- Bien : La Fille du 14 Juillet (Antonin Peretjatko), 5 caméras brisées (Emad Burnat, Guy Davidi), Enfance clandestine (Benjamin Avila), Shokuzai (Kiyoshi Kurosawa), Mud (Jeff Nichols), Free Angela and all political prisoners (Shola Lynch), La Belle endormie (Marco Bellocchio), Sous surveillance (Robert Redford)
- Pas mal : L'Inconnu du lac (Alain Guiraudie), Le Passé (Asghar Farhadi), Une vie simple (Ann Hui), Vanishing waves (Kristina Buozyte), Les Lendemains (Bénédicte Pagnot)
- Bof : Alps (Yorgos Lanthimos)
LA FILLE DU 14 JUILLET (Antonin Peretjatko, 5 juin) LLL
Après Queen of Montreuil il y a quelque temps, une nouvelle illustration que les films à (tout) petit budget peuvent être d'une liberté folle, voire jouissive. Hector, vague gardien de musée, tombe en pâmoison devant Truquette, qui propose à la criée, en marge du défilé militaire, pavés en mousse et mini-guillotines. Ils partent en vacances avec un pote d'Hector (Vincent Macaigne, seul acteur connu du film), une copine de Truquette et son frère. Vu l'âge de la troupe, on pourrait y voir une comédie générationnelle. Or Antonin Peretjatko, pour son premier long métrage, frappe plus fort. Il réalise un vrai film burlesque irrésistible (qui fait parfois penser à Blake Edwards), aux couleurs pimpantes (qui renvoient au cinéma pop des années 60-70) et très inventif. Et, sous l'esprit en apparence potache, on perçoit une satire politique : face à la crise, le gouvernement avance la rentrée au 1er août, au grand dam des aoutiens... Comme le titre joliment Politis, une comédie libertaire, égalitaire, fraternitaire...
5 CAMERAS BRISEES (Emad Burnat, Guy Davidi, 20 fév) LLL
Les cinq caméras brisées du titre sont celles utilisées successivement par Emad Burnat, petit paysan de Cisjordanie, pour filmer sa famille et la lutte pacifique de son village contre l'édification du mur de séparation par les Israëliens. Le mur spolie surtout Bil'in, le village, de la moitié de ses terres. Grâce à son dispositif, les caméras successives captent ce qu'on sait (quand on s'intéresse à la question) mais qu'on n'a pas l'habitude de voir, ce qui se passe en toute impunité quand les journalistes sont partis. La totale immersion permet de mesurer l'oppression de la colonisation israëlienne, leurs méthodes, alors qu'on s'attache aux personnages clés de la résistance du village, tout comme à la famille d'Emad Burnat, et à leur sort pendant les 5 années de tournage. Un document implacable et indispensable.
ENFANCE CLANDESTINE (Benjamin Avila, 8 mai) LLL
Après des années d'exil, Juan, 12 ans, et sa famille reviennent dans le Buenos Aires de 1979, sous une fausse identité. Désormais Juan sera au collège Ernesto, un élève vif qui cherche comme les autres à se faire des copains et est intriguée par la belle Maria. Le soir, il redevient Juan, fils de péronistes de gauche et résistants actifs contre la dictature militaire, toujours en état d'alerte maximal. Dans cette première oeuvre de fiction (qui aurait pu avoir la Caméra d'or au festival de Cannes l'an dernier), Benjamin Avila nous livre un double récit initiatique, entre première éducation sentimentale et perte d'innocence devant les oppressions politiques dont sont capables les adultes. Avec une mise en scène au diapason du scénario et une interprétation très incarnée, le film est un classique instantané.
SHOKUZAI (Kiyoshi Kurosawa, 29 mai et 5 juin) LLL
Quatre fillettes sont témoins de l'enlèvement conduisant au meurtre d'une camarade de classe mais, sous le choc, elles sont incapables de se souvenir du visage du tueur. La mère de cette camarade les réunit et les menace d'une pénitence éternelle. Après ce prologue, cette saga de l'auteur de Kaïro, diffusée en 5 épisodes à la télé japonaise, et sortie chez nous en deux parties (Celles qui voulaient se souvenir et Celles qui voulaient oublier), montre ce qu'elles sont devenues 15 ans après. Chacun des 4 premiers chapitres est le portrait de l'une d'entre elles, le dernier est celui de la mère, le personnage relié à tous les autres... Polar réaliste, thriller psychologique à la limite du fantastique (autour du thème de la culpabilité), peinture de la société japonaise : malgré une résolution un poil alambiquée, l'exercice de style, grâce à la mise en scène, est une réussite.
