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Festival de La Rochelle 2017

MON FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE LA ROCHELLE 2017


28) ** BARBARA (Mathieu Amalric, 2017)

Une actrice s'apprête à jouer Barbara, et tente de s'imprégner du personnage. Son
réalisateur aussi, par ses rencontres, par le travail d'archives... Dans le débat entre classicisme et
modernité qui anime parfois les cinéphiles, Mathieu Amalric a clairement choisi la seconde, au
risque de limiter le potentiel populaire du film. Vent debout contre les formes convenues du
biopic, il emprunte la voie, souvent empruntée également, de la mise en abyme. Ici, pas d'intrigue
clairement établie, mais une sorte de fusion progressive entre Jeanne Balibar, Brigitte (l'actrice
qui répète le rôle de Barbara) et bien sûr Barbara elle-même. Film impressionniste pour les uns,
superficiel pour d'autres, en réalité intéressant mais un peu vain, ne pouvant rivaliser avec une
réelle modernité, celle, intemporelle, de la chanteuse.

27) ** L'HOMME QUI EN SAVAIT TROP (Alfred Hitchock, 1934)

Dans les Alpes suisses, Bob et Jill Lawrence, un couple d'Anglais, et leur fille Betty font
fortuitement la connaissance d'un agent secret français, qui leur annonce l'imminence du meurtre
d'un ambassadeur étranger en visite à Londres, lors d'un concert à l'Albert Hall. Pour les réduire
au silence, les criminels enlèvent Betty... Quand on a vu la version américaine tournée 22 ans
plus tard, cette version anglaise paraît un brouillon de l'autre. L'interprétation, très correcte, n'est
pas en cause. Mais du fait de sa durée beaucoup plus courte, les rebondissements paraissent plus
téléphonés, et le final moins convaincant. Mais l'esprit des deux films est différent : la version de
1934 est plus à froid, mais avec un certain humour (badinage à la station de ski, passage chez le
dentiste), alors que celle de 1956 est plus épique et spectaculaire.

26) ** LE SACRIFICE (Andreï Tarkovski, 1986)

Le premier quart d'heure est sidérant de beauté : superbes lents travellings où on voit un
père et son fils muet planter un arbre tandis qu'un facteur arrive et lance une discussion
philosophique. L'intensité formelle se poursuit avec une chorégraphie entêtante des personnages
dans la maison où le père reçoit, à l'occasion de son anniversaire. Puis, peu à peu, le film semble
entrer dans un trou noir mystique, avec images très sombres et raisonnements très pieux à base de
sacrifice pour se sauver d'une catastrophe. Dans son dernier mouvement, le film semble boucler
la boucle, et retomber sur ses pattes. Tarkovski, qui se savait malade, a probablement voulu
réaliser un film-somme, déroutant, avec une grande importance des 4 éléments (eau, air, terre,
feu). L'intitulé du prix reçu à Cannes en épouse l'ambition: grand prix spécial du jury...

25) ** ZORBA LE GREC (Michael Cacoyannis, 1965)

Basil, un jeune écrivain britannique, arrive en Crète pour prendre possession de l'héritage
paternel (une mine de lignite à exploiter). Il rencontre Zorba, un Grec exubérant qui va lui servir
de guide... Ce n'est pas un film de mise en scène, même si plusieurs scènes impressionnent, mais
plutôt une histoire d'amitié qui joue sur les contrastes, un film d'acteurs, qui n'hésitent pas à
cabotiner (dans ce registre, Anthony Quinn est impressionnant). La fin est restée célèbre, sur une
musique de Mikis Theodorakis...

24) ** RÉVOLUTION ÉCOLE 1918 – 1939 (Joanna Grudzinska, 2016)

Il s'agit essentiellement d'un documentaire d'archives qui permet de remonter aux origines
des pédagogies alternatives (Freinet, Montessori, Steiner...). Elles sont nées au lendemains de la
Première Guerre mondiale, lorsque des pédagogues européens mettent en cause les méthodes
d'enseignement alors utilisées, verticales, dogmatiques, véritables apprentissages de la
soumission, un des éléments explicatifs selon eux de la grande boucherie. Ces nouvelles
pédagogies s'inspirent d'expériences auprès de déficients mentaux et sont influencées par la
psychanalyse naissante. Les pionniers voulaient former une internationale, mais ne restèrent pas
très longtemps à l'écart des puissantes idéologies de l'époque. Ce travail d'archives est livré dans
un bel écrin (correspondances lues par des voix remarquables comme Mathieu Amalric ou Eric
Caravaca). Mais le commentaire en voix off en reste aux grandes lignes, ne s'embarrasse pas trop
de nuances, et est assez dirigiste, finalement. Une forme contradictoire avec le fond, qui tient
peut-être à son origine télévisuelle (diffusé sur Arte en septembre 2016, le documentaire est
inédit en salles).

