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Les films de janvier à avril 2011

Tomboy, Incendies, True Grit et 25 autres

  • Bravo : Tomboy (Céline Sciamma)
  • Bien : Incendies (Denis Villeneuve), True Grit (Joël et Ethan Coen), Même la pluie (Iciar Bollain), Jimmy Rivière (Teddy Lussi-Modeste), Rabbit hole (John Cameron Mitchell), Scream 4 (Wes Craven), Avant l'aube (Raphaël Jacoulot), We want sex equality (Nigel Cole), Nous, princesses de Clèves (Régis Sauder), Somewhere (Sofia Coppola), La Petite chambre (Stéphanie Chuat, Véronique Reymond), Les Yeux de sa mère (Thierry Klifa)
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  • Pas mal : The Green Hornet (Michel Gondry), L'Etrange affaire Angélica (Manoel de Oliveira), Ha ha ha (Hong Sang-soo), Black swan (Darren Aronofsky), Indices (Vincent Glenn), Angèle et Tony (Alix Delaporte), Ma compagne de nuit (Isabelle Brocard), The Silent house (Gustavo Hernandez), Carancho (Pablo Trapero), Poupoupidou (Gérald Hustache-Mathieu), Ma part du gâteau (Cédric Klapisch), Détective Dee (Tsui Hark), Robert Mitchum est mort (Olivier Babinet, Fred Kihn), Santiago 73, post mortem (Pablo Larrain)
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  • Bof : Je suis un no man's land (Thierry Jousse)

TOMBOY (Céline Sciamma, 20 avr) LLLL
Si vous ne savez rien de l'histoire, il faut courir voir ce film, le deuxième de Céline Sciamma, qui s'était déjà fait remarquer avec son premier, Naissance des pieuvres, que j'avais mis dans mon Top 15 de l'année 2007. Pour ceux qui veulent en savoir davantage, ces quelques lignes. Le sujet : durant l'été, un couple et ses deux enfants emménagent dans un nouveau quartier. A la première fillette qui lui demande son prénom, l'enfant de 10 ans (l'aîné) prétend s'appeler Michaël, et c'est tout à fait plausible. Seulement quelques scènes plus tard, au cours d'un bain, c'est au nom de Laure qu'il/elle est appelé(e) par sa mère, et la scène ne laisse aucun doute sur son sexe... Jusqu'où pourra-t-elle tenir son mensonge ? C'est donc un film très enlevé, tourné en 20 jours avec une fraîcheur incroyable. Certains militants féministes ou LGBT disent que le sexe est déterminé par la nature, alors que le genre est construit par la société. Ce film illustre à merveille cet assertion, sans apesantissement psychologique ni côté démonstratif. Et tout est affaire de regard : au début du film, les spectateurs voient un garçon, alors que sa famille voit une fille ; ensuite, c'est l'inverse, les spectateurs savent que c'est une fille, alors que tous les camarades de jeux de Michaël/Laure voient un garçon... Sous son apparente simplicité, le film questionne nos représentations. Troublant et très fort.

INCENDIES (Denis Villeneuve, 12 jan) LLL
Au décès de leur mère, Jeanne et Simon Marwan, deux faux jumeaux interprétés de façon très juste par Mélissa Désormeaux-Poulin et Maxim Gaudette, reçoivent du notaire deux enveloppes : l'une destinée à leur père, qu'ils croyaient mort, et l'autre à un frère dont ils ignoraient l'existence. Un mystère qui va les mener du Canada dans lequel ils vivent depuis qu'ils sont tout petits, à leur pays d'origine, au Moyen-Orient (jamais cité, il pourrait s'agir du Liban, compte tenu de certaines caractéristiques). Ils découvriront les stigmates de la guerre qui a ravagé le pays... et aussi l'histoire traumatisante de leur mère. Adapté d'une pièce de théâtre de Wajdi Mouawad, le film, qui oscille sans cesse entre passé et présent, est un vrai thriller tendu à l'extrême, éprouvant (le film ne fait pas dans la litote) et qui finit comme une authentique tragédie antique. Déjà un classique.

