Mon festival La Rochelle CINEMA 2021
27) ** L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK (Henry Selick, 1994)
Jack Skellington est un squelette mélancolique qui en a marre d'organiser toujours la même fête, chaque année à la même période, à Haloween City. Un jour de décembre, il découvre la ville de Noël, et rêve de prendre la place du Père Noël et de s'approprier cette fête à sa façon... Techniquement, c'est un film d'animation en stop motion : les personnages sont des marionnettes animées image par image. Artistiquement, et au niveau de la trame du conte, on retrouve l'univers gothique de Tim Burton. Mais l'ensemble est un peu banalisé par la production Disney, et la diffusion du film en VF (avec beaucoup de chansons).
26) ** GOSSES DE TOKYO (Yasujiro Ozu, 1932)
Des écoliers se disputent sur la réputation de leurs pères respectifs. En particulier, deux enfants découvrent que leur père, employé de bureau, est prêt à s'humilier pour son patron. Qu'est-ce qu'un homme « important » ? Il y a une notation presque marxiste sur la situation sociale de chacun en fonction des rapports sociaux de production. Vue en ciné-concert, l'oeuvre est assez plaisante, mais la mise en place est assez laborieuse, et Ozu n'a pas encore trouvé le style (inimitable) qui caractérisera ses grands films parlants.
25) ** JEU, SET ET MATCH (Ida Lupino, 1951 → 1956)
Une jeune fille devient une championne de tennis prometteuse. Mais est-ce sa volonté ou celle de sa mère ? Elle est en effet partagée entre sa mère et son entraîneur d'un côté, qui lui préparent un programme ambitieux, et un jeune homme plus terrien mais également fan de ce sport. Si les scènes de sport sont assez attendues, Ida Lupino, rare actrice hollywoodienne passée à la réalisation, sait faire preuve d'ironie, dans la description d'une vie sponsorisée, ou dans certains détails de mise en scène (la simple disposition opposée de deux lits coupe l'image en deux lorsque les parents font lits à part).
24) ** PASSE TON BAC D'ABORD (Maurice Pialat, 1978)
Dans une ville du Nord de la France, proche de Lens, on suit un groupe d'adolescents en dernière année de lycée. Le baccalauréat approche. Pour les adultes qui les entourent, c'est un examen important. Eux sont plus désabusés, et voient le chômage progresser... Se suivent des scènes dans des cafés, en cours de sport, à la plage ou au stade (Bollaert). Le film peut paraître un peu brouillon, un peu laborieux au début. Mais, au fur et à mesure où s'invente le film, on est frappé par la justesse de ton sur cette jeunesse populaire très éloignée de celle des beaux quartiers parisiens (bien plus représentée au cinéma).
23) *** PEAUX DE VACHES (Patricia Mazuy, 1989)
Dix ans après l'incendie accidentel (au cours d'une beuverie) de la ferme familiale, qui a fait un mort, l'auteur présumé sort de prison et retrouve son frère, toujours fermier, qui s'est marié et a une petite fille. Le premier film de Patricia Mazuy, cinéaste inclassable, a des faux airs de western, soulignés par la bande originale. Il ne se passe pas forcément grand chose, et pourtant il se maintient, dans ces retrouvailles, une tension constante, grâce à des choix de mise en scène risqués de la part de la réalisatrice, et à l'étonnant trio Sandrine Bonnaire – Jean-François Stévenin – Jacques Spiesser.
22) *** LOULOU (Maurice Pialat, 1980)
Nelly, une jeune femme de bonne famille (Isabelle Huppert), délaisse son mari bourgeois (Guy Marchand) pour un loubard justement surnommé Loulou (Gérard Depardieu). Plutôt que de la lutte des classes, il s'agit plutôt d'un choc des cultures. Les personnages sont imprévisibles : on ne sait jamais comment la scène va finir. Disons seulement que chez Pialat, les hommes ont souvent une prédisposition à des accès de violence. En terme de mise en scène et de véracité, le cinéaste réussit entre autres une grande scène de repas (ce sera aussi le cas dans À nos amours, mais dans un tout autre milieu).
