MON FESTIVAL LA ROCHELLE CINEMA 2019
27) ** LA FOLIE DES GRANDEURS (Gérard Oury, 1971)
Au XVIIè siècle, Don Salluste profite de ses fonctions de ministre des Finances du roi
d'Espagne pour s'enrichir, mais la reine réussit à le chasser de la cour. Il choisit de fomenter un
complot en utilisant son valet Blaze, fou amoureux de la reine, pour la compromettre... C'est un
film « gilets jaunes » avant l'heure : satire d'une oligarchie avec ses luttes intestines, ses injustices
fiscales et ses perroquets du pouvoir... Plus sérieusement, c'est une grosse farce qui n'a
évidemment pas la finesse d'un Lubitsch : beaucoup de moyens, beaucoup moins de cinéma. Face
à De Funès, Montand remplaça Bourvil au pied levé et s'en tira très bien.
26) ** HÔTEL (Jessica Hausner, 2005)
Irène débute comme réceptionniste dans un grand hôtel des Alpes autrichiennes. Celle qui
la précédait à ce poste a mystérieusement disparu... Il y a déjà de la recherche formelle dans ce
deuxième long métrage de Jessica Hausner (Lourdes, Amour fou). Sans rien souligner, elle fait
monter une angoisse sourde avec presque rien (bouts de couloir sombre dans lesquels Irène
disparaît entièrement, forêt abritant une grotte tout aussi opaque...). Bon exercice de style, même
si le résultat peut paraître encore étriqué.
25) ** LE GAUCHER (Arthur Penn, 1958)
William Bonney, qui sera surnommé Billy the Kid, est recueilli par un éleveur qu'il
considère comme son père. Lorsque celui-ci est assassiné par des hommes à la solde des notables
de la ville voisine, il ne songe plus qu'à le venger... C'est un biopic (comme on dit maintenant),
mais c'est aussi la première réflexion d'Arthur Penn sur le cycle sans fin de la violence. Pour son
premier film, il livre un western en noir et blanc très classique, même pour l'époque, dans une
forme moins aboutie que pour ses films les plus célèbres (Bonnie and Clyde, Little big man).
24) ** CHRONIQUE D'UNE DISPARITION (Elia Suleiman, 1998)
Elia Suleiman revient au pays. Deux parties : « Nazareth, journal intime » (on retiendra
notamment le monologue de la tante du cinéaste-narrateur) et « Jérusalem, journal politique » (où
un talkie-walkie égaré par un gendarme permet à un personnage de faire vadrouiller jusqu'à
l'absurde une troupe de l'armée israélienne). L'épilogue mêle l'intime et le politique (les parents
qui s'endorment devant la télé qui diffuse l'hymne israélien). Dès son premier long-métrage, Elia
Suleiman tente d'installer son style si singulier (succession sans transition de scènes dérivant vers
le burlesque) mais encore hésitant.
23) ** LARMES DE CLOWN (Victor Sjöström, 1924)
Un brillant scientifique (Lon Chaney) est trahi, avec la complicité de sa femme, par un
riche mécène qui s'attribue le fruit de ses recherches et les présente, à sa place, à l'académie des
Sciences. Alors qu'il tente de rétablir la vérité, l'imposteur le fait passer pour fou et le gifle,
provoquant l'hilarité des académiciens. Humilié, l'inventeur décide de changer de vie, et devient
le clown qui reçoit des gifles. Premier film de la compagnie MGM (avec le lion originel) et
deuxième film de la carrière américaine de Victor Sjöström (rebaptisé Seastrom). La scène
d'humiliation inaugurale va conditionner toute une vie, dans un mouvement cyclique comme la
piste de cirque (symbolisme suggéré par des surimpressions, technique que le cinéaste
affectionne).
22) *** NI VU NI CONNU (Yves Robert, 1958)
Blaireau est un braconnier très adroit, que le garde-champêtre Parju rêve d'attraper en
flagrant délit, alors même qu'il alimente toute la commune en gibier. Fléchard, le professeur de
piano, ne sait pas comment déclarer son amour à la belle Arabella, fan d'acteurs virils (poster de
Brando). Et Guilloche, avocat et directeur d'un journal local, rêve de mettre un terme au mandat
du maire Dubenoit... Le scénario est adapté d'un roman d'Alphonse Allais (L'Affaire Blaireau).
Yves Robert, qui réalisera La Guerre des boutons quelques années plus tard, en fait une fantaisie
qui brocarde gentiment l'autorité. De Funès est agréablement sobre dans le rôle de Blaireau, et les
seconds rôles sont savoureux (Pierre Mondy en improbable directeur d'une prison de rêve, Claude
Rich en amoureux timide et complexé).
