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Les films de la rentrée et quelques autres

  • Bravo : Les Neiges du Kilimandjaro (Robert Guédiguian)
  • Bien : L'Apollonide (Bertrand Bonello), The Artist (Michel Hazanavicius), Take shelter (Jeff Nichols), Tous au Larzac (Christian Rouaud), De bon matin (Jean-Marc Moutout)
  • Pas mal : Un été brûlant (Philippe Garrel), Poulet aux prunes (Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud), Restless (Gus Van Sant), Drive (Nicolas Winding Refn), Another earth (Mike Cahill), Gasland (Josh Fox), Le Skylab (Julie Delpy)
  • Bof : Putty Hill (Matt Porterfield), Attenberg (Athina Rachel Tsangari)

LES NEIGES DU KILIMANDJARO
(Robert Guédiguian, 16 nov) LLLL
Marseille. Au port, deux délégués syndicaux tirent au sort les 20 licenciés de la boîte dans laquelle ils travaillent. L'un deux (Jean-Pierre Darroussin) fait partie du lot. Proche de la retraite, il se satisfait de son bonheur auprès de son épouse (Ariane Ascaride), avec laquelle ils fêtent leurs 30 ans de mariage, de son rôle de grand-père, et de ses souvenirs de syndicaliste engagé. Jusqu'au jour où... Après s'être essayé depuis dix ans à différents genres, notamment le film noir (Lady Jane) ou la reconstitution historique (L'Armée du crime), Robert Guédiguian revient sur ses terres avec une comédie dramatique relevée (les scènes de comédie et de drame sont franches et se succèdent sans se mélanger). Une fable politique et sociale aiguisée et néanmoins subtile, dans laquelle chacun a ses raisons, mais n'a pas toujours raison. Un film qui fait du bien (c'est l'humain d'abord), par un grand cinéaste et grand directeur d'acteurs (c'est un plaisir de retrouver les habitués : Darroussin, Ascaride, Meylan, mais aussi Maryline Canto, Anaïs Demoustier, Julie-Marie Parmentier ou Grégoire Leprince-Ringuet).

L'APOLLONIDE (Bertrand Bonello, 21 sep) LLL
Nous suivons le quotidien d'une dizaine de pensionnaires d'une maison close en 1899-1900. Ce n'est pas une vision romantique cliché que nous livre Bertrand Bonello, mais bien une vision féministe. Tout est filmé du point de vue des prostituées, les corps parfois dénudés ne sont pas érotisés. Bien sûr on ne peut ignorer la volupté ressentie par les riches clients de l'établissement. Mais ce qui est montré avant tout, c'est l'inégalité des rapports hommes-femmes dans toutes ses dimensions, que ce soit par rapport à la richesse et à l'argent, aux plaisirs donnés et reçus, à la place dans la société. Mais aussi les espoirs de ces jeunes femmes, leur solidarité, et les risques du métier (maladie, violence)... Excellentes et audacieuses prestations d'ensemble, notamment de Hafsia Herzi, Jasmine Trinca, Adèle Haenel, Céline Sallette ou Alice Barnole.

THE ARTIST (Michel Hazanavicius, 12 oct) LLL
Parcours croisés à Hollywood, lors du passage au parlant, à la fin des années 20, entre une star du muet qui périclite (Jean Dujardin) et une figurante qui monte (Bérénice Béjo). Le scénario peut faire penser à Chantons sous la pluie, classique indépassable. Mais le traitement est différent puisque Michel Hazanavicius, réalisateur cinéphile de deux OSS 117, choisit d'en faire un film muet en noir et blanc, avec les procédés cinématographiques de l'époque. Habitué des ciné-concerts au festival de La Rochelle, j'ai beaucoup apprécié cet hommage sincère au genre, plein de références, de jolies trouvailles visuelles et de mise en scène (exercice de style réussi), mais aussi le jeu plein de tous les interprètes, secondaires comme principaux, qui permettra, je l'espère, au film de rencontrer son public d'aujourd'hui.

