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Suite des films de 2012

  • Bravo : Holy motors (Leos Carax)
  • Bien : The Day he arrives (Hong Sang-soo), Le Grand soir (Benoit Delépine, Gustave Kervern), Adieu Berthe (Bruno Podalydès), De rouille et d'os (Jacques Audiard), Trois soeurs (Milagros Mumenthaler), The Deep blue sea (Terence Davies), Chercher le garçon (Dorothée Sebbagh)
  • Pas mal : Summertime (Matthew Gordon), Moonrise kingdom (Wes Anderson), Mains armées (Pierre Jolivet), La Petite Venise (Andrea Segre), Sur la route (Walter Salles), Il n'y a pas de rapport sexuel (Raphaël Siboni)
  • Bof : Laurence anyways (Xavier Dolan), To Rome with love (Woody Allen)

HOLY MOTORS (Leos Carax, 4 juil) LLLL
Quelques heures dans l'existence de Monsieur Oscar, qui voyage de vie en vie. Tour à tour homme d'affaires, mendiante, créature monstrueuse, père de famille, vieillard, il joue une multitude de rôles, mais sans caméras apparentes, ni public averti. Il est uniquement accompagné de Céline, qui le conduit de rendez-vous en rendez-vous dans une immense limousine blanche qui lui sert de loge... Pas facile de décrire le nouveau film de Leos Carax, ni même une seule scène (même si c'est tentant : il y a des morceaux d'anthologie). L'exercice serait aussi vain que de paraphraser de la poésie. Car il s'agit bien d'un poème visuel, parfois assez trash, du cinéma total, dont les influences vont de Feuillade à Weerasethakul en passant par Franju et Lynch. Un hommage aux comédiens en général et à Denis Lavant en particulier. Une ode à la vie, qui nous impose plusieurs rôles simultanés. Peu importe qu'on n'y aime pas forcément tout, ce qui compte c'est "la beauté du geste"...

THE DAY HE ARRIVES (Hong Sang-soo, 16 mai) LLL
Seong-jun, professeur de province autrefois cinéaste, revient passer quelques jours à Séoul avec un vieil ami. Au passage il retrouve une ex le temps d'une nuit... Du Hong Sang-soo pur jus. C'est d'ailleurs en sa qualité de cinéaste obsessionnel qu'il est qualifié par des critiques français paresseux de Rohmer sud-coréen. Car dans ses films on boit et on couche plus que chez Rohmer... Si ce film-ci est l'un de ses plus beaux des dernières années  - il faut remonter à 2005 (Conte de cinéma) pour en retrouver un aussi réussi -, c'est dû à la qualité existentielle de cette chronique amoureuse, à l'apparente simplicité du dispositif derrière laquelle se cache de subtiles répétitions, au superbe noir et blanc, à la neige qui tombe à petits flocons...

LE GRAND SOIR (Benoit Delépine, Gustave Kervern, 6 juin) LLL
Deux frères aux antipodes l'un de l'autre : Not (Benoît Poelvoorde) est le plus vieux punk à chien d'Europe, Jean-Pierre (Albert Dupontel) est représentant en matelas. Quant à leurs parents (Areski Belkacem et surtout Brigitte Fontaine, irrésistible), ils tiennent une Pataterie. Un jour, Jean-Pierre est licencié... Les réalisateurs, avec leur humour très noir et très politique, réussissent une comédie très corrosive sur le capitalisme et la société de consommation. Il n'y a qu'à voir de quelle façon ils filment la zone commerciale dans laquelle se passe l'essentiel du film. Aucun compromis dans la mise en scène, audacieuse dans chaque plan. Résultat à la fois désespéré et revigorant.

ADIEU BERTHE (Bruno Podalydès, 20 juin) LLL
Armand (Denis Podalydès), pharmacien, est à l'heure des choix. Il s'apprête à quitter sa femme (Isabelle Candelier) pour sa maîtresse (Valérie Lemercier), et doit choisir l'entreprise de pompes funèbres ("Définitif" ou "Obsécool") qui enterrera Mémé, sa grand-mère un peu oubliée qui vient de décéder. Parallèlement, il prépare un tour de magie pour l'anniversaire de la fille de sa maîtresse... Sur le papier, c'est déjà loufoque, sur l'écran c'est très drôle. Certains thèmes des précédents films du réalisateur sont retricotés (indécision masculine, magie), mais il y a du nouveau dans leur humour : des croque-morts concurrents désopilants (Michel Vuillermoz, Bruno Podalydès), des personnages féminins non sacrifiés, et une utilisation réjouissante de musiques classiques.