21) *** LE CHÂTEAU DES SINGES (Jean-François Laguionie, 1999)
Kom, petit singe malicieux et intrépide, vit perché à la cime des arbres, avec son peuple.
Sous aucun prétexte, il ne doit s'aventurer « en bas » où règne une autre tribu. Mais un jour,
poussé par la curiosité, il se penche un peu trop et la chute est inévitable. Il découvre une société
de singes qui s'estime plus civilisée mais nourrit la même peur de l'étranger... La philosophie de
l'intrigue est assez classique (sur l'ouverture aux autres, sur le caractère relatif de la notion de
civilisation). La forme fait quelques concessions aux règles des productions pour le jeune public
(chansons). Il n'en reste pas moins l'impression d'un travail d'artisan qui veut divertir ses jeunes
spectateurs mais aussi les tirer vers le haut.
20) *** BACK SOON (Solveig Anspach, 2008)
Dans l'espoir de quitter l'Islande avec ses deux fils, Anna décide de vendre son commerce
(de cannabis), son téléphone portable renfermant sa clientèle. Son repreneur lui demande un délai
de 48h pour rassembler l'argent. Pendant ce temps, des concours de circonstances l'amènent à
faire des rencontres inattendues... C'est un road-movie déjanté, comme si les scénaristes euxmêmes
avaient abusé de la fumette. Les situations et les personnages sont tous plus loufoques les
uns que les autres, volailles comprises. En particulier Didda Jonsdottir, poétesse et éboueuse dans
la vraie vie, et muse de Solveig Anspach (elle apparaîtra dans deux films ultérieurs de la cinéaste,
Queen of Montreuil et L'Effet aquatique), est extravagante à souhait.
19) *** LOURDES (Jessica Hausner, 2011)
Christine (Sylvie Testud), jeune femme paralytique, effectue le pèlerinage à Lourdes, sans
trop y croire, dans un groupe encadré par des volontaires de l'Ordre de Malte, et notamment de la
stricte Cécile (Elina Löwensohm). L'un des encadrants (Bruno Todeschini) semble s'intéresser à
Christine et ne laisse pas indifférente Maria (Léa Seydoux), la jeune volontaire qui accompagne
Christine... Jessica Hausner propose une immersion dans un groupe de pèlerins, mais sans
naturalisme : les mouvements des personnages suivent une certaine chorégraphie, dans des plans
souvent fixes. Cette distance crée une ironie, qui s'exerce sur la nature humaine au sein de cette
micro-société (et non pas sur le fait de croire ou de ne pas croire, ce n'est pas une pochade
anticléricale, même si on y entend une blague sur la Vierge Marie).
18) *** IT MUST BE HEAVEN (Elia Suleiman, 2019)
Elia Suleiman continue de cultiver son personnage à la Buster Keaton pour son apparente
placidité (observateur muet, une exception pouvant confirmer la règle), mais le style pourrait tout
aussi bien faire penser à Jacques Tati (incongruité de la composition des plans, humour lent).
Dans une succession de saynètes sans transitions, il propose un triptyque Nazareth / Paris / New-
York. Vu d'ici, le deuxième segment est le plus satirique : fantasme de la ville-mode, obsession
de la sécurité cf défilé de chars devant la Banque de France, ou encore la montée de
l'individualisme, s'asseoir dans un jardin public devenant un jeu de chaises musicales...
17) *** MAN ON THE MOON (Milos Forman, 2000)
Andy Kaufman a créé un one man show qui lui a permis de se faire repérer par un agent.
Il se fait embaucher par la télévision. Mais il est capable, par provocation, de saborder lui-même
ses sketchs ou ses spectacles, prenant toujours le contre-pied de ce que l'on croit attendre de lui...
Difficile de départager avec certitudes les mérites du véritable Andy Kaufman (showrunner le
plus subversif de l'histoire de la télé américaine), de son interprète déjanté Jim Carrey (à
l'élasticité faciale prodigieuse), ou de la mise en scène de Milos Forman, qui en fait un long
métrage cohérent, mais parfois à la limite de la crédibilité (toujours à la lisière du trop). Revu
avec étonnement.