23) ** UN FLIC SUR LE TOIT (Bo Widerberg, 1977)

Stig Nyman, un flic hospitalisé à la suite d'une intervention chirurgicale, est assassiné
dans sa chambre. L'inspecteur Beck et son équipe, chargés de l'enquête, découvrent que Nyman
s'était rendu coupable de nombreuses brutalités... Après de très grands films sociaux comme
Adalen 31 (1969) ou Joe Hill (1971), Bo Widerberg réalise un polar à fort caractère sociologique
sur le milieu de la police. Le rythme et la mise en scène en souffrent un peu, même si on sent
l'influence de certains de ses collègues américains de l'époque (Friedkin, Lumet), notamment
dans un final assez spectaculaire.

22) ** VIDÉOGRAMMES D'UNE RÉVOLUTION (Andrei Ujica, Harun Farocki,1992, inédit)

Andrei Ujica est un cinéaste original qui se nourrit presque exclusivement des images des
autres (à part quelques vues spatiales dans Out of the present). Avec Harun Farocki, il livre ici un
montage d'un certain nombre de vidéos de diverses natures (télévision roumaine, vidéos
amateures) retraçant, par ordre chronologique, la chute du régime de Ceaucescu, des
manifestations du 20 décembre 1989 à l'exécution du dictateur, six jours plus tard. Le film
montre, entre autres, l'importance stratégique, pour les révolutionnaires, d'avoir repris le contrôle
de la télévision, et est en creux une réflexion sur l'image des régimes et les régimes d'images...

21) ** SAUDADE (Katsuya Tomita, 2012)

Seiji travaille sur un chantier particulièrement difficile de Kôfu, une petite ville touchée
par la crise économique, et se lie d'amitié avec un jeune ouvrier... Le film a le mérite de montrer
le Japon comme on le voit peu au cinéma, se déroulant dans le milieu ouvrier (chantiers du
bâtiment) et des outsiders (immigré-e-s thaïlandais-es ou brésilien-ne-s), avec leur contre-culture
(rap, capoeira). Multipliant les personnages, c'est un film choral long, mais jamais lent, moderne
sur le plan cinématographique, mais politiquement critique sur les ravages de la « modernité »
néolibérale.

20) *** LA VÉRITÉ SUR BÉBÉ DONGE (Henri Decoin, 1952)

Élisabeth Donge, dite Bébé, a empoisonné son époux, François Donge, un riche industriel
amateur de femmes. Ils se sont mariés dix ans plus tôt, mais Bébé a beaucoup souffert du
comportement de François. Sur son lit d'hôpital, ce dernier revit les moments clefs de sa vie avec
Bébé, et commence à comprendre ses erreurs... C'est une adaptation réussie d'un roman de
Simenon, avec des dialogues incisifs de Maurice Aubergé (qui n'a visiblement pas fait de
complexes vis-à-vis de Michel Audiard ou Henri Jeanson). Et c'est bien sûr, avant tout, une
rencontre entre deux monstres sacrés (Danielle Darrieux, Jean Gabin), qui relança définitivement
la carrière du second.

19) *** JEUNE ET INNOCENT (Alfred Hitchcock, 1937)

Un couple se dispute pendant une nuit d'orage. Le lendemain, le corps de la femme est
retrouvé sur la plage par Robert Tisdall, un proche. Celui-ci est fait coupable, car la ceinture qui a
servi à étrangler la victime semble provenir de son imperméable, qu'il affirme s'être fait voler.
Parvenant à s'enfuir, le jeune homme est aidé par Erica, la fille du commissaire chargé de
l'enquête... Un des thèmes favoris d'Hitchcock, celui du faux coupable. Si l'intrigue est sans
surprise (mais plaisante), elle permet de nombreuses pointes d'humour. La scène où la caméra
part du plafond pour aller démasquer le véritable criminel restera dans les mémoires (c'est la
seule dont je me souvenais avec précision). Revu avec plaisir.

18) *** THIS IS MY LAND (Tamara Erde, 2016)

Au début de son film, la réalisatrice israélienne Tamara Erde confie que lorsqu'elle était
jeune, elle se fiait à l'histoire de son pays racontée à l'école, était patriote, et ignorait tout de
l'histoire palestinienne et de l'occupation. Plus tard, elle a commencé à douter. C'est l'origine de
ce documentaire sur l'enseignement de l'Histoire dans différentes écoles du pays : israéliennes,
palestiniennes, ou mixtes (où c'est un couple de professeurs, l'un israélien, l'autre palestinienne,
qui assure le cours). La matière est riche, et si la réalisatrice est venue écouter des deux côtés, elle
ne se range pas pour autant dans une neutralité confortable qui occulterait la réalité, notamment
des rapports de force. Elle montre au contraire que le conflit influe sur la façon d'enseigner.