TRUE GRIT (Joël et Ethan Coen, 23 fév) LLL
Nous sommes dans les années 1880. A peine 14 ans mais pleine de cran, Mattie (Hailee Steinfeld) est bien décidée à venger son père, abattu par le lâche Tom Chaney. Elle engage un marshall borgne et un peu porté sur la bouteille (Jeff Bridges, aussi impressionnant que dans The Big Lebowski, pour rester dans la filmographie des Coen) pour partir traquer le bandit jusqu'en territoire indien. Ils seront rejoints par LaBoeuf (Matt Damon, réjouissant mais méconnaissable), un Texas ranger susceptible et qui veut lui aussi retrouver Chaney (Josh Brolin, dans un emploi radicalement différent de Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, le dernier Woody Allen)... Le roman de Charles Portis avait déjà été adapté en 1969 par Henry Hattaway (titre français : Cent dollars pour un shérif, le titre original était déjà True Grit). Cette nouvelle version n'est ni un pastiche, ni un hommage convenu au western. C'en est un effectivement, mais c'est d'abord un film des frères Coen, avec des personnages à la fois ridicules et attachants ou passionnants. Et la fin, que je ne révélerais pas, en fait un film plus mûr qu'au prime abord. Un grand film.

MÊME LA PLUIE (Iciar Bollain, 5 jan) LLL
Un jeune réalisateur espagnol, Sebastian (Gael Garcia Bernal) tourne en Bolivie une fresque historique sur la servitude des Indiens et leur résistance aux colons espagnols du XVIè siècle emmenés par Christophe Collomb. Il emploie à moindre coût des comédiens locaux. Mais à l'époque du tournage, la Bolivie est traversée par la révolte populaire de Cochabamba contre la privatisation de l'eau (c'était avant l'élection d'Evo Morales)... L'injustice est au coeur du film que Sebastian est en train de tourner, et voilà qu'elle refait surface, sous leurs yeux, cinq siècles plus tard. Avec l'aide de Paul Laverty, scénariste attitré de Ken Loach, la réalisatrice a tourné un film réquisitoire contre le colonialisme (à travers le film dans le film) et bien sûr contre le capitalisme d'aujourd'hui, mais pose également une question importante à propos du cinéma engagé : Sebastian et son équipe doivent-ils s'efforcer de sauver leur film, ou s'engager aux côtés des Indiens ? Passionnant !

JIMMY RIVIERE (Teddy Lussi-Modeste, 9 mar) LLL
Jimmy Rivière (Guillaume Gouix, une des révélations de l'année, déjà à l'affiche de Poupoupidou), jeune Gitan de la région de Grenoble, se convertit soudainement au pentecôtisme, comme le souhaite sa communauté. Il dit renoncer aux deux passions qui l'enflamment : la boxe et Sonia sa petite amie. Y arrivera-t-il, sachant que son entraîneuse et Sonia avaient d'autres projets ? Voilà pour le sujet du film. Si on ajoute que le pasteur enfiévré est joué par Serge Riaboukine, l'entraîneuse de boxe par Béatrice Dalle, et la petite amie par Hafsia Herzi, cela fait un film assez improbable sur le papier. Mais à l'écran, quelle limpidité et quelle fluidité ! On y croît !  Est-ce le passé de Teddy Lussi-Modeste (dont c'est le premier film), qui a lui même grandi chez les gens du voyage avant d'intégrer la FEMIS ? Toujours est-il que le film est constamment étonnant, au registre changeant, loin d'un quelconque style documentaire, mais pourtant toujours vrai. Une curiosité à découvrir.