16) *** HANTISE (George Cukor, 1944)
Après l'assassinat non élucidé de sa riche tante Alice, Paula a fui Londres et s'est installée
en Italie. Quelques années plus tard, elle y rencontre un pianiste, Gregory, dont elle tombe
amoureuse. Pour lui faire plaisir, elle accepte de revenir à Londres, et le couple s'installe dans la
demeure familiale restée intacte. Demeure qui intéresse vivement Gregory... En adaptant la pièce
Gaslight de Patrick Hamilton (le titre original renvoie au fait que des variations d'intensité de
lumière indiquent à l'héroïne une présence inconnue dans la maison), George Cukor orchestre une
superbe confrontation entre Charles Boyer et Ingrid Bergman. Autour d'eux gravitent des seconds
rôles marquants : un enquêteur qui en fait une affaire personnelle (Joseph Cotten), les servantes,
une vieille voisine passionnée par les faits divers sanglants. Un classique très minutieux.
15) *** EN DECOUVRANT LE VASTE MONDE (Kira Mouratova, 1978)
Censurée par le pouvoir, Kira Mouratova dut attendre cinq ans avant de tourner ce film
(inédit en France). C'est le premier film en couleurs de la cinéaste, qui met en scène un trio
amoureux entre une ouvrière et deux chauffeurs au sein d'un chantier de construction d'une
nouvelle usine et d'un quartier d'habitation. Le résultat est très éloigné des films de propagande,
et l'héroïne (jouée par Nina Rouslanova, déjà interprète de Brèves rencontres, le premier film
réalisé en solo par la cinéaste) définit le bonheur et l'amour comme par opposition aux discours et
à l'idéologie productivistes. Formellement, le film est très moderne.
14) *** LES AMANTS CRUCIFIES (Kenji Mizoguchi, 1957)
Au XVIIè siècle, Mohei est un brillant employé de l'imprimeur des calendriers du Palais
impérial. O-San, la jeune épouse de son patron, sollicite son aide pour éponger les dettes de sa
famille car son mari est avare. Il accepte et tente de trouver une combine. Un concours de
circonstances amène Mohei et O-San à être soupçonnés d'adultère. Ironiquement, leur fuite
ensemble va effectivement les rapprocher, avant le terrible châtiment qui les attend... Plans-séquences
implacables dans un noir et blanc maîtrisé qui recrée un Japon médiéval cruel et
misogyne (les adultères commis par les épouses sont toujours considérés comme les plus graves).
13) *** LA CHARRETTE FANTÔME (Victor Sjöström, 1921)
Une croyance populaire veut que le dernier mort de l'année, s'il a « péché » dans sa vie
terrestre, conduira jusqu'au Nouvel An suivant la charrette fantôme des futurs défunts. Un 31
décembre, David Holm, ivrogne odieux, meurt juste avant minuit, et se réveille en voyant la
charrette s'arrêter à côté de lui. Il se remémore sa vie, et notamment Edith, une religieuse de
l'Armée du Salut qui lui avait proposé son aide. C'est un conte moral, empreint de religiosité
(adapté d'un roman de Selma Lagerlöf), mais qui est remarquable par sa complexité narrative
(flash-backs dans les flash-backs), par ses effets spéciaux primitifs (surimpressions) et par la
qualité de l'interprétation (dont Victor Sjöström lui-même). Classique du cinéma muet suédois
qui ouvrira au cinéaste les portes d'Hollywood.
12) *** THE TRUMAN SHOW (Peter Weir, 1998)
Truman (Jim Carrey) est depuis sa naissance la vedette d'un show télévisé mais ne le sait
pas. Ses moindres faits et gestes sont filmés. La ville entière est un immense studio de cinéma.
Ses amis, ses collègues et même sa femme sont des acteurs professionnels. Mais, suite à plusieurs
incidents, il finit par se douter de quelque chose... Il y a des films de mise en scène, des films
d'acteurs. Celui-ci est avant tout un film de scénariste (l'un des meilleurs scénarios imaginés par
Andrew Niccol). Sans être géniale ou d'une grande finesse, la mise en scène de Peter Weir, qui a
du métier, se met au service de cette imagination singulière qui brocardait les reality show de
l'époque. Revu avec intérêt.
11) *** SUSPIRIA (Dario Argento, 1977)
Suzy, une jeune ballerine américaine, arrive à Fribourg pour intégrer une prestigieuse
école de danse. L'atmosphère est étrange et inquiétante, et sa colocataire disparaît... Le scénario
est relativement classique, pour un film d'épouvante. Mais ce qui le met un peu au-dessus de la
mêlée, c'est la forme. Vu le sujet, on s'attend à un univers gothique, expressionniste. Le cinéaste
crée au contraire un univers assez baroque, aux couleurs pétantes, dont les variations donnent
parfois la pétoche. David Lynch a dû voir ce film... Argento réussit à répondre aux injonctions
contradictoires de l'épouvante et d'une certaine finesse dans l'exécution (détails d'une grande
richesse).
