot se réfugie dans un cirque, où il est engagé comme
clown. Il tombe amoureux de l’écuyère tyrannisée par son père, le directeur, puis est confronté à
un rival de taille en la personne du beau funambule, nouvelle recrue de la troupe… Chaplin opère
génialement la distinction entre le rire dû volontairement aux clowns de cirque (rire forcé) d'une
part, et les situations burlesques irrésistibles provoquées involontairement par Charlot d'autre
part. Chaplin ne se contente pas d'aligner de nombreux morceaux de bravoure, il construit
admirablement bien son film, assurément le meilleur de la première période.
1) **** LES FEUX DE LA RAMPE (Charlie Chaplin, 1952)
Calvero est un clown de music-hall déchu, qui ne parvient plus à décrocher de rôle. Dans
la pension où il vivote, il sauve une jeune ballerine du suicide et parvient à lui redonner goût à la
vie... Formidable hommage au music-hall et véritable film-testament avant l'heure (Chaplin
réalisera encore deux longs-métrages ensuite). C'est d'une très grande finesse d'écriture, d'abord
au sens strict : lui qui a été si longtemps rétif à la parole dans ses oeuvres signe l'un des plus
beaux dialogues de cinéma. La dominante est mélodramatique, mais avec beaucoup d'humour.
L'ensemble est formellement très beau (noir et blanc, chorégraphies), le passage avec Buster
Keaton est savoureux, mais c'est l'humanisme qui emporte le tout.
Derniers commentaires
→ plus de commentaires