RABBIT HOLE (John Cameron Mitchell, 13 avr) LLL
Becca et Howie formaient un couple heureux, jusqu'à ce que leur fils unique meure. Le film commence huit mois plus tard. On n'a pas fait meilleure autopsie des difficultés du couple depuis le chef d'oeuvre de Bergman, Scènes de la vie conjugale. Ce film-ci est plus modeste, plus sobre aussi : pas de flash-back sur leur vie de famille avant le drame par exemple. D'ailleurs ce n'est pas un mélo gnan-gnan, un humour sardonique ou des éléments grinçants s'instillent même dans certaines scènes, notamment celles lièes à un groupe thérapeutique que Becca va assez rapidement abandonner, mais pas Howie. Dans le rôle de la mère endeuillée qui veut effacer les traces du passé, Nicole Kidman impressionne ; dans celui du père qui réagit un peu différemment, le trop rare Aaron Eckhart surprend par sa subtilité ; et dans le rôle, délicat lui aussi, de la mère de Becca, Diane Wiest, actrice chez Woody Allen dans les années 80 (Hannah et ses soeurs, September), émeut.

SCREAM 4 (Wes Craven, 13 avr) LLL
Etant un grand amateur de la trilogie initiale, j'avais beaucoup d'attentes et d'appréhension vis-à-vis de ce film. Le résultat est une bonne surprise, ce film-ci se situant presque au niveau du premier. Caractéristique rare dans le genre, les personnages récurrents (interprétés par Neve Campbell, David Arquette ou Courteney Cox) ont pris de l'épaisseur au cours du temps. Nos retrouvailles avec eux, après dix ans d'absence, sont assez émouvantes. La première trilogie faisait un sort à l'apparition des téléphones portables (ou sans fil). Celui-ci tient compte avec ironie du développement des réseaux sociaux (avec un personnage qui s'écrie "je ne veux pas d'amis, je ne veux que des fans !"). Mais, surtout, le film continue la satire des films d'horreur contemporains, et fait par contre plusieurs fois référence au Voyeur, le petit chef d'oeuvre de Michael Powell. Le côté mise en abyme (la série Stab, films dans le film) est plus que jamais là. En particulier, le prologue du film est un morceau d'anthologie. Evidemment, le film fait beaucoup moins peur que le tout premier, mais quel esprit !

AVANT L'AUBE (Raphaël Jacoulot, 2 mar) LLL
Le client d'un hôtel perdu dans les neiges pyrénéennes disparaît. Un très lâche chauffard l'a percuté, une nuit de tempête. Le spectateur devine très vite de quoi il retourne, mais l'intérêt du film est ailleurs. Le patron de l'hôtel sait de qui il s'agit, et son nouvel employé aussi. Mais ne disent rien à la police... Cette situation va donner lieu à la remarquable tension du film. Tout est dans le rapport entre ces deux personnages (Jean-Pierre Bacri et Vincent Rottiers, remarquables), mais aussi vis-à-vis des autres, de la petite amie de l'employé au fils et à la femme du patron, sans oublier l'inspectrice de police interprétée de façon délicieusement décalée par Sylvie Testud. Et bien sûr, comme dans les meilleurs Chabrol, la réalité des classes sociales va reprendre le dessus...

WE WANT SEX EQUALITY (Nigel Cole, 9 mar) LLL
En 1968, la Britannique Rita O'Grady (interprétée par Sally Hawkins, l'irrésistible héroïne de Be Happy de Mike Leigh) galvanise les 187 ouvrières de son atelier de couture de l'usine Ford et mène une grève revendiquant l'égalité des salaires entre hommes et femmes. Et elles vont provisoirement ou plus précisément juridiquement gagner, avec l'Equal Pay Act de 1970. Une comédie sociale britannique comme on les aime, pas très loin, parfois, de l'euphorie de The Full monty, de Peter Cattaneo. Où l'on voit l'importance de bien déployer toute sa banderole... Plus sérieusement, si Nigel Cole force un peu sur la féminité de ses actrices, il parvient mine de rien à transmettre le flambeau d'une prise de conscience, et d'une prise de confiance. C'est un joli film sur l'engagement au féminin dans nos sociétés encore patriarcales. Et la lutte continue...