MUD (Jeff Nichols, 1er mai) LLL
Le nouveau film de Jeff Nichols a pour point commun avec le précédent, Take shelter, de s'intéresser à une Amérique qu'on voit peu (ici les modestes habitations aux alentours du Mississipi) et de faire monter une menace qui se rapproche. Au cours d'une de leurs embardées, Ellis et Neck, deux ados inséparables, découvrent une île étrange, avec un bateau perché dans les arbres. Et un homme sorti de nulle part, avec un serpent tatoué sur le bras, qui se fait appeler Mud et leur demande du ravitaillement (il est recherché par la police). C'est un grand récit initiatique d'un classicisme sans faille, où Ellis, qui a le courage de tendre la main à cet homme, découvrira, entre autres, que les adultes ne sont pas nécessairement divisés en bons et méchants, qu'ils peuvent mentir (y compris sur des choses importantes) et se mentir, et que la vengeance ou l'escalade de la violence ne résoud rien.
FREE ANGELA AND ALL POLITICAL PRISONERS (Shola Lynch, 3 avr) LLL
Angela Davis, c'est une militante infatigable, qui a été accusée à tort de complicité de meurtre, alors qu'elle prônait la non-violence. Elle est devenue une égérie de la contestation radicale des années 60-70. Elle accumulait les tares aux yeux de certains : femme, noire, communiste, féministe, combattante anti-ségrégationniste, professeur de philo... Avec des images d'archives et une interview récente (elle est toujours vivante et toujours militante), c'est son histoire (une belle leçon de courage), son parcours qui est relaté, presque comme un thriller. Et au-delà de sa personne, c'est le combat de sa vie en faveur des prisonniers politiques et de la justice qui est bien restitué.
LA BELLE ENDORMIE (Marco Bellocchio, 10 avr) LLL
Il y a 8 ans, Alejandro Amenabar avait réalisé Mar Adentro, un film traitant de l'euthanasie, maladroit car assez manichéen. Avec la même intention humaniste de défendre le droit à mourir dans la dignité, Marco Bellocchio réalise ici un très beau film, qui ne juge jamais ses personnages. Il prend comme point de départ un fait divers qui a déchiré l'Italie en 2008 : le sort d'une jeune femme, plongée dans le coma depuis 17 ans, que son père a décidé de "débrancher". Et croise les histoires d'une jeune militante "pro-life", de son père, sénateur de droite (génial Toni Servillo), qui hésite à voter un projet de loi contre l'euthanasie, d'une célèbre actrice au chevet de sa fille comateuse, d'une toxico dépressive... Le cinéaste réhabilite la politique, l'engagement collectif et la responsabilité individuelle (dont aller contre la discipline de parti fait partie le cas échéant).
SOUS SURVEILLANCE (Robert Redford, 8 mai) LLL
Robert Redford semble renouer avec les thrillers politiques qu'il tournait dans les années 70 (par exemple Les Trois jours du condor, de Sydney Pollack, paranoïaque à souhait). Ici il joue un avocat, Jim Grant, dont un jeune journaliste révèle la véritable identité. Celle d'un ancien activiste très à gauche à l'époque de la guerre du Vietnam, et recherché pour son implication supposée dans le braquage d'une banque qui a mal tourné (un mort). Il repart en cavale... Pourquoi ? C'est une traque, un suspense haletant, qui pose les questions de la justice, de la responsabilité, de la fin qui ne justifie pas les moyens, mais aussi de la fidélité à ses idéaux alors que les raisons de la révolte sont encore là (injustices, abus d'autorité et escalade sécuritaire, dénis de démocratie).