10) *** NOUS LE PEUPLE (Claudine Bories, Patrice Chagnard, 2019)
Après les parcours difficiles des demandeurs d'asile (Les Arrivants) ou de jeunes
chômeurs peu ou pas qualifiés (Les Règles du jeu), Claudine Bories et Patrice Chagnard suivent
une association d'éducation populaire qui propose à trois groupes de citoyens (des détenus de
Fleury-Mérogis, des femmes solidaires de Villeneuve-Saint-Georges, des lycéen-ne-s de
Sarcelles) des ateliers afin d'écrire une nouvelle Constitution et d'expérimenter un nouveau
rapport à la politique. Ce documentaire passionnant et émouvant questionne aussi la question de
la représentation, en recueillant prioritairement par construction la parole de celles et ceux qu'on
n'écoute pas, et qu'on voit peu, même au cinéma. En ce sens, il complète une trilogie involontaire
amorcée par Ouvrir la voix (Amandine Gay) et J'veux du soleil (Gilles Perret, François Ruffin).
Et mérite le même succès que Demain (Mélanie Laurent, Cyril Dion) ou Merci patron (Ruffin).
9) *** LA FOLLE INGENUE (Ernst Lubitsch, 1947)
1938. La « bonne » haute société londonienne est ébranlée par un écrivain tchèque
persécuté et anticonformiste (Charles Boyer), et une « folle ingénue » (Jennifer Jones) spontanée,
passionnée de siphon, mais pas siphonnée, et peu apte à respecter les convenances... Lubitsch est
toujours aussi virtuose pour manier les allusions et échapper au Code Hays (code de censure qui
fut appliqué de 1934 à 1966). Il livre surtout une satire réjouissante, parfois politique, que le
cinéaste rend aérienne, par son sens mordant des dialogues et des situations. Du grand art dans
son genre.
8) *** LE VENT (Victor Sjöström, 1928)
Une jeune femme rejoint son cousin, avec lequel elle a été élevée, dans le « domaine des
vents » (comme l'indique le deuxième carton du film). Dans cette nature hostile, elle attise la
jalousie des femmes et la convoitise des hommes. Pour y échapper, elle épouse Lige, un modeste
cow-boy. Impressionnant : le film a certainement mobilisé de gros moyens (pour l'époque) même
si le succès public ne fut pas à la hauteur. Le déchaînement des éléments, parfaitement suggéré,
est mis en relation avec le vice d'un personnage qui déclenchera un drame. La réussite artistique
tient aussi à l'interprétation de Lillian Gish, idéalement fragile et forte à la fois.
7) *** BREVES RENCONTRES (Kira Mouratova, 1967 → 1988)
Premier film réalisé en solo par Kira Mouratova en 1967, sorti en France en 1988 au
moment de la Perestroïka, il raconte l'histoire de Maxim, un jeune géologue souvent en
vadrouille, qui est aimé par Valentina, une fonctionnaire territoriale, responsable de la gestion des
eaux et canalisations et souvent confrontée à la corruption des constructeurs, et par Nadia, la
jeune femme de ménage de Valentina. Kira Mouratova interprète elle-même la fonctionnaire, qui
ne connaît pas les liens (asymétriques) qui relient Maxim et Nadia. Le spectateur, lui, est mis
dans la confidence par les souvenirs de l'une et de l'autre, grâce à une narration déconstruite mais
remarquablement fluide et d'une grande modernité.
6) *** LE TABLEAU (Jean-François Laguionie, 2011)
Dans un tableau de maître vivent des personnages divisés en castes hiérarchisées : les
Toupins, entièrement peints et sertis de couleurs éclatantes, les Pafinis, auxquels il manque
quelques touches de couleur, et les Reufs, de simples esquisses. Seuls les Toupins jouissent du
château central. Écoeurés par ces inégalités et ces discriminations, trois de ces personnages vont
partir à la recherche de l'auteur... Sur le fond, un joli conte social mâtiné d'une petite réflexion sur
la peinture et la création artistique. Formellement, l'intelligence du récit, d'une grande finesse, se
double d'une splendeur visuelle. Un grand plaisir pour tous les âges. Revu avec plaisir.