NOUS, PRINCESSES DE CLEVES (Régis Sauder, 30 mar) LLL
Dans un lycée classé ZEP du nord de Marseille, des élèves étudient La Princesse de Clèves, le fameux roman de Mme de la Fayette que Nicolas Sarkozy avait cité comme exemple d'une culture "inutile". Après Christophe Honoré, qui avait transposé le roman de la Cour royale de jadis à la cour d'un lycée huppé d'aujourd'hui (La Belle personne, un des meilleurs films français de 2008), Régis Sauder emprunte la voie du documentaire pour montrer que ce texte peut parler aux ados d'aujourd'hui, même dans un quartier "difficile". On peut penser également aux ados de L'Esquive, sauf qu'ici le film donne à voir une vraie réalité, et non la fiction. Le fait de voir de "vrais" lycéens, avec leurs réelles difficultés sociales et familiales, mais aussi leur fierté de visiter le Louvre lors d'un voyage scolaire, est édifiant.

SOMEWHERE (Sofia Coppola, 5 jan) LLL
Un acteur hollywoodien traîne dans un palace entre filles et Ferrari, fêtes et gueules de bois. Jusqu'au jour où débarque sa fille de 11 ans qu'il connaît à peine... Le début du film fait peur : de longs plans d'ennui qui sont à la limite de l'ennuyeux pour le spectateur également, un sujet pas vraiment sexy (encore un lieu coupé du monde pour solitude riche et désoeuvrée...). On se dit que Sofia Coppola, auteur de deux excellents premiers films (Virgin suicides et Lost in translation) et d'un troisième plus contrasté (Marie-Antoinette), tourne en rond, à l'image de son personnage principal au volant de sa voiture de sport. Mais, à partir du moment où la pré-adolescente entre dans le film, tout change. Et le film devient une émouvante étude, minimaliste mais profonde, des tourments de ses personnages, et des relations qu'ils tissent entre eux. Derrière le vernis chic et pop de la cinéaste, à nouveau de l'universel. Du coup, a posteriori, même les premières scènes ont leur utilité.

LA PETITE CHAMBRE (Stéphanie Chuat, Véronique Reymond, 16 fév) LLL
Un vieux monsieur, Edmond, refuse de partir en maison de retraite. Mais il va bien devoir accepter la visite quotidienne de Rose, une jeune infirmière, qui a elle aussi l'expérience du deuil. Cela pourraît être le sujet d'un téléfilm. Mais ce film helvético-luxembourgeois, le premier des réalisatrices Stéphanie Chuat et Véronique Reymond se hisse bien au-delà. Et d'abord par la qualité des interprètes de Rose et Edmond : Florence Loiret-Caille, échappée des films de Jérôme Bonnell, mais toujours juste, à la fois écorchée et délicate ; et Michel Bouquet est carrément stupéfiant, imprévisible. Un tel duo de choc qui jouent une partition d'une grande finesse, c'est un régal. Un petit film fragile c'est indéniable, mais dans le genre une vraie réussite.

LES YEUX DE SA MERE (Thierry Klifa, 23 mar) LLL
Un écrivain arriviste (Nicolas Duvauchelle) infiltre la vie d'une journaliste-star de la télé (Catherine Deneuve) et celle de sa fille danseuse étoile (Géraldine Pailhas) pour écrire à leur insu une biographie non autorisée. Dans cet exercice de style, en hommage aux films de Pedro Almodovar (surtout Talons aiguilles et Tout sur ma mère), particulièrement dans certaines scènes, Thierry Klifa, ancien journaliste à Studio, assume son amour des actrices (et des acteurs). Conformément aux règles du mélo, il s'appuie sur un scénario à tiroirs qui introduit de nombreux autres personnages, à commencer par celui de la belle-mère aimante (Marisa Paredes, égérie d'Almodovar dans les deux films cités ci-dessus), ou encore Marina Foïs, Jean-Marc Barr et le jeune Jean-Baptiste Lafarge, seconds rôles dont on comprend peu à peu le lien avec l'histoire principale. Le tout fait un film certes assez éloigné du niveau des films d'Almodovar, mais quand même tout à fait convaincant.

