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Suite des films de 2021

  • Bien : Une histoire à soi (Amandine Gay), La Nuée (Just Phillipot), Milla (Shannon Murphy)
  • Pas mal : 143 Rue du désert (Hassen Ferhani), 5è set (Quentin Reynaud), Freaky (Christopher Landon)
  • Bof : Teddy (Ludovic et Zoran Boukherma)

UNE HISTOIRE A SOI (Amandine Gay, 23 juin) LLL
L'adoption est souvent traitée dans les médias sous l'unique angle des parents adoptants ou du difficile parcours des candidats à l'adoption. Amandine Gay, née sous X, livre des témoignages beaucoup plus rares : ceux d'enfants adoptés en France et devenus adultes. Ils sont cinq, originaires de Corée du Sud, du Brésil, du Rwanda, du Sri Lanka et d'Australie. Cet angle est beaucoup plus politique qu'il n'y paraît, ce qui n'étonnera pas de la part de la réalisatrice de Ouvrir la voix. Mais la cinéaste ne parle nullement à la place de ces témoins. Au contraire, elle les laisse raconter les nuances de leurs histoires familiales (ils et elles ont eu des parcours, des expériences ou des choix parfois similaires, parfois différents). Formellement, Amandine Gay a fait des choix forts, comme celui de ne pas les faire apparaître face caméra. Leurs témoignages, uniquement en voix off, s'entrecroisent habilement et sont illustrés par des photos ou des vidéos de famille. Et, un peu comme chez Mariana Otero ou Eric Caravaca, ces réflexions intimes nourrissent aussi des questionnements politiques, sur la pluriparentalité ou encore sur les rapports qui sous-tendent l'adoption internationale.

LA NUEE (Just Phillipot, 16 juin) LLL
Virginie est une mère célibataire qui a abandonné l'élevage de chèvres pour un élevage de sauterelles. Elle espère en tirer une farine hyperprotéinée qui pourrait alimenter d'autres bêtes. Mais les premiers clients souhaitent une plus grande quantité, et moins cher... Le réalisme des premières scènes rend crédible la suite qui couve, plus ou moins horrifique. Il pose des questions politiques, structurelles, sans verser dans le moralisme vis-à-vis de ses personnages. On peut comprendre que Virginie veuille se saigner aux quatre veines pour nourrir sa famille, et les enfants ont une existence propre, la fille ainée étant peut-être le personnage le plus perspicace du film. La bande son est très travaillée, et même impressionnante. Sorte de croisement entre l'horrifique animalier (Les Oiseaux, Phase IV) et le drame agricole (Au nom de la terre), le premier long-métrage de Just Phillipot est le meilleur film "de genre" français depuis Grave de Julia Ducournau.

MILLA (Shannon Murphy, 28 juil) LLL
C'est l'histoire d'une lycéenne qui tombe amoureuse pour la première fois. Les prémices semblent banales, mais les deux adolescents ne le sont pas : on découvrira qu'elle vient d'une famille aisée, mais qu'elle a une maladie sérieuse, et que son amoureux se dépêtre avec la drogue... Les ingrédients pourraient être ceux d'un drame édifiant, mais Shannon Murphy en fait autre chose, un film plus enlevé, plus pop, plus proche d'un journal intime d'ado, sans jamais tomber dans la facilité ou l'édulcoration. La haute personnalité de son héroïne comme les audaces de la mise en scène dans certaines séquences ne sont pas sans rappeler Jane Campion période Un ange à ma table. Un premier film très prometteur.

143 RUE DU DESERT (Hassen Ferhani, 16 juin) LL
C'est un documentaire-portrait, autour de la figure de Malika, la patronne d'une sorte de resto-route, qui sert omelette, thé ou café à ceux qui passent par là, sur la Nationale 1, au milieu de nulle part, en plein désert algérien. C'est un portrait de ce lieu aussi. Petit à petit, les plans s'élargissent, et on voit que cet endroit pittoresque est menacé par l'implantation d'une future station service. Malika est un personnage haut en couleurs, attachée à son indépendance du haut de ses 74 ans, mais les clients qui défilent semblent constituer une coupe d'une partie de la société algérienne contemporaine. Malika n'a pas son pareil pour écouter les autres. On sent un peu le dispositif, le côté petit théâtre, mais cela donne aussi de jolies scènes, avec l'intervention d'un écrivain (Chawki Amari) ou d'un groupe de musique...

5E SET (Quentin Reynaud, 16 juin) LL
Le grand intérêt du film est de montrer le quotidien de tennismen professionnels qui n'arrivent pas à intégrer durablement le top 100 ou 200 mondial. Le récit est circonstancié (le réalisateur est un ancien joueur semi-professionnel), et Alex Lutz (toujours aussi transformiste) et Ana Girardot sont excellents. La mise en scène n'est pas aussi inspirée : abus de caméra portée ou de musique excessivement dramatisante. Heureusement, dans la dernière manche, ces défauts s'effacent. Balles neuves. Le réalisateur n'a plus besoin d'artifices. Alors ce n'est ni un grand film ni un Nadal-Djokovic, mais il réussit à refaire son break de retard...

FREAKY (Christopher Landon, 23 juin) LL
Cela commence comme un teenmovie d'horreur, comme l'était déjà Happy birthdead, du même réalisateur. Des jeunes sont trucidés par un tueur en série (qui nourrit les légendes urbaines depuis plusieurs décennies).  Une lycéenne échappe au tueur, mais, inexplicablement, tous deux se réveillent dans le corps de l'autre. Bonjour les quiproquos ! Le film réussit à nous faire accepter cette absurdité, et navigue entre scènes de frisson et sourires, lorgnant vers Wes Craven, sans atteindre la même finesse d'exécution. La fin alternative est discutable. On dira que c'est une façon de nous sortir du film...

TEDDY (Ludovic et Zoran Boukherma, 30 juin) L
Une histoire de loup-garou qui se passe dans le Sud-Ouest de la France, c'est intriguant sur le papier. On entrevoit le petit plaisir qu'ont eu les auteurs à l'écriture : mêler un thème classique du cinéma dans une géographie plus inédite, avec une pointe de dérision si française. Le problème, c'est qu'à l'écran c'est nettement moins convaincant. Le premier degré n'arrive pas vraiment à prendre, tant le film est incroyablement prévisible, et le second niveau à prétention satirico-potache manque cruellement de subtilité. L'idée était sans doute ambitieuse, mais le résultat est un peu étriqué.

Version imprimable | Films de 2020-2021 | Le Mercredi 23/06/2021 | 0 commentaires




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