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Suite des films de 2021 (automne)

  • Bien : Debout les femmes ! (Gilles Perret, François Ruffin), Tralala (Arnaud et Jean-Marie Larrieu), Les Intranquilles (Joachim Lafosse), La Traversée (Florence Miailhe)
  • Pas mal : Petite soeur (Stéphanie Chuat, Véronique Reymond), Julie (en 12 chapitres) (Joachim Trier), Le Dernier duel (Ridley Scott)

DEBOUT LES FEMMES ! (Gilles Perret, François Ruffin, 13 oct) LLL
Deux documentaires en un dans ce nouveau film de Gilles Perret et François Ruffin, peut-être le meilleur qu'ils ont fait (ensemble ou séparément). Le premier mérite du film est de donner la parole à des femmes que l'on entend si peu : auxiliaires de vie, en milieu scolaire (auprès d'élèves en situation de handicap) ou à domicile, agents d'entretien, etc. Les horaires éclatés, les rémunérations au Smic horaire (donc parfois en dessous du seuil de pauvreté, à cause du temps partiel subi), la pénibilité physique. Le second mérite du film est de suivre l'évolution d'une mission parlementaire que Ruffin a initiée, bien avant la crise sanitaire, sur les métiers du lien (très majoritairement féminins, d'où ces rencontres), et qu'il est contraint de mener avec un député LREM, Bruno Bonnell (un personnage très contrasté). La crise sanitaire a brièvement mis en lumière ce précariat (ces "métiers que l'on rémunère si mal", à "l'utilité commune" incontestable, dixit Macron pendant les 2 minutes où il a été de gauche). Mais la majorité présidentielle reste cruellement droit dans ses bottes néolibérales, à part un ou deux mots qui ne coûtent rien. Malgré tout, le documentaire, au montage très digne et agrémenté de chansons de Bourvil, se clôt sur une séquence finale émouvante et formidable, qui donne tout son sens, politique au sens noble du terme, à la démarche.

TRALALA (Arnaud et Jean-Marie Larrieu, 6 oct) LLL
Un chanteur de rue quitte Paris pour Lourdes où il tente de retrouver une jeune femme qui lui est apparue la veille dans la Capitale. C'est le tout début d'une histoire certes improbable, mais qui se prête fort bien à une comédie musicale réjouissante. Les frères Larrieu sont des cinéastes imprévisibles à la filmographie très inégale. Ici l'audace paye : on se réjouit de voir Mathieu Amalric entonner des chansons composées par Philippe Katerine, Josiane Balasko se lancer dans un duo avec la voix de Dominique A, ou encore Mélanie Thierry déclamer de façon piquante du Jeanne Cherhal. Sans oublier le chanteur Bertrand Belin, au charisme oscillant entre Bashung et Mitchum, dans un rôle de musicien pas complètement accompli. "Ne soyez pas vous même" est le message drôlatique qui s'échange entre deux des personnages principaux. Une devise qui peut s'adresser aussi aux spectateurs/trices pour apprécier au mieux la réussite de Tralala.

LES INTRANQUILLES (Joachim Lafosse, 29 sep) LLL
Joachim Lafosse continue d'explorer les thèmes du couple et de la famille. Ici, il suit les affres d'un père peintre atteint de bipolarité (maladie mentale moins souvent frontalement représentée que les dépressions classiques) et les conséquences sur son entourage, en premier lieu sur sa femme et son fils, aimants. On voit d'abord davantage les épisodes maniaques (tout aussi problématiques que les épisodes dépressifs), la suractivité, y compris nocturne, la tentation d'échapper aux prises de lithium... Par une mise en scène intense, le cinéaste belge arrive à regarder ses personnages sans les juger ni les condamner. Il y parvient par la mobilisation de son équipe technique et de ses interprètes : Leïla Bekhti, aussi impliquée que l'était Emilie Dequenne (A perdre la raison) ou Bérénice Bejo (L'Economie du couple) dans les précédents films de Lafosse, et bien sûr Damien Bonnard, nuancé sans être dans la retenue...