THE GREEN HORNET (Michel Gondry, 12 jan) LL
Le Frelon vert est un justicier masqué qui n'a pas de superpouvoir, mais un bras droit ultra débrouillard, roi des gadgets de combat. C'est un nouveau film de superhéros, qui s'en tient à un registre de bande dessinée pour adolescents (plus ou moins attardés). C'est la limite principale du film. Mais la bonne surprise et tout l'intérêt du film, c'est d'une part que les rênes sont tenus par Michel Gondry, supercinéaste bricolo (qu'on songe notamment à Soyez sympas, rembobinez), d'autre part que le rôle principal et la co-écriture du scénario ont été confiés à Seth Rogen, acteur fétiche des films adulescents pas si bêtes de Judd Apatow (notamment En cloque, mode d'emploi). La 3D amplifie l'aspect ludique de ce film pour garçons (le personnage de Cameron Diaz est un peu sacrifié), réussi mais qu'on oublie très vite...

L'ETRANGE AFFAIRE ANGELICA (Manoel de Oliveira, 16 mar) LL
Une nuit, un jeune photographe est appelé d'urgence par une riche famille, pour faire le dernier portrait de leur fille Angélica, qui vient de mourir. Mais dans son objectif, la jolie jeune femme revit et lui sourit... A 102 ans (!), Manoel de Oliveira ose une fable surréaliste, mais aussi un vibrant hommage à un cinéma sans âges. Même si le film est en couleurs (la lumière est d'ailleurs magnifique), on sent l'influence du cinéma muet. Les plans sont majestueux, traversés de truquages simples mais efficaces. Néanmoins, il y a un certain hiératisme, une certaine lenteur un peu artificielle qui plombe l'ensemble. Donc un chef d'oeuvre non, mais un film intéressant oui.

HA HA HA (Hong Sang-Soo, 16 mar) LL
Deux amis, l'un vaguement réalisateur de cinéma, l'autre vaguement critique, se racontent le séjour qu'ils ont effectué, séparément mais simultanément, dans une petite ville de la côte sud-coréenne, et leurs aventures sentimentales. Le spectateur s'aperçoit qu'ils ont fait des rencontres communnes, même si eux ne s'en aperçoivent pas. Tout n'est pas réussi dans le film, mais il est suffisamment piquant pour avoir attisé les votes des jurés du prix Un certain regard au festival de Cannes 2010. Mais, pour moi, les meilleurs films de ce réalisateur majeur restent Turning gate (2004) et Conte de cinéma (2005), à l'époque où il construisait ces films de façon plus aboutie.

BLACK SWAN (Darren Aronofsky, 9 fév) LL
J'avais un peu perdu de vue le réalisateur, dont certains encensaient le premier film, Requiem for a dream (ce qui n'est pas mon cas, je le trouvais très mode, trop clinquant). Ici l'histoire est celle d'une ambitieuse danseuse étoile qui obtient le plus grand (double) rôle de sa vie : le cygne blanc et le cygne noir du Lac des cygnes. Elle va être sujette à des visions de plus en plus étranges... Ce thriller psycho-fantastique est assez boursouflé, comparé au Répusion de Roman Polanski, auquel on songe souvent et qui dosait bien ses effets, lui. Reste une distribution très efficace : outre Natalie Portman, impressionnante dans le rôle principal, les revenantes Barbara Hershey, en mère possessive, Winona Ryder, en ex-étoile, sont de très bon choix, et Vincent Cassel dans le rôle du chorégraphe manipulateur est convaincant (ce qui n'est pas toujours le cas !).

INDICES (Vincent Glenn, 2 mar) LL
J'attendais pas mal de ce documentaire, pointant les absurdités du PIB, et s'intéressant à la construction de nouveaux indicateurs. Côté intervenants, il remplit ses promesses : Patrick Viveret, Florence Jany-Catrice et surtout Jean Gadrey sont d'excellents pédagogues. Mais je trouve que le film aurait pu être mieux construit. La forme, recherchée mais assez confuse, risque de ne pas servir à ébranler les certitudes des non convaincus d'avance. Reste que le film tourne assez habilement autour de la question suivante : si on entend dire parfois  que "ce qui a une vraie valeur n'a pas de prix", comment se fait-il que la plupart du temps, à tout ce qui n'affiche pas son prix, nos sociétés n'attribuent aucune valeur ?