TAKE SHELTER (Jeff Nichols, 7 déc) LLL
Le personnage principal, Curtis, est un ouvrier (ce n'est pas si fréquent dans le cinéma américain). Marié et père d'une petite fille, il est en proie à des rêves qu'il suppose prémonitoires, des visions d'apocalypse imminente, et est obsédé par l'idée d'en protéger les siens. Comme Melancholia de Lars Von Trier, le film associe maladie mentale et catastrophe céleste. Mais le traitement est différent. Jeff Nichols montre notamment les conséquences sociales de la maladie (ou du don) de Curtis, pour quelqu'un de son milieu. Le film vaut pour son interprétation (Michael Shannon, extraordinaire, et Jessica Chastain très bien en épouse douce et mélancolique, comme dans Tree of life), et surtout pour le brio de la mise en scène, digne des meilleurs films d'angoisse.

TOUS AU LARZAC (Christian Rouaud, 23 nov) LLL
Après l'excellent documentaire Les Lip, l'imagination au pouvoir (2007), Christian Rouaud revient sur une autre lutte emblématique des années 70 : celle des paysans du Larzac contre l'extension du camp militaire. Ce nouveau film a à peu près les mêmes qualités que le précédent, avec le même parti pris de laisser la parole aux protagonistes de la lutte. In fine la solution politique définitive a été la victoire de la gauche aux présidentielles de 1981... Inspirant pour certaines luttes actuelles (contre les gaz de schiste ou contre le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes).

DE BON MATIN (Jean-Marc Moutout, 5 oct) LLL
De bon matin, Paul, un cadre bancaire se prépare en silence pour ne pas réveiller sa femme, va au boulot... et abat deux de ses supérieurs. Comment en est-il arrivé là ? C'est ce que va révéler la suite du film, construite en flash-backs. S'il y a des allusions claires à la crise financière actuelle, Jean-Marc Moutout va plus loin et, comme dans Violence des échanges en milieu tempéré, son premier film en 2004, il osculte plus en profondeur le capitalisme actuel, et ses nouvelles méthodes de management en particulier. Mais le film n'est pas une simple démonstration politique, c'est aussi un suspense psychologique, où Paul (Jean-Pierre Darroussin, impressionnant de bout en bout) est aussi montré au sein de sa famille.

UN ETE BRÛLANT (Philippe Garrel, 28 sep) LL
Sous les yeux d'un couple d'amis, un jeune peintre (Louis Garrel) marié à une superbe actrice de cinéma (Monica Bellucci) se laisse envahir par une jalousie maladive. Philippe Garrel nous livre un nouveau film sur les passions, intimes voire narcissiques mais aussi collectives (on y discute aussi de révolution). Après le décès de William Lubchantsky, responsable des magnifiques noirs et blancs des deux derniers films du cinéaste, Philippe Garrel a opté pour d'intenses couleurs chaudes. Une vraie réserve toutefois : c'est le second couple (Céline Sallette, et Jérôme Robart, excellents) qui émeut plus que le couple principal, Monica Bellucci peinant à sortir d'un statut d'icône.

POULET AUX PRUNES (Marjane Satrapi, 26 oct) LL
Après Persépolis, Marjane Satrapi adapte une autre de ses bandes dessinées, toujours avec l'aide de son complice Vincent Paronnaud. Mais cette fois-ci, ils ont réalisé un film en chair et en os (à quelques séquences près). C'est l'histoire d'un musicien qui, dans le Téhéran de la fin des années 50, a le coeur brisé après que sa femme a détruit son violon. Il se laisse mourir. Une série de flash-backs va nous permettre de comprendre son histoire. Cette suite de sketchs est l'intérêt et la limite du film : les auteurs varient le style à loisir, mais la recherche permanente du détail drôlatique empêche le film d'atteindre l'émotion que son sujet pourrait susciter. Très plaisant mais pas bouleversant.

RESTLESS (Gus Van Sant, 21 sep) LL
Le solitaire Enoch ne pense qu'à la mort (il s'incruste dans des enterrements dont il ne connait pas le disparu) ; la jolie Annabel, atteinte d'une tumeur au cerveau, adore la vie, et se passionne pour les théories de Darwin. Tout justes sortis de l'enfance, ces deux-là vont pourtant s'aimer et défier le monde et la maladie... Le sujet, une commande, est très casse-gueule, mais Gus Van Sant s'en sort plutôt bien. Laissant la plupart des souffrances hors champ, et malgré un personnage secondaire fantomatique peu convainquant, il réalise un mélo ténu, pudique mais vibrionnant.