5) **** LA LETTRE ECARLATE (Victor Sjöström, 1926)
En Nouvelle-Angleterre, au XVIIè siècle, la jeune Esther se regarde dans un miroir et
court un dimanche matin, le jour du Seigneur. Devant tant de frivolité (!), des habitants indignés
se plaignent au révérend Dimmesdale. Celui-ci refuse de la punir sévèrement. Il tombe amoureux
de la jeune femme, séparée de son mari depuis des années, et entame une liaison secrète avec
elle. Si cette relation venait à être connue, elle serait condamnée à porter brodée sur elle la lettre
A désignant les femmes adultères... Pour ce drame du puritanisme et de l'obscurantisme religieux,
Victor Sjöström fait appel à Lillian Gish, extraordinaire, et à Lars Hanson, les deux interprètes
qu'on retrouvera dans Le Vent. Grâce à un savoir-faire à tous les étages, un des sommets de la
carrière du cinéaste.
4) **** DOCTEUR FOLAMOUR (Stanley Kubrick, 1964)
Un général devenu fou lance une attaque nucléaire contre l'URSS. Informé de ce coup de
folie par un officier de la base aérienne, le président des USA convoque son état-major au
Pentagone et consulte le docteur Folamour, un ancien physicien nazi chargé de la recherche en
armement. Pendant ce temps, un équipage de B 52 tente d'accomplir la mission ordonnée par le
général... C'est le premier film de Kubrick dont la production est majoritairement britannique, et
on le comprend, tant cette satire de la course aux armements est très audacieuse dans le contexte
de l'époque (deux ans après la crise des missiles de la Baie des Cochons). Le côté farce est
accentué par le triple rôle accordé à Peter Sellers (président américain, officier britannique,
savant allemand). Revu avec plaisir, je ne me souvenais plus de la chute, et pourtant...
3) **** PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU (Céline Sciamma, 2019)
Au XVIIIè siècle, Marianne, une jeune femme peintre (fille de...) est chargée de faire le
portrait à son insu d'Héloïse, une jeune bourgeoise sortie du couvent pour être mariée de force au
fiancé de sa soeur prématurément décédée. Peint selon les règles en vigueur à l'époque, le résultat
est peu probant. Mais les deux jeunes femmes vont se rapprocher... La photographie est
magnifique, mais le film n'est pas académique pour autant : certaines scènes très fortes sont
représentées d'une façon inattendue. Le film ne peut absolument pas se réduire au scénario, primé
à Cannes et par ailleurs effectivement intéressant (sur ces femmes peintres qui ont disparu des
histoires de l'art). C'est peu de dire que Noémie Merlant (décidément une révélation de l'année,
après Les Drapeaux de papier et Curiosa) et Adèle Haenel excellent, leur duo s'ouvrant parfois à
Luana Bajrami (la servante) et Valeria Golino (la mère d'Héloïse), comme si la sororité pouvait
dépasser les clivages de classe.
2) **** LE SAMOURAÏ (Jean-Pierre Melville, 1967)
Jef Costello, dit le Samouraï, est un tueur à gages froid, méthodique. Alors qu'il vient de
liquider le patron d'une boîte de nuit, il croise la pianiste du club, Valérie. Pourtant, cette dernière
prétend ne pas le reconnaître lorsqu'il est suspecté du meurtre par le commissaire chargé de
l'enquête... Le film est haletant (Costello semble traqué par la police comme par les
commanditaires du meurtre), tout en ne cédant jamais à la facilité. Il est aussi épuré que du
Bresson, et aussi géométrique que du Fassbinder (même si les deux univers sont aux antipodes).
On est d'autant plus attentif et sensible à chaque détail, dans l'ambiance sonore comme
lumineuse, que les personnages, et le rôle-titre incarné par Alain Delon en particulier, ne laissent
transparaître aucune émotion explicite. Jean-Pierre Melville à son meilleur.
1) **** LES CONTES DE LA LUNE VAGUE APRES LA PLUIE (Kenji Mizoguchi, 1959)
Dans le Japon du XVIè siècle en proie à la guerre civile, deux hommes quittent leur
village pour la ville, pensant améliorer le sort de leurs foyers, laissant leurs épouses derrière eux.
L'un est potier et ne pense qu'à faire fortune, tandis que l'autre est paysan et rêve de devenir
samouraï... C'est une sorte de fresque qui oscille entre crudité réaliste et poésie fantastique, entre
illusions et désillusions. Le noir et blanc est soyeux (mention spéciale aux brumes du lac de
Biwa). Préférant cadrer à distance les acteurs, chaque plan est composé comme un tableau. Je l'ai
d'abord découvert sur le petit écran et beaucoup aimé dès cette vision, mais le grand écran lui
apporte une limpidité supplémentaire, et donne toute sa dimension aux sortilèges de ce conte
moral cruel. Revu avec plaisir.
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