- Bien : Marcello mio (Christophe Honoré), The Summer with Carmen (Zacharias Mauroeidis), Juliette au printemps (Blandine Lenoir), Gloria ! (Margherita Vicario), Maria (Jessica Palud)
- Pas mal : Dune : Deuxième partie (Denis Villeneuve), Il reste encore demain (Paola Cortellesi)
- Bof : C'est pas moi (Leos Carax), Challengers (Luca Gudagnino)
MARCELLO MIO (Christophe Honoré, 22 mai) LLL
Les films où les interprètes "jouent leur propre rôle" (selon l'expression consacrée et réductrice) ne sont pas toujours des réussites. Mais, dans le cas du dernier Honoré, le résultat est bien plus qu'honorable. Racontant l'histoire d'une Chiara Mastroianni se faisant la tête et l'allure de son père Marcello, il aurait pu prétendre à la Queer Palm, tout en se gardant bien de cocher quelque case que ce soit. Moins roublard et plus profond que le dernier Dupieux, le film s'enrichit constamment au fil des séquences sans jamais s'alourdir. Il y a de l'inventivité et de l'inattendu dans chaque plan (le film ne cesse de se déplacer subtilement). L'ensemble n'est pas nombriliste, car le cinéaste a la générosité de convoquer des personnalités très éloignées de son propre univers (Fabrice Luchini, Nicole Garcia). Et il régale les oreilles par une utilisation non clichetonneuse et très élaborée de la musique (comme dans une séquence de reprise de Daho).
THE SUMMER WITH CARMEN (Zacharias Mauroeidis, 19 juin) LLL
En vacances sur une plage, Nikitas, aspirant réalisateur, demande à Démosthène, un ancien acteur devenu fonctionnaire, des idées pour un prochain scénario, un film gay à petit budget selon les desiderata de son producteur. En voyant une femme passer avec un chihuahua ressemblant à Carmen, l'ancienne chienne de Démosthène, les deux amis envisagent de raconter les amours tumultueuses de ce dernier. En choisissant de ne pas montrer de LGBT-phobies, ce qui laisse aux personnages le loisir de s'occuper d'eux-mêmes, Zacharias Mauroeidis livre, dans la forme comme dans le fond, un film solaire, grâce également aux interprétations hautes en couleur mais nuancées de Torgos Tsiantoulas et Andreas Labropoulos. Même le dispositif "méta" (film dans le film) est utilisé de façon futée et léger. Une sorte de feel good movie par temps pourtant obscurs...
JULIETTE AU PRINTEMPS (Blandine Lenoir, 12 juin) LLL
Une trentenaire passablement déprimée, illustratrice pour enfants à la ville, se pose quelque temps chez son père en province. Contrairement à Annie colère, le précédent opus de Blandine Lenoir, le film diffère assez longtemps le sujet autour duquel il est construit. Mais, au lieu de lui nuire, cette absence de pitch identifiable nous oblige à être très attentif aux personnages. Ceux-ci arrivent d'ailleurs à surprendre, et on se réjouit des sourires mi-tristes d'Izia Higelin, de la sensibilité paternelle de Darroussin, et d'une Sophie Guillemin qu'on retrouve et redécouvre avec grand plaisir. Au final, on s'apercevra que Blandine Lenoir livre un nouveau film féministe, bien que de façon un peu plus souterraine qu'auparavant.
GLORIA ! (Margherita Vicario, 12 juin) LLL
Un film musical assez original, puisque situé dans un orphelinat vénitien du XVIIIè siècle. Des jeunes filles y apprennent la musique. La découverte d'un pianoforte, instrument caché au fin fond de l'édifice, va changer la donne. Au-delà d'être de simples instrumentistes, les filles vont se mettre à composer, et l'une d'elles, une jeune servante (Galatéa Bellugi), sera plus audacieuse encore. Le film fait le grand écart entre une musique au départ conforme aux canons classiques et des compositions qui semblent inventer la modernité, voire les "tubes"... La réalisatrice s'inspire d'une réalité méconnue et rend hommage, avec peut-être quelques détonants anachronismes, à des créatrices ignorées par l'histoire (rejoignant sous cet angle le Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, bien que très différent).