DRIVE (Nicolas Winding Refn, 5 oct) LL
On l'appelle simplement "The Driver", ultradoué il est cascadeur pour Hollywood le jour, et fait le chauffeur pour des truands (qui font des casses) la nuit. Avec son propre code de bonne conduite. Une romance avec sa voisine, dont le mari est en prison, va rompre cet équilibre... Cela aurait pu donner un film noir à la James Gray. Mais le réalisateur préfère en faire une série B, avec de vrais accès de violence dans la deuxième partie, ce qui limite un peu le plaisir. Toutefois c'est un exercice de style réussi et salué comme tel (prix de la mise en scène à Cannes), avec de belles scènes nocturnes et le retour dans un second rôle de Ron Perlman, le bossu du Nom de la rose.

ANOTHER EARTH (Mike Cahill, 12 oct) LL
Le jour de la découverte d'une autre Terre, totalement identique à la nôtre, Rhoda, une jeune diplômée, est responsable d'un accident de la route qui tue l'épouse et le fils de John, un musicien et compositeur renommé. A sa sortie de prison, quelques années plus tard, Rhoda va tenter d'aborder John, alors que la planète s'est rapprochée... Bien sûr le film n'a pas la puissance de feu de Melancholia de Lars Von Trier, mais ce mélo SF, en mode mineur mais original, variation sur le deuil, la culpabilité et la rédemption, distille un certain charme...

GASLAND (Josh Fox, 6 avr) LL
Le documentaire de référence sur l'exploitation des gaz de schiste aux Etats-Unis. Certaines scènes sont édifiantes. Le film aurait gagné à un peu plus de rigueur, et cinématographiquement on a déjà vu des documentaires militants mieux construits. Mais il faut rendre gré à l'équipe d'avoir autorisé des diffusions, parfois partielles, de ce film, dans les réunions d'information sur les gaz de schiste en France dès le début de l'année, et d'avoir ainsi contribué à la réussite des mobilisations.

LE SKYLAB (Julie Delpy, 5 oct) LL
Le titre fait référence à une station spatiale qui menaçait de se désintégrer au-dessus de la France à l'été 1979. Cela fait réfléchir Albertine, une fille de onze ans, que l'on suit pendant un week-end en famille en Bretagne, chez sa grand-mère, avec ses parents intellos de gauche, ses oncles et tantes, certains très à droite, ses cousins... Quelques moments salés, mais le tout est filmé de façon assez plate et assez foutraque. Heureusement qu'il y a les interprètes, notamment Eric Elmosnino, Julie Delpy, Bernadette Lafont, Aure Atika ou Valérie Bonneton...

PUTTY HILL (Matt Porterfield, 7 sep) L
Dans l'Amérique des laissés-pour-compte, un jeune drogué meurt. Ses amis et sa famille se rassemblent... Cela aurait pu être un équivalent social américain indépendant de La Vie des morts d'Arnaud Desplechin. Le film oscille avec plus ou moins d'adresse entre fiction et documentaire. Mais, à part dans une jolie scène d'enterrement-karaoké (!), il souffre d'un manque de souffle évident. Le manque de moyens explique peut-être en partie cela, mais le film aurait gagné à être plus ramassé encore. Dommage.

ATTENBERG (Athina Rachel Tsangari, 21 sep) L
Une jeune fille, la vingtaine largement passée, dont le père est malade, se tient à l'écart des garçons. Elle passe son temps devant des documentaires animaliers ou avec sa meilleure amie avec laquelle elle écoute de vieux tubes de Françoise Hardy et apprend à embrasser... Pourquoi pas, mais le film aurait gagné à plus de chaleur humaine, ou au contraire à plus de distance ironique, comme Canine, un autre film d'auteur grec récent, l'avait réussi. Là, on est dans un entre-deux très insatisfaisant.

Version imprimable | Films de 2011 | Le Mardi 01/11/2011 | 0 commentaires




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