LA TRAVERSEE (Florence Miailhe, 29 sep) LLL
On ne dira jamais assez à quel point le cinéma d'animation peut receler une grande richesse artistique, ne serait-ce qu'en s'intéressant à la grande diversité des techniques utilisées (a fortiori si on s'écarte des produits calibrés pour le succès). Depuis ses courts-métrages remarqués (Hammam, Conte de quartier, vus il y a quelques années au festival de La Rochelle), Florence Miailhe utilise la peinture animée (sur plaque de verre), ce qui donne ici un premier long métrage d'une grande beauté esthétique. L'écrin accompagne l'odyssée d'une adolescente contrainte de fuir un pays ravagé par la guerre, et de tenter avec son petit frère de passer la frontière et peut-être de rejoindre ses parents. Les épreuves successives sont montrées sans aucune niaiserie, tout en restant accessible au jeune public (adolescent).

PETITE SOEUR (Stéphanie Chuat, Véronique Reymond, 6 oct) LL
Sven, un comédien de théâtre de grand talent, tombe gravement malade. Lise, sa soeur jumelle, tente de l'aider, d'abord en tentant une greffe, puis en essayant de le faire remonter sur scène, en lui écrivant un rôle sur mesure qu'il interpréterait sans trop se fatiguer. Mais la maladie progresse... Stéphanie Chuat et Véronique Reymond n'édulcorent rien, intention louable mais qui risque de rendre le film prévisible et peu aimable, hormis une séquence de parapente impressionnante. Mais les réalisatrices savent choisir et diriger leurs interprètes : après Michel Bouquet et Florence Loiret-Caille dans le trop méconnu La Petite chambre, c'est la très grande actrice allemande Nina Hoss qui ici porte le film sur ses épaules.

JULIE (EN 12 CHAPITRES) (Joachim Trier, 13 oct) LL
C'est l'histoire d'une trentenaire d'aujourd'hui, que l'on suit dans son évolution, stade après stade (de façon littéraire, le film est découpé en douze chapitres, d'inégale longueur, d'un prologue et d'un épilogue). Brillante étudiante, elle peine pourtant à trouver sa voie, et se cherche aussi sur le plan personnel. Des problèmes de riches ? En tout cas, les personnages donnent l'impression de se créer beaucoup de difficultés, avant qu'un tournant dramatique ne survienne. L'interprétation inspirée de Renate Reinsve dans le rôle titre fut primée à Cannes, mais on saluera aussi celle d'Anders Danielsen Lie, acteur fétiche du cinéaste qui a aussi illuminé certains films français (Ce sentiment de l'été, Bergman island).

LE DERNIER DUEL (Ridley Scott, 13 oct) LL
Le film s'inspire d'une célèbre affaire de viol au Moyen-Âge, en France : un écuyer bien vu du potentat local profite de l'absence d'un chevalier pour courtiser sa femme et la violer. Celle-ci décide de parler. Sans pouvoir faire appel à des témoins, les protagonistes s'en remettent au jugement de Dieu : les deux mâles s'affrontent dans un duel. Celui qui en sortira vivant sera censé être celui qui dit vrai. Mais si c'est le mari qui est tué, sa femme sera condamnée et brûlée pour fausse accusation... Si un film ne tenait qu'à son scénario, celui-ci serait une réussite, grâce à sa construction scénaristique (l'histoire est racontée par chacun des protagonistes, ce qui donne au final trois versions). Mon impression est cependant beaucoup plus mitigée, pour des raisons artistiques : le film est tourné en anglais (alors qu'il se déroule en France), et la direction artistique est assez grossière : décors et figurants rajoutés en numérique, photographie et scènes de bataille assez laides (rien à voir avec Kurosawa, alors que la construction fait penser à Rashomon). Reste l'histoire, bien menée et édifiante.

Version imprimable | Films de 2020-2021 | Le Samedi 23/10/2021 | 0 commentaires




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