DE ROUILLE ET D'OS (Jacques Audiard, 17 mai) LLL
Un père de famille boxeur qui vit de petits trafics ou de petits boulots (videur de boîte, agent de sécurité) rencontre une jeune femme qui dresse des orques dans un Marineland. Celle-ci va avoir un terrible accident... Le point fort n'est pas le sujet en lui-même mais son traitement. Matthias Schoenaerts (la révélation de Bullhead) et Marion Cotillard construisent admirablement les deux éclopés du film (elle, handicapée physique et lui, handicapé moral et oral). Et Jacques Audiard filme sans faux fuyants (et bénéficie d'excellents effets spéciaux).

TROIS SOEURS (Milagros Mumenthaler, 18 juil) LLL
Buenos Aires, en été. Trois soeurs, Marina, Sofia et Violeta se retrouvent dans la maison familiale alors que leur grand mère qui les a élevées (on comprend qu'elles ont perdu leurs parents depuis longtemps), vient de mourir. Marina, l'aînée, plus responsable, se concentre sur ses études et l'intendance du foyer, Sofia est obnubilée par ses tenues (qu'elle refuse jalousement de prêter à ses soeurs) et Violeta, la dernière, se traîne du lit au canapé et reçoit de temps à autre un garçon. Les mois passent et la situation évolue... La réalisatrice, dont c'est le premier long métrage, parvient à rendre passionnantes les trajectoires esquissées par ses héroïnes, grâce à une caméra qui les ausculte tout en faisant parler le lieu unique (la maison et son jardin).

THE DEEP BLUE SEA (Terence Davies, 20 juin) LLL
Dans les années 50 à Londres, Hester (Rachel Weisz, splendide), l'épouse d'un haut magistrat quitte son confort pour vivre sa passion avec un ancien pilote de l'air (durant la Seconde guerre mondiale). Pour elle c'est une véritable passion, qu'en est-il pour lui ? C'est un mélodrame qui se joue, mais il n'est pas flamboyant comme chez Sirk, Minnelli, Ozon ou Almodovar. Il est tourné en lumière froide (qui peut décontenancer au début, mais on s'y fait), ravagé de l'intérieur, et fait plutôt songer, sur la forme (car l'histoire n'a rien à voir), à Saraband, le dernier Bergman...

CHERCHER LE GARçON (Dorothée Sebbagh, 9 mai) LLL
Suite à une résolution de début d'année, Emilie, 35 ans (jouée par Sophie Cattani, qui interprétait la mère de Tomboy), s'inscrit sur le site Meet me pour trouver l'amour... Elle rencontre des garçons, assez différents les uns des autres. Certains sont à la limite de la caricature, mais les situations et le regard posé sur eux par la cinéaste ne sont jamais caricaturaux. Et Emilie évolue au fil des rencontres (qui peuvent être simplement amicales). Un joli film court (1h10), assez ouvert, et tourné en décors naturels près de Marseille...

SUMMERTIME (Matthew Gordon, 4 juil) LL
Abandonné par sa mère, plus ou moins dépressive, Robbie, 14 ans, veille sur son petit demi-frère et sa grand-mère, dans un coin paumé du Mississipi. Robbie a encore l'âge de jouer avec son petit frère dans les champs environnants, mais juste avant les vacances d'été il a été surpris par le principal en train de chaparder dans les casiers du collège. Et une fois son grand frère revenu, il est le plus adulte de tous et rêve d'un rétablissement de la cellule familiale (et d'un retour de la mère)... Ce premier film modeste s'attache à des exclus du rêve américain, et touche plutôt juste.