21) *** LE TALENTUEUX MR RIPLEY (Anthony Minghella, 2000)
Le riche père de Dickie Greenleaf, un jeune homme qui mène une grande vie insouciante avec sa compagne Marge sur la côte italienne, demande à Tom Ripley de raccompagner en Amérique son fils dépensier et frivole, mission bien rémunérée. Tom accepte... Remake de Plein soleil de René Clément, ou bien nouvelle adaptation du roman de Patricia Highsmith. On reconnaît les grandes lignes (les thèmes, Ripley étant un fan de jazz), sans que ça affaiblisse le côté thriller. Par rapport au film de Clément, il y a des personnages supplémentaires qui apparaissent (et disparaissent). L'interprétation de Matt Damon, aussi ambiguë que celle d'Alain Delon était carnassière, contribue à cette réinvention, comme la musique de Gabriel Yared.
20) *** PIERROT, PIERRETTE (Louis Feuillade, 1924)
Un adolescent et une fillette, orphelins, sont élevés par leur grand-père, un ancien directeur de cirque. Ils vivent dans une roulotte. Voyant leur numéro de rue, une dame de charité veut les envoyer respectivement en apprentissage, en orphelinat, et dans un hospice pour vieillards (asile départemental). Mais ils ne l'entendent pas ainsi... Belle réussite de Louis Feuillade, célèbre pour ses feuilletons cinématographiques (Les Vampires en tête). Ici, l'apparente simplicité de l'art du muet a quelque chose de l'évidence, et fait passer comme une lettre à la poste les petites facilités du scénario...
19) *** THE LEBANESE ROCKET SOCIETY (Joana Hadjithomas, Khalil Joreige, 2013)
Ce documentaire, à base d'archives rares, raconte une histoire oubliée, celle du Liban des années 1960, projetant d'être le premier pays arabe à envoyer des fusées dans le ciel. Tout part des travaux utopistes menés à l'époque par le physicien Manoug Manougian (le Liban était terre d'accueil pour les réfugiés arméniens) et ses étudiants de l'université Haigazian. Pourquoi cette amnésie ? Les deux réalisateurs enquêtent... D'abord didactique, le film se hisse à un niveau supérieur, grâce à un projet d'installation commémorative (une aventure en soi) et à une fin uchronique réalisée en animation. Comme si, au final, l'art pouvait être plus fort que la géopolitique...
18) *** ALLEMAGNE, ANNÉE ZÉRO (Roberto Rossellini, 1949)
Roberto Rossellini clôt sa trilogie néoréaliste (commencée avec Rome, ville ouverte et Païsa) dans les ruines de Berlin, au sortir de la guerre. Mais ces ingrédients sont parasités par le destin tragique d'un gamin de 12 ans. Celui-ci essaie de faire vivre sa famille à l'aide de petits trafics, mais commet l'irréparable, influencé par les théories d'un professeur ex-nazi. Le cinéaste mêle des questionnements contemporains audacieux pour l'époque (s'intéresser au peuple allemand, aux effets de l'idéologie nazi) et une matière intime (un enfant qui court à sa perte), le tout sans lyrisme et avec une certaine sobriété paradoxale dans son dénouement.
17) *** MAINS CRIMINELLES (Roberto Gavaldon, 1951)
Jaime Karin est un voyant qui escroque gentiment les clientes de l'institut de beauté où travaille sa femme (qui lui transmet les informations utiles à son activité). Il soupçonne l'une des clientes d'avoir tué son mari, et tente de la faire chanter... Ce film mexicain est digne des films noirs hollywoodiens de l'époque, avec la figure (cliché) de la femme fatale (qui ici aime bien faire exécuter les basses besognes par d'autres), mais avec de la perversité en plus. Le scénario, co-écrit avec José Revueltas et Luis Spota, et la mise en scène de Roberto Gavaldon sont délectables, comme en témoigne par exemple la très savoureuse scène de la crevaison...
16) *** LE SANG À LA TÊTE (Gilles Grangier, 1956)
François Cardinaud, le personnage interprété par Jean Gabin, a gravi les échelons pour devenir l'un des plus importants armateurs du port de La Rochelle. Mais dans cette ascension sociale, il néglige sa femme, qui quitte le foyer sans prévenir, et il s'attire rancoeurs et jalousies. L'analyse des différents milieux sociaux s'appuie sur les atmosphères créées par Gilles Grangier, dans les différents lieux de La Rochelle, sur un scénario adapté de Georges Simenon, mais aussi par les dialogues de Michel Audiard, d'abord très réalistes, puis avec beaucoup plus de mots d'auteur (ce qui deviendra sa marque de fabrique) dans le dernier tiers.
