MON FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE LA ROCHELLE 2010
26) * AMERICA AMERICA (Elia Kazan, 1964)
Au début du vingtième siècle, les Turcs persécutent en Anatolie les minorités grecque et
arménienne. Stavros, un jeune Grec turbulent et indiscipliné, rêve de l'Amérique et se sent prêt à
tout pour atteindre son but... Elia Kazan raconte l'histoire vraie de son oncle. L'ambition est là. Le
résultat est estimable si on veut, mais c'est surtout beaucoup trop long.
25) ** PERCEVAL LE GALLOIS (Eric Rohmer, 1979)
Le naïf Perceval décide de devenir à son tour chevalier au service du roi Arthur... Un
projet casse-gueule : transposer au cinéma un roman médiéval en octosyllabes. Le résultat est
audacieux, avec ses partis pris de mise en scène (décors peints ou en carton pâte), et séduit plus
qu'il n'agace.
24) ** LA COLLECTIONNEUSE (Eric Rohmer, 1967)
Adrien décide de passer ses vacances dans le calme d'une grande maison du Sud de la
France. Mais la villa est déjà occupée par Daniel, un ami artiste, et Haydée, une jeune inconnue.
Cette dernière trouble Adrien... Le narrateur, un dandy prétentieux, agace, au contraire de la
« collectionneuse », une fille faussement facile et vraiment mystérieuse.
23) ** LE DERNIER NABAB (Elia Kazan, 1977)
C'est une tentative d'épure autour d'un homme veuf qui s'entiche d'un sosie de son ex-épouse.
Il se trouve qu'il est producteur de cinéma, mais ce n'est pas à proprement parler un film
sur Hollywood. La distribution est impressionnante (Robert de Niro, Robert Mitchum, Jeanne
Moreau, Jack Nicholson) mais parfois sous-employée. Grande ambition, résultat plus modeste.
22) ** TERRA INCOGNITA (Ghassan Salhab, 2003)
Un film choral où de nombreux personnages plutôt jeunes se croisent dans le Beyrouth
d'aujourd'hui. Le résultat est inégal, mais la guide touristique et l'exilé de retour au Liban sont des
personnages intéressants. La ville est aussi un personnage. On peut regretter une fin un peu trop
forte.
21) ** SUR LES QUAIS (Elia Kazan, 1955)
Un bon film sur le milieu des dockers, pas si éloigné dans la description sociale de films
comme Qu'elle était verte ma vallée de John Ford ou Traître sur commande de Martin Ritt.
Marlon Brando, très bien, est en prise à un vrai cas de conscience. Mais le malaise est là. Car le
film est aussi une justification du mouchardage, juste après le passage à table de Elia Kazan lors
de la chasse aux sorcières du maccarthisme.
20) ** UN ETE INOUBLIABLE (Lucian Pintilie, 1994)
Dans les années 1920 en Roumanie, Marie-Thérèse (Kristin Scott-Thomas), la femme du
capitaine Dimitriu, dédaigne les avances d'un général. Cela vaut à la famille d'être mutée de
l'autre côté du Danube, où une terrible mission les attend... Un film antimilitariste concis (un peu
trop ?) mais malgré tout efficace ; on retrouve Razvan Vasilescu, l'acteur principal du Chêne dans
un tout autre emploi.
19) *** LE JOUR DU PAIN (Sergeï Dvortsevoy, 1998, inédit)
Dans un village russe isolé, alors que tout est recouvert par la neige, un train s'arrête une
fois par semaine pour livrer du pain aux habitants. Mais les traverses sont usées et le train ne peut
plus atteindre le village... C'est le début d'un documentaire poignant, qui réserve quelques
surprises comme le baiser de deux chèvres, parfaitement capté. Formellement, Sergeï Dvortsevoy
(Tulpan) a opté pour des plans-séquences longs mais intenses.
18) *** TANT QU'ON A LA SANTE (Pierre Etaix, 1966)
Quatre bons court-métrages burlesques mis bout à bout : Insomnie, sketch très inventif sur
un homme en train de lire un bouquin de vampires ; Le Cinématographe, qui comporte une satire
caustique du matraquage publicitaire ; Tant qu'on a la santé, ou les délices de la vie parisienne,
avec ses embouteillages et ses travaux (gros travail sur le son) ; Nous n'irons plus au bois, ou les
délices de la vie campagnarde, avec la rude cohabitation d'un chasseur, d'un agriculteur, et d'un
couple de pique-niqueurs...
17) *** LA RECONSTITUTION (Lucian Pintilie, 1969)
Après s'être enivrés, deux garçons se battent. Arrêtés par la police, ils sont jugés. La
justice leur promet l'impunité à condition qu'ils se livrent à une reconstitution de leur bagarre afin
de permettre la réalisation d'un film éducatif... Un jeu de massacre (on n'est pas loin du théâtre)
censuré en son temps par le régime, qui pointe la déshumanisation de la Roumanie mais plus
généralement de nos sociétés modernes.