ANGELE ET TONY (Alix Delaporte, 26 jan) LL
Angèle, une jeune femme belle et sauvage sortie d'on ne sait où, débarque dans un petit port normand. Par le biais d'une petite annonce, elle s'incruste chez Tony, un marin pêcheur rugueux mais en quête de sentiments. Au fur et à mesure du film, on en saura plus sur le passé et le présent de ces deux personnages, et bien sûr la relation d'abord alimentaire entre eux va évoluer... Pour son premier film, la réalisatrice Alix Delaporte fait profil bas côté mise en scène, au profit du jeu des deux acteurs principaux. Angèle c'est Clotilde Hesme, une jeune actrice déjà confirmée (Les Amants réguliers, Les Chansons d'amour), mais qui surprend ici (pas de sourire décoché pendant la première heure du film). Tony c'est Grégory Gadebois, la trentaine mais très loin du physique des jeunes premiers du cinéma français. Une vraie nature.

MA COMPAGNE DE NUIT (Isabelle Brocard, 23 mar) LL
Se sachant condamnée par sa maladie, la fière Julia (Emmanuelle Béart) propose un marché à une jeune inconnue (Hafsia Herzi) : l'accompagner durant ses derniers mois, contre 1000 euros par semaine. Le début de ce film risqué est assez catastrophique : tout semble faux. Heureusement, à mesure qu'une relation singulière se noue entre les deux femmes, le film prend de la consistance, grâce à de multiples petits détails, sans jamais céder ni au pathos ni à une distance confortable. Et les autres personnages, à commencer par le frère (Laurent Grévill), ne sont pas sacrifiés.

THE SILENT HOUSE (Gustavo Hernandez, 16 mar) LL
Un film d'horreur "concept", les mouvements de caméra laissant supposer qu'il aurait pu être tourné dans un plan-séquence unique, en temps réel. Laura, la vingtaine, et son père débarquent dans une maison isolée qu'ils doivent remettre en état, avant sa mise en vente imminente. Ils y passent la nuit. La fille est seule à entendre des bruits inexplicables... Ce petit film uruguayen sait distiller l'angoisse voire la terreur avec peu de moyens. Tout n'est pas convaincant, surtout la fin, mais l'effet recherché est bien là.

CARANCHO (Pablo Trapero, 2 fév) LL
C'est autour d'un blessé grave d'un accident de la route (une des premières causes de mortalité en Argentine) que se rencontrent, un soir à Buenos Aires, une infirmière urgentiste (Martina Gusman, muse et compagne du réalisateur) et un "carancho" (Ricardo Darin, très grand acteur argentin, notamment dans El aura et Dans ses yeux), un avocat rapace spécialiste de l'arnaque aux assurances automobiles. Elle cumule les heures et se drogue pour tenir, lui essaye de s'affranchir de la mafia locale. Une histoire d'amour entre eux est-elle possible ? Pourront-ils s'en sortir ? C'est l'enjeu de ce polar poisseux plutôt réussi, mais qui singe un peu trop le cinéma américain, et qui surtout ne nous épargne pas grand chose.

POUPOUPIDOU (Gérald Hustache-Mathieu, 12 jan) LL
Un auteur de polars, coincé en plein hiver dans un petit village du Doubs, se passionne pour l'énigmatique "suicide" de la starlette locale Candice Lecoeur, égérie du fromage Belle du Jura, qui se prenait pour la réincarnation de Marylin... La deuxième réalisation de Gérald Hustache-Mathieu (Avril) est un curieux mélange, entre film inscrit dans une réalité locale et fantasmes de film américain. Qui dit polar dans la neige fait penser à Fargo des frères Coen. On en est loin, mais l'histoire est surtout un prétexte à dessiner de savoureux personnages, joliment interprétés par Jean-Paul Rouve, Sophie Quinton (qu'on a plaisir à retrouver sur un écran), ou encore Guillaume Gouix, qui joue un jeune flic curieusement doux, et dont on reparlera...