15) *** LE GARÇU (Maurice Pialat, 1995)
C'est le dernier film de Maurice Pialat, après le triomphe de Van Gogh. Le milieu social a changé, mais rien n'y fait : les hommes sont toujours forts en gueule et parfois violents physiquement. Le film est plus comportementaliste que sociologique, comme le souligne le choix de Human behaviour, le morceau de Björk sur lequel se déhanchent de façon ostentatoire des collègues d'affaires du personnage principal. Mais quelque chose de plus universel passe : Gérard (Depardieu) est devenu papa, tandis que son propre père est mourant... Et, dans une partition très subtile, Géraldine Pailhas est magnifique et arrive à exister, au milieu de tous ces personnages masculins.
14) *** LE JOUR ET L'HEURE (René Clément, 1963)
En 1944, sous l'Occupation, Thérèse est entraînée un peu malgré elle dans la Résistance (elle aurait voulu rester à l'écart). Elle se retrouve à devoir convoyer des aviateurs alliés, et notamment un pilote américain Allan Morley jusqu'à Toulouse pour lui éviter d'être fait prisonnier par la Gestapo. La mise en place est un poil laborieuse, mais la deuxième moitié est très réussie, dense et épique. Simone Signoret et Stuart Whitman assurent, mais on remarquera aussi dans un second rôle le visage fourbe de Reggie Nalder (vu dans L'Homme qui en savait trop, seconde version d'Hitchcock).
13) *** DOUBLE DESTINÉE (Roberto Gavaldon, 1946)
Deux sœurs jumelles au statut social opposé. Maria, la pauvre et tourmentée manucure, se résout à assassiner Magdalena, sa sœur, veuve et par là même riche héritière. Maria va se faire passer pour Magdalena et espérer une vie moins malaisante. Mais la suite n'est pas si simple. Arrivera-t-elle à ne pas se trahir ? Il s'agit d'un suspense moral, tiré d'un court roman de Rian James. Mais aussi d'une véritable critique sociale sous-jacente, bien soulignée par l'adaptation coécrite avec le militant politique de gauche José Revueltas. L'interprétation de Dolores Del Rio, dans un double rôle, contribue bien sûr également à la réussite du film.
12) *** MEMORY BOX (Joana Hadjithomas, Khalil Joreige, 2022)
Ce sont les vacances de Noël à Montréal. Un mystérieux colis en provenance de Beyrouth arrive chez Maia et sa fille Alex. Il s'agit de cahiers, de cassettes, de photographies, des lettres que Maia, pendant son adolescence, a envoyées de Beyrouth à sa meilleure amie partie à Paris pour fuir la guerre civile. Maia refuse de laisser ce passé remonter à la surface, mais Alex s'y plonge en cachette et découvre la vie de sa mère quand elle avait son âge... Dans cette fiction, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige continuent à s'intéresser à la mémoire et à sa transmission. Les allers-retours entre les deux époques sont assez limpides. Le récit est bien incarné, par les interprétations de Rim Turki et la jeune Paloma Vauthier pour l'époque contemporaine, et de Manal Issa (déjà vue chez Danielle Arbid dans Peur de rien) pour la jeunesse de la mère. Et, par ailleurs, on remarque que certaines scènes, stylisées, bénéficient du travail formel des deux cinéastes, qui ont plus d'une corde artistique à leur arc.
11) *** ROME, VILLE OUVERTE (Roberto Rossellini, 1945)
Hiver 1944. Giorgio Manfredi, un ingénieur communiste, tente d'échapper aux Allemands qui occupent la ville. Il quitte son logement par les toits. Pina (Anna Magnani), la fiancée d'un ami, le met en contact avec le curé de la paroisse, Don Pietro. Mais ils vont tous être dénoncés... Bien que situé vers la fin de la guerre, Rossellini tourne un drame d'une résistance défaite. Sa sobriété contraste avec le récit positif et lyrique de Bataille du rail, de René Clément, tourné à la même époque. Les images sont assez sombres, tournées dans des décors naturels (qui lui confèrent avec le temps un côté documentaire). Il s'agit à la fois de s'adapter aux contraintes matérielles du tournage (difficulté à trouver de la pellicule dans une industrie en ruine), et d'un choix esthétique, politique et moral (tourner le dos aux tournages en studio de la période fasciste, parler à partir d'un pays vaincu, filmer à hauteur des personnages, du peuple, et inventer la version rossellinienne du « néoréalisme italien »).