16) *** YOYO (Pierre Etaix, 1965)
Difficile de raconter ce film, dont l'intérêt est plus visuel que narratif. Il y est question
d'un milliardaire, d'un cirque, d'une crise économique, de rêves d'enfance... Tout le début du film
est un (faux) muet avec intertitres, sous prétexte que le début de l'action se passe en 1925 ! Une
satire féroce du monde de l'argent et tendre du monde du cirque (qui est aussi celui dont vient
Pierre Etaix).
15) *** PANIQUE DANS LA RUE (Elia Kazan, 1950)
Le cadavre d'un inconnu a été retrouvé dans le port de la Nouvelle Orléans. Le docteur
Clinton Reed (Richard Widmark) confie son inquiétude : le mort avait la peste. Si l'on ne
retrouve pas les agresseurs dans les 48 heures, toute la ville risque la contamination... C'est un
film poisseux comme un film noir et haletant comme un thriller, tout en distillant des scènes qui
approfondissent les personnages.
14) *** LES NUITS DE LA PLEINE LUNE (Eric Rohmer, 1984)
Louise (Pascale Ogier) vit avec Rémi (Tcheky Karyo) à Marne-la-Vallée. Contrairement à
son compagnon, elle ne tient pas en place, et se loue un pied-à-terre à Paris. Octave (Fabrice
Luchini), son ami et confident, l'accompagne dans ses sorties nocturnes... Subtile variation sur
l'amour et l'amitié qui joue sur des décalages : décalages entre image et son (entre ce que disent la
voix et le corps, les gestes), entre discours et actes (notamment pour Octave), ou encore entre
vérité consciente et vérité inconsciente (notamment pour Louise).
13) *** L'ARBRE (Julie Bertuccelli, 2010)
En Australie, un couple franco-australien vit heureux avec ses quatre enfants, à l'ombre de
leur gigantesque arbre. Lorsque le père meurt brutalement, chacun va réagir à sa manière.
Simone, la petite fille de 8 ans, croit que l'esprit de son père habite l'arbre... Après Depuis
qu'Otar est parti, Julie Bertuccelli surprend avec ce second long métrage, film d'auteur sur un
deuil familial mais constamment à la lisière du fantastique. Morgana Davies, dans le rôle de
Simone, crève l'écran mais toute l'interprétation est à saluer.
12) *** JODHAA AKBAR (Ashutosh Gowariker, 2008, inédit)
Au XVIè siècle, l'Hindoustan est dominé par la dynastie des empereurs musulmans
moghols. Afin d'unifier le territoire qui deviendra l'Inde, le dernier héritier, Jalaluddin
Muhammad Akbar consent à épouser Jodhaa, une princesse rajpoute hindoue... Made in
Bollywood, le film est grandiose, avec des morceaux de bravoure exceptionnels (le film ne fait
pas dans la demi-mesure). Tout est surligné, et un tout petit peu moins de musique n'aurait pas
nui. Mais le spectacle est assuré, et les 3h35 de ce film paraissent beaucoup moins longs que les
2h50 d'America America (vu le même jour).
11) *** FIN DE CONCESSION (Pierre Carles, 2010)
Pourquoi la concession du canal hertzien de TF1 est-elle reconduite automatiquement au
groupe Bouygues, alors que la chaîne n'a rempli aucune des promesses avancées lors de la
privatisation (archives à l'appui) ? Et Pierre Carles de reposer la question de la critique des
médias, de la critique d'un style de journalisme faible avec les forts et fort avec les faibles (la
fausse impertinence), des connivences entre journalistes vedettes et les pouvoirs industriels et
financiers et leurs relais politiques. Très engagé sans nous dire ce qu'il faut penser, le film est un
festival d'une salutaire impertinence, d'une audace inouïe, qui ne passera jamais dans les médias
dominants. Mais c'est aussi un "work in progress", un document sur le film en train de se faire...
10) *** THE LODGER (Alfred Hitchcock, 1926)
Une jeune femme est retrouvée morte dans une rue londonienne. C'est la septième
victime; un tueur en série rôde. Dans ce climat délétère, l'arrivée d'un locataire à la personnalité
secrète et effacée attise la méfiance des propriétaires d'une pension de famille... C'est le premier
film hitchcockien (ou tout comme). Tout en empruntant le style de l'époque (expressionnisme),
on y retrouve des thèmes de l'oeuvre future comme celui du faux coupable. Un muet aux détails
savoureux.
9) *** LA FIEVRE DANS LE SANG (Elia Kazan, 1962)
A la fin des années 1920, dans une petite ville du Kansas, deux lycéens, Bud (Warren
Beatty, dont c'était le premier rôle) et Deanie (Natalie Wood) sont passionnément attirés l'un par
l'autre. Mais leurs amours seront contrariées par les conventions sociales (ils ne sont pas du
même milieu) et par la Grande Dépression (avec ou sans majuscules). Le film tient à la fois du
mélodrame et du teenage movie. Natalie Wood est impressionnante.