MA PART DU GÂTEAU (Cédric Klapisch, 16 mar) LL
Si dans ses premières réalisations, Cédric Klapisch s'est montré à l'aise dans le film choral (Riens du tout, Le Péril jeune, Chacun cherche son chat), ces dernières années, il a plutôt mieux réussi les films recentrés sur quelques personnages. Ainsi, Les Poupées russes était beaucoup plus réussi que l'Auberge espagnole. Et ce film-ci est meilleur que le catastrophique Paris, son film précédent. Ici, une ouvrière mère de famille courage (Karin Viard), licenciée économique, quitte Dunkerque pour devenir femme de ménage chez un riche trader parisien qui, elle va le découvrir, n'est pas pour rien dans la délocalisation de sa boîte. Klapisch ose une fausse comédie romantique et un vrai film social. Le film souffre parfois, voire souvent, de grosses maladresses ou lourdeurs (l'ouvrière se prénomme France !), mais la réalité sociale sous-jacente est sans appel.

DETECTIVE DEE - Le mystère de la flamme fantôme (Tsui Hark, 20 avr) LL
En l'an 690, dans la chine impériale, une série de morts mystérieuses (en apparence des combustions spontanées) menace l'intronisation de l'impératrice Wu Zetian. Craignant le complot, cette dernière fait appel au détective Dee, qu'elle avait pourtant fait emprisonner quelques années auparavant. Un film de sabre qui mélange allègrement histoire et fantastique, avec rapidité mais sans grâce. Tourné avec d'énormes moyens, même les duels aériens n'ont pas la poésie de ceux de Tigre et Dragon, étalon du genre (dans les années récentes). Reste un feuilleton pas désagréable où l'on retrouve dans le rôle titre Andy Lau, acteur hong-kongais de premier plan (Infernal affairs).

ROBERT MITCHUM EST MORT (Olivier Babinet, Fred Kihn) LL
A priori, une coproduction franco-belge dans laquelle un acteur improbable (Pablo Nicomedes, une gueule, loin des jeunes premiers interchangeables) et son manager un peu ringard (Olivier Gourmet, très physique) traversent l'Europe pour aller retrouver un réalisateur mythique dans un festival nordique (qui existe vraiment, sous la férule des frères Kaurismaki), on prend. Le film est plein de références, mais pourtant la mayonnaise ne prend pas. Dans le genre décalé, le film est loin de ses modèles. Sympathique dans ses meilleurs moments mais pas plus.

SANTIAGO 73, POST MORTEM (Pablo Larrain) LL
En plein coup d'Etat de Pinochet, la vie de Mario, un terne employé de morgue chargé de rédiger des rapports d'autopsie, est bouleversée. La toute petite histoire insérée dans la grande, avec un H majuscule... Sur le papier c'est tentant. Sur l'écran, si les personnages sont plutôt touchants, l'émotion est désamorcée par une forme très affectée, très clichée de film pour festivals internationaux. Tellement scolaire qu'on risque de rester au seuil.

JE SUIS UN NO MAN'S LAND (Thierry Jousse) L
Un chanteur (Philippe Katerine) confronté aux affres de la célébrité (notamment une fan déjantée) revient dans son village d'enfance renouer avec ses parents (Jackie Berroyer, Aurore Clément). Dans les bois il rencontre une jolie ornithologue (Julie Depardieu). Sur le papier, la promesse d'un joli film décalé bien rock'n roll, surtout avec ces interprètes. Mais, sur l'écran, tout est poussif dans cette pseudo-fantaisie. C'est le deuxième film de Thierry Jousse, ancien critique au Masque et la plume. Et à la vue du résultat, il serait plus à l'aise derrière un micro que derrière une caméra !

Version imprimable | Films de 2011 | Le Mardi 10/05/2011 | 0 commentaires




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