10) *** DEPUIS QU'OTAR EST PARTI (Julie Bertuccelli, 2003)
Géorgien parti vivre en France, Otar tombe d'un échafaudage et meurt. Sa sœur et sa nièce, restées à Tbilissi, apprennent la nouvelle, mais la cachent à sa mère... Le film était un gros coup de cœur à sa sortie. Et, à la deuxième vision, cet enthousiasme apparaît toujours justifié. Les rapports entre ces trois générations de femmes sont d'une grande justesse. L'interprétation de Dinara Droukarova, Nino Khomassouridze et Esther Gorinthin, pour les citer par âge croissant, est au diapason, formidable. Et ce premier film de fiction de Julie Bertuccelli, réalisatrice remarquée par ses documentaires, en dit beaucoup en passant, l'air de rien...
9) *** QUELLE JOIE DE VIVRE (René Clément, 1961)
Ulysse et un copain de régiment, sans emploi, s'installent à Rome en espérant y trouver du travail. On est en 1921. Des Chemises noires leur confient la mission de localiser une imprimerie de tracts antifascistes. Ulysse la trouve, et y rencontre une famille d'anarchistes, dont la fille de l'imprimeur, qu'il tente de séduire... Un an seulement après Plein soleil, René Clément tourne une nouvelle fois avec Alain Delon, mais s'essaie à un genre qu'il n'avait pas encore essayé : la comédie italienne. Méconnu, ce film est pourtant une pépite. Une comédie politique certes bourrée d'invraisemblances, mais avec un humour farfelu et satirique plein de finesse, et une mise en scène aérienne.
8) *** STROMBOLI (Roberto Rossellini, 1950)
Grand film charnière entre la trilogie « néoréaliste » et les films tournés avec Ingmar Bergman, libérée des studios hollywoodiens. Dans ce premier film qu'elle tourne pour Rossellini, l'actrice incarne une réfugiée lituanienne qui a tout perdu pendant la guerre. Pour échapper au camp d'internement, elle se marie avec un homme originaire de l'île de Stromboli, et qui retourne s'y installer. Mais la vie est dure... Elle se sent étrangère, regardée avec méfiance par les habitant(e)s du cru, d'autant qu'elle vient d'un milieu social plus favorisé. Des morceaux de bravoure mémorables : la séquence de la pêche aux thons, l'éruption volcanique, et Ingrid Bergman qui part seule à l'ascension du volcan...
7) *** BATAILLE DU RAIL (René Clément, 1946)
Projeté en avant-programme, Ceux du rail, court-métrage documentaire réalisé en 1942 par René Clément, impressionne, sur les métiers du rail, au temps de la vapeur. En particulier, les prises de vue sont assez virtuoses, compte tenu du matériel de l'époque. Bataille du rail, réalisé juste après la guerre, est une sorte de docu-fiction autour de la Résistance, produit avec le concours et/ou l'approbation du CNR et de la SNCF. En suivant une poignée de personnages, il raconte et met en scène les passages de la ligne de démarcation ou encore les sabotages de convois allemands... Là encore, il y a des morceaux de bravoure, à tous les sens du terme. Le film sera récompensé au premier festival de Cannes, en 1946, pour sa mise en scène, mais l'enjeu dépasse largement le seul cinéma...
6) *** PAÏSA (Roberto Rossellini, 1947)
Deuxième film de la trilogie « néoréaliste » de Rossellini, Païsa est divisé en six épisodes indépendants autour de la progression, en 1943-1944, des soldats américains du sud au nord de l'Italie (Sicile, Naples, Rome, Florence, couvent de l'Appenin, et delta du Pô). Cette libération n'est pas du tout triomphale : Rossellini en raconte plutôt les actes manqués, les malentendus ou les tragédies. Le cinéaste semble bénéficier de davantage de moyens que pour Rome, ville ouverte, et affermit son style, toujours en filmant l'humanité qui se cherche, dans les ruines de la guerre.
5) **** VOYAGE EN ITALIE (Roberto Rossellini, 1954)
Le titre renvoie au séjour en Italie d'un couple de rentiers (parasites) anglais, venus dans l'optique de vendre la villa d'un oncle décédé. Leur couple est mal en point. Elle multiplie les visites solitaires dans les musées ou les catacombes. Pendant ce temps, il s'intéresse à certaines femmes (mais pas la sienne). La démarche de Roberto Rossellini est toujours de s'approcher de la vérité des êtres et des choses, sans céder au naturalisme, même s'il y a des séquences presque documentaires (Pompéi, Vésuve). Il fabrique ses plans, sa mise en scène s'attardant notamment aux moindres expressions de George Sanders (raide comme la justice, l'injustice plutôt, méprisant, cassant, odieux) et d'Ingrid Bergman (qui se laisse tant bien que mal davantage imprégner par ce qui l'entoure).