MOONRISE KINGDOM (Wes Anderson, 16 mai) LL
Sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre, dans les années 60, deux enfants de douze ans, un scout orphelin rejeté par ses camarades et une fille de bonne famille fuguent. Très débrouillards, ils emmènent une batterie d'accessoires, dont le 45 tours de Françoise Hardy Le Temps de l'amour (ce qui nous vaut une très belle scène cocasse). Si l'on ajoute le branle-bas de combat déclenché par cette fugue chez les adultes, personnages secondaires intéressants joués par des stars (Bill Murray, Frances McDormand, Bruce Willis, Edward Norton), tout cela crée un univers drolatique et mélancolique, et un poil étouffant dans l'ajustement des détails.

MAINS ARMEES (Pierre Jolivet, 11 juil) LL
Lucas (Roschdy Zem) est flic à Marseille, sans avoir eu la vocation très jeune (auparavant il a été prof de maths). En remontant une filière de trafic d'armes international, lui et son équipe débarquent à Paris, où travaille Maya (Leïla Bekhti). Maya est flic elle aussi, mais dans une brigade des stups, et est la fille de Lucas, même si elle l'a à peine connu (il a quitté sa mère avant sa naissance). Tout en menant son enquête, Lucas tente de revoir Maya... Sans révolutionner le genre, Pierre Jolivert a réalisé un bon polar (bonnes ambiances, bonnes interprétations).

LA PETITE VENISE (Andrea Segre, 13 juin) LL
Une jeune immigrée chinoise (Zhao Tao) arrive à Choggia, une bourgade de la lagune vénitienne. Elle y travaille dans un café, en attendant de faire venir son fils, et se lie d'amitié avec un vieux pêcheur (Rade Serbedzija, une nature), ce qui ne plaît pas à tout le monde... Au début, on a peur de voir un film un peu chromo, un peu cliché aussi, mais cette crainte se dissipe assez vite, car au fur et à mesure le film gagne en épaisseur. Une jolie petite réussite.

SUR LA ROUTE (Walter Salles, 23 mai) LL
Je précise : je n'ai pas lu le livre de Jack Kerouac, roman culte de la Beat generation. Alors voilà, les personnages sont très bien : de Sal le narrateur à ses rencontres (Marylou, le charismatique Dean...). Ils sont très bien interprétés (Sam Riley, Kristen Stewart, Garrett Hedlund). Mais la mise en scène de Walter Salles (le réalisateur de Carnets de voyage, qui s'y connaît en road movie) est très sage, faisant de l'histoire un long récit initiatique dénué de toute transgression (ou presque).

IL N'Y A PAS DE RAPPORT SEXUEL (Raphaël Siboni, 11 jan) LL
Raphaël Siboni est plutôt dans l'art contemporain, et à partir des milliers d'heures de making-of de l'acteur et réalisateur de films pornos HPG, il réalise un documentaire sur le X. Certains détails font sourire (trucages, bruitage), sinon on se rend compte que les acteurs et actrices ne peuvent pas prendre réellement du plaisir (interruptions, positions non naturelles). Bref, cela (et la chair triste) donne une tonalité presque mélancolique et énigmatique (comment les gens en viennent à rejoindre ce milieu là ?).

LAURENCE ANYWAYS (Xavier Dolan, 18 juil) L
Au tout début des années 90, Laurence, un jeune professeur de lettres, décide de devenir une femme. Comment va-t-il traverser les épreuves ? Comment vont réagir ses proches, et surtout Fred, sa compagne ? L'histoire est passionnante, et Xavier Dolan est le réalisateur très jeune et très doué des Amours imaginaires. Malheureusement, sa mise en scène est grandiloquente (le film donne l'aspect d'un clip de 2h30, impression renforcée par l'omniprésence de la musique) et dessert le sujet. Dommage car les interprètes (Melvil Poupaud, Suzanne Clément) font preuve de beaucoup de conviction.

TO ROME WITH LOVE (Woody Allen, 4 juil) L
Woody Allen fait très souvent des films réussis, et souvent des films très réussis. En ce sens, celui-ci est exceptionnel dans le sens où c'est un ratage dans les grandes largeurs. Plusieurs sketchs sont entremêlés (sans interférer). On sauvera le personnage du chanteur d'opéra sous la douche et l'interprétation d'Ellen Page (qui montre qu'elle est une actrice allenienne). Pour le reste, rien ne fonctionne, et deux ans après le sublime Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, c'est une belle dégringolade. Vivement la remontée !

Version imprimable | Films de 2012 | Le Lundi 30/07/2012 | 0 commentaires




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