L'INCONNU DU LAC (Alain Guiraudie, 12 juin) LL
J'avais testé le cinéma d'Alain Guiraudie une fois, avec un résultat mitigé (Le Roi de l'évasion). Cette fois-ci, il me convainc davantage. Le film se déroule la plupart du temps sur une plage naturiste, lieu de drague gay, aux abords d'un lac. Franck y rencontre Henri, hétéro souffrant de solitude, et est attiré par le charismatique Michel, bien que celui-ci a semblé commettre sous ses yeux un acte irréversible... L' atmosphère insolite de ce film reste longtemps en mémoire. Etude de moeurs quasi-documentaire, polar, il semble se chercher, dans une apparente répétition et avec une certaine langueur estivale : il faut accepter qu'il ne se passe pas grand chose...
LE PASSE (Asghar Fahradi, 17 mai) LL
Ahmad, séparé depuis 4 ans de Marie, arrive à Paris depuis Téhéran, pour formaliser leur divorce. Il découvre de mystérieuses tensions entre Marie, son nouveau compagnon et sa fille. Contrairement à Une séparation, la mise en scène, qui semble hésitante, ne convainc pas d'emblée. On a même l'impression d'assister à un drame psychologique un peu lourd, qui n'a pas la rigueur d'un Bergman. Curieusement, ce sont les avancées, qu'on peut juger artificielles, du scénario qui donne, dans la deuxième partie, toute sa matière au film et aux personnages (solides interprétations, loin de performances ostentatoires). Et le tout apparaît comme une réflexion sur la vérité, dont chacun n'a qu'une vision partielle et partiale.
UNE VIE SIMPLE (Ann Hui, 8 mai) LL
Domestique au service d'une famille hongkongaise depuis plusieurs générations, Ah Tao ne s'occupe plus que du dernier héritier, producteur de cinéma quadragénaire (le reste de sa famille a émigré aux Etats-Unis). Le jour où elle tombe malade (attaques cardiaques), les rôles s'inversent... C'est la beauté de la relation entre ces deux personnages, magnifiquement interprétés par Deanie Yip et Andy Lau, qui intéresse le plus la cinéaste. Et, effectivement, le film est assez attachant dans sa description quasi anthropologique du don/contre-don, de l'importance des liens de qualité. Dommage par contre qu'il n'interroge pas de façon critique le principe de la domesticité, qui a à voir avec les rapports inégaux (sociaux ou de genre).
VANISHING WAVES (Kristina Buozyte, 29 mai) LL
Participant à une expérience scientifique , un jeune neurologue se fait raser le crâne sur lequel on installe tout un système de capteurs, reliés à la tête d'une jeune fille dans le coma. Au cours de ces séances, le jeune homme rencontre une inconnue qu'il retrouve à chaque connexion... La réalisatrice lituanienne nous propose une sorte de science-fiction romantique. Tout n'est pas forcément convaincant, loin de là, mais le caractère sensuel, sensoriel, cérébral de certaines scènes et l'écriture non automatique de ce premier essai mérite le détour.
LES LENDEMAINS (Bénédicte Pagnot, 17 avr) LL
En arrivant à la fac, Audrey (Pauline Parigot, révélation) s'éloigne de sa famille, de son amie d'enfance (Pauline Acquart, l'héroïne de Naissance des pieuvres) qui a raté son bac, de son petit ami. Sa colocataire essaye de l'initier au militantisme politique, aux débats d'idées, à la gauche réellement de gauche, puis elle rencontre des jeunes squatters... Pour son premier film, Bénédicte Pagnot a le mérite de montrer sans les juger des personnages rarement représentés au cinéma, sur fond de récit initiatique et de violence de la société guidée par le profit. Les choix formels sont beaucoup plus discutables, notamment une photographie numérique chichiteuse qui ne convient pas du tout au sujet.
ALPS (Yorgos Lanthimos, 27 mar) L
Yorgos Lanthimos, réalisateur du film culte Canine en 2009, revient ici, en proposant l'histoire d'une sorte de société secrète (nommée "Alps" car son chef se fait appeler "Mont-Blanc") qui accompagne d'une façon très particulière des personnes en situation de deuil. Certaines choses sont intéressantes, absurdes ou surréalistes, mais malheureusement l'ensemble se révèle assez décevant.
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