4) **** À NOS AMOURS (Maurice Pialat, 1983)
Suzanne est une jeune fille de 15 ans, qui accepte de coucher avec des hommes, mais pas avec le garçon qu'elle dit aimer. Elle est parfois battue par sa mère ou son frère. Résumer l'accroche est un peu vain, tant il s'agit du contraire d'un film « à pitch », où on irait d'un point A à un point B, en illustrant un problème de société. L'œuvre est plus impressionniste, autour d'une jeune fille qui se cherche (à un moment elle dit à l'un de ses proches avoir beaucoup changé), au sein d'une famille dysfonctionnelle. Même à la deuxième vision, Sandrine Bonnaire continue d'impressionner (extraordinaire débutante). Et Maurice Pialat (le père, avec lequel elle a de rares moments de complicité) et Dominique Besnehard (le frère) (d)étonnent.
3) **** L'ENFANCE NUE (Maurice Pialat, 1969)
François Truffaut a produit ce film, et, de la part de l'auteur des Quatre cent coups, ce n'est pas si surprenant, même si les styles diffèrent. Le premier long-métrage de Maurice Pialat (après de nombreux courts) est implacable, autour de François, un enfant de l'Assistance publique placé dans divers foyers, avant de trouver une plus grande stabilité auprès d'un couple de personnes âgées. Pialat adopte un style naturaliste, au sens le plus fort (l'emploi du terme « naturalisme » est parfois un peu galvaudé), qui en inspirera bien d'autres : les Dardenne notamment (même s'ils sont aussi sous influence bressonnienne). Les personnages sont criants de vérité, issus comme plus tard dans Passe ton bac d'abord de milieux populaires et ruraux. Le film est poignant tout en étant dégraissé (aucun chantage émotionnel).
2) **** THÉRÈSE (Alain Cavalier, 1986)
La vie de Thérèse de Lisieux, qui entre au couvent, à la fin du dix-neuvième siècle (deux de ses sœurs l'ont précédée). À l'intérieur, c'est une dure vie qui commence. Mais Thérèse est idéaliste, perfectionniste, presque gaie dans sa foi, ce qui tranche avec l'austérité du lieu. Alain Cavalier ne prétend pas percer le mystère de ce mysticisme, mais accompagne au mieux Thérèse (Catherine Mouchet, formidable). Il réussit une mise en scène incroyablement intense et pourtant sobre : elle repose sur une attention aux moindres gestes de ses personnages, aux différentes personnalités des pensionnaires ou des membres de la famille, mais aussi par une stylisation extrême, notamment l'absence de décors. Au cinéma, ça ne se fait pas, mais Alain Cavalier le fait, et le spectateur y croit, peut-être bien davantage que dans des reconstitutions trop élaborées. Un prototype très réussi et justement récompensé à Cannes et aux Césars.
1) **** EUROPE 51 (Roberto Rossellini, 1953)
À la suite de la mort de son enfant, qui s'est jeté dans les escaliers, Irène va tenter de surmonter sa propre douleur en s'ouvrant à la souffrance des autres et en tentant de faire le bien... Peut-être l'un des films les plus personnels de Rossellini, qui a perdu un fils jeune, mais il ne saurait être réduit à cela. Sans jamais être satirique ni démonstratif, le film montre la naissance de la conscience sociale (conscience de classe en VO) d'Irène, à laquelle tout s'oppose : son milieu bourgeois, Andrea (le cousin communiste du mari, qui pourtant se démarquait dans les dîners), l'Eglise, la psychiatrie, l'état du monde quelques années après la guerre... Son désaccord avec Andrea sur le travail à l'usine est plus ambigu : incapacité d'en voir l'utilité par une bourgeoise qui n'a jamais eu à travailler, ou incapacité du communiste à voir la part irrémédiable d'aliénation du travail, au nom de la lutte contre le chômage et de l'émancipation par le travail... Ainsi, le film est marqué par son époque (d'où son titre), mais reste d'une grande modernité et actualité. Et Ingrid Bergman, extraordinaire, contribue grandement à la richesse et à la justesse du film.
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