8) *** LE BAISER (Jacques Feyder, 1929)
Greta Garbo joue le rôle d'une femme (mal) mariée à un homme très âgé. Un soir, elle
donne un baiser à un jeune homme de 18 ans, fils d'un ami de son mari. Ce dernier les surprend,
et c'est l'engrenage... De bonnes idées de mise en scène de la part du réalisateur français Jacques
Feyder, recruté par Hollywood. L'ensemble est audacieux. À noter que c'est le dernier film muet
de Greta Garbo.
7) *** LUCKY RED SEEDS (Anjali Menon, 2008, inédit)
Vicky, un petit garçon de dix ans, arrive au Kerala, un état du Sud de l'Inde, pour assister
à l'enterrement de son grand-père. Toute la famille s'est réunie pour l'occasion, pendant la
quinzaine de jours que durent les rites funéraires traditionnels... L'enterrement et le deuil sont vus
à travers le regard d'un enfant. Mais la mise en scène intelligente de la réalisatrice ne se réduit pas
à ça : incidemment se révèlent problèmes familiaux et sociaux... Enfin, visuellement, le film est
très beau, avec des couleurs étonnantes.
6) *** L'ARBRE, LE MAIRE ET LA MEDIATHEQUE (Eric Rohmer, 1993)
Le titre résume parfaitement l'intrigue. C'est une comédie politique (genre peu prisé par
l'auteur) étonnante et réjouissante. On ne sait pas derrière quel personnage se cache Rohmer, sans
doute pas derrière celui, joué par Arielle Dombasle, impayable grande bourgeoise citadine égarée
dans ce petit village de Vendée pour les beaux yeux d'un Rastignac socialiste (Pascal Greggory).
Le film est au cinéma politique ce que Triple agent est au film d'espionnage : dans des lieux
apparemment étroits, on raisonne et on discute de grands sujets (culture, nature...). À noter au
milieu de ce film très libre une excellente séquence d'interviews digne d'un documentaire.
5) *** LE FLEUVE SAUVAGE (Elia Kazan, 1960)
En 1933, l'administration de Roosevelt ordonne la construction de barrages dans la vallée
du Tennessee, en proie à de nombreuses crues. Un jeune ingénieur, joué par Montgomery Clift,
est envoyé sur les lieux afin de persuader une vieille femme de céder sa terre... Le film est
excellent dans son fond politique (sorte de synthèse entre la gauche traditionnelle – planification
visant l'intérêt général – et l'écologie politique, dans l'attention portée à la préservation des modes
de vie et de l'autonomie). L'histoire d'amour est plus conventionnelle, mais l'interprétation est
excellente.
4) *** LA CHAIR ET LE DIABLE (Clarence Brown, 1927)
Leo et Ulrich, deux amis d'enfance devenus officiers, sont subjugués par la beauté de
Félicitas (Greta Garbo), mariée au comte von Rhaden. Leo succombe le premier à son charme.
Lors d'un duel, il tue le comte. Pour éviter tout scandale, il s'expatrie, laissant Félicitas sous la
protection d'Ulrich qui ne tardera pas à l'épouser... Un grand classique du film muet. Tous les
détails sont délectables. Garbo est très bien mais les autres interprètes ne sont pas en reste. La fin
est dramatique mais la morale est sauve.
3) *** LE CHÊNE (Lucian Pintilie, 1992)
En 1988, alors qu'elle vient de perdre son père, Nela décide de quitter Bucarest pour
enseigner dans une petite ville de province. Elle y rencontre Mitica, médecin à l'hôpital qui ne
croit plus ni en Dieu ni en l'homme mais est doté d'un humour cinglant... C'est une fable anti –
totalitaire trépidante et grinçante, en précurseur de la Nouvelle vague roumaine des années 2000.
Les deux personnages principaux sont formidables, et on n'en sort pas indemne.
2) *** LE GRAND AMOUR (Pierre Etaix, 1969)
Pierre est un homme marié depuis dix ans, et a hérité d'un poste important dans une
entreprise appartenant à son beau-père. Mais il craque pour sa nouvelle et jeune secrétaire. Il
profite d'un week-end pour essayer de l'aborder... Derrière l'histoire banale se cache un des
meilleurs films burlesques qui soient. On est pris dans une avalanche de gags et d'idées de cinéma
(séquences des rêves ou de la rumeur). Aux côtés de Pierre Etaix, très bonnes compositions
d'Annie Fratellini et de Nicole Calfan.
1) **** ENTRE NOS MAINS (Mariana Otero, 2010)
Ce très beau documentaire a pour but de montrer la naissance d'une SCOP. Ce sont les
délégués syndicaux de Starissima, une entreprise de confection de lingerie, qui en ont avancé
l'idée pour reprendre leur entreprise, placée en faillite. On y voit l'idée faire son chemin parmi les
salarié-e-s, le projet collectif progresser, mais aussi les difficultés de l'exercice, notamment par
rapport à leur ancien patron et à la grande distribution. On y entend une ouvrière remettre en
cause la logique capitaliste, peut-être involontairement, lorsqu'elle dit : " Ma part d'intéressement
au bénéfice [qu’elle reverse dans la Scop], je ne l’avais pas vraiment gagnée par mon travail ".
Le film se clôt sur une scène de comédie musicale émouvante.
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