MARIA (Jessica Palud, 19 juin) LLL
L'évocation de la vie brisée de l'actrice Maria Schneider, suivie depuis ses débuts d'enfant de la balle (fille de l'acteur Daniel Gélin, qui ne l'a pas élevée) au tournage du Dernier tango à Paris. Le traitement est d'ailleurs assez nuancé. Le contact de la toute jeune comédienne avec Marlon Brando semble stimulant, tout comme la singularité du film de Bertolucci, et donnerait presque envie de le rattraper (je ne l'ai jamais vu). Ce désir ne rend toutefois que plus poignant et choquant ce qui suit, à savoir le tournage non consenti de la scène controversée. Anamaria Vartolomei, de tous les plans ou presque, impressionne de bout en bout. Et après L'Evénement, elle confirme une grande cohérence dans ses choix.
DUNE : DEUXIEME PARTIE (Denis Villeneuve, 28 fév) LL
Suite de l'adaptation du roman de Frank Herbert par Denis Villeneuve. L'intrigue, d'ailleurs, est plutôt moins binaire que celle des Star Wars, par exemple. L'impression mitigée que suscite le film réside davantage dans le casting conçu comme un aréopage de vedettes : on croit par exemple moyennement à l'évolution du personnage de Paul Atreides interprété par Timothée Chalamet. Seule Zendaya semble donner de la substance à son personnage. Techniquement, le grand spectacle est quand même assurée, grâce aux décors architecturaux ou naturels.
IL RESTE ENCORE DEMAIN (Paola Cortellesi, 13 mar) LL
Rattrapage de ce film qui a fait un carton en Italie, avant de bénéficier d'un bon bouche à oreilles ici. L'intrigue se situe dans l'immédiat après-guerre et suit une mère de famille victime de violences conjugales. C'est une sorte de dénonciation du patriarcat d'antan, mais où les personnages sont réduits à un seul trait. Le noir et blanc n'a ici pas une grande profondeur et ne fait pas renaître le grand cinéma italien de l'époque. D'autres effets de style se discutent (le remplacement des coups par des chorégraphies symboliques). L'histoire peut toucher, mais n'exonère-t-elle pas trop les agresseurs d'aujourd'hui, bien plus ambigus et moins faciles à repérer ?
C'EST PAS MOI (Leos Carax, 12 juin) L
Un film de montage-collage de 44 minutes, en réponse d'une commande du Centre Pompidou à Leos Carax. De cet exercice de style très godardien, la vision du monde suggérée par Leos Carax est assez pauvre, et en tout cas pas à la hauteur des enjeux politiques terribles qui nous traversent. En revanche sa célébration du cinéma qu'il aime (et de celui qu'il fait) force le respect et donne lieu à quelques fulgurances. Dommage que ces dissections cinéphiles ne célèbrent que l'art pour l'art, comme dénué d'un regard sur le monde.
CHALLENGERS (Luca Guadagnino, 24 avr) L
Comme les personnages évoluent dans le milieu du tennis, le titre fait allusion aux tournois les moins dotés du circuit professionnel. On pourrait malheureusement filer la métaphore pour situer ce nouveau film de Luca Guadagnino dans la production cinématographique contemporaine. Si cette sorte de Jules et Jim tennistique (ou de trouple mixte, si vous préférez) était tentante sur le papier, et si les interprètes (Zendaya, qui a produit le film, Mike Faist et Josh O'Connor) sont jolis à regarder, les dialogues sont assez calamiteux, tout comme l'utilisation, très bourrine, d'une musique d'ailleurs assez insipide.
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