17) *** 120 BATTEMENTS PAR MINUTE (Robin Campillo, 2017)

Au début des années 1990, alors que le sida tue depuis une dizaine d'années, les militants
d'Act Up – Paris multiplient les actions pour lutter contre l'indifférence générale. Nouveau venu
dans le groupe, Nathan va être impressionné par la radicalité de Sean... Dans ce troisième film en
tant que cinéaste de Robin Campillo, tout ce qui tient de la reconstitution du militantisme d'Act
Up – Paris est très réussi. On y est. Quand l'intrigue se ressert autour d'une histoire d'amour à
durée déterminée, l'émotion suscitée reste contenue, car on sait dès le départ quelle direction cela
va prendre, sans qu'il y ait surcroît de style (le film joue à fond le registre du cinéma-vérité, à
l'opposé des Revenants, son premier film très stylisé). Avec des enjeux analogues, Olivier
Ducastel et Jacques Martineau avaient frappé plus fort dans Jeanne et le garçon formidable, avec
un formidable travail sur le hors-champ. Heureusement, ici, un ultime pied-de-nez rehausse le
tout in extremis. Grand-prix au dernier festival de Cannes.

16) *** LA CORDE (Alfred Hitchcock, 1950)

Suivant les enseignements de Rupert Cadell, deux étudiants tuent un de leurs camarades,
puis cachent le cadavre dans une malle, avant de convier la famille de la victime et leur
professeur à une réception... C'est le premier film en couleurs d'Alfred Hitchcock, réalisé en 1948
et constitué (sauf exception qui confirme la règle) de huit plans-séquences de 10 minutes (la
durée de défilement d'une bobine dans la caméra). Cette volonté de donner l'illusion d'un
tournage en continu sert ici à éprouver l'unité de temps et l'unité de lieu (récemment, dans
Birdman, Inarritu donne l'illusion d'un plan unique sans qu'il y ait unité de temps). Un huis-clos
réussi, avec d'excellents mouvements de caméra lorsque Cadell (James Stewart) explique ce qu'il
a compris : plan sans personnages mais dans lequel le spectateur projette mentalement l'action
telle que comprise par Cadell...

15) *** LES TRENTE-NEUF MARCHES (Alfred Hitchcock, 1935)

Canadien installé à Londres, Richard Hannay assiste à un spectacle lorsqu'un coup de feu
provoque une panique générale. Annabella Smith, la jeune femme qui l'a déclenchée, le supplie
de l'héberger. Elle se dit espionne, pourchassée par une mystérieuse organisation, les Trente –
Neuf Marches... Certes, il ne faut pas trop gratter derrière pour s'interroger sur la vraisemblance
de tout ça. Mais cela n'empêche pas le film d'être un excellent divertissement, dans une époque de
tension entre les nations, grâce à la variété des épreuves traversées, qui s'enchaînent à un rythme
soutenu, et aux fréquentes ruptures de ton et changements de registre (voir par exemple le héros
passer une partie de l'action menotté à une femme malgré lui). Redécouvert avec plaisir (14 ans
après la première vision selon mes archives).

14) *** L'ATELIER (Laurent Cantet, 2017)

Pendant l'été 2016, à La Ciotat, une demi-douzaine de jeunes ont choisi pour stage
d'insertion sociale un atelier d'écriture, où ils tentent d'écrire un roman policier avec l'aide
d'Olivia, une romancière reconnue. L'intrigue du roman doit se situer dans cette ville chargée
d'histoire (notamment par les chantiers navals fermés depuis 25 ans). Antoine, l'un des jeunes,
traversé par une violence pas toujours contenue, ne l'entend pas ainsi. Intriguée, Olivia va de plus
en plus s'intéresser à lui... Le cinéaste n'a pas son pareil pour filmer les rapports complexes entre
individus et groupes. Les scènes de travail sont aussi vivaces que celles de Entre les murs (même
si elles sont plus posées : les stagiaires sont plus âgés et volontaires, le rapport avec la formatrice
n'est donc pas le même). Dans la dernière partie, il y a une ou deux scènes un peu moins
crédibles, même si elles sont validées a posteriori par les scènes qui suivent...

13) *** ENTRE LES MURS (Laurent Cantet, 2008)

Chronique d’une année scolaire d’une classe de quatrième dans un collège du 20è
arrondissement. Neuf ans après la première vision, on se surprend à être complètement happé par
le film, grâce à un sens du cadre et un montage qui donnent l'impression que chaque scène est
prise sur le vif. À sa sortie, le film a eu droit à des interprétations très contradictoires. Ces
différences de perception montrent la richesse du film, bien que celui-ci n'oublie jamais d'être un
objet de cinéma (ce n'est pas un reportage, mais une fiction qui se nourrit des erreurs, difficultés,
contradictions ou confrontations des personnages). Revu de façon plus intense que prévu.

12) *** LA DIVINE (Wu Yonggang, 1934)

Après s'être laissée séduire par les lumières de la grande ville de Shanghai, une jeune
mère est contrainte de faire le trottoir afin de pouvoir élever son fils. Celui-ci grandit et entre à
l'école. Mais lorsque les autres parents d'élèves découvrent de quel milieu il vient, ils font
pression sur le directeur de l'établissement pour exiger son renvoi immédiat... C'est un excellent
muet chinois, au sujet osé pour l'époque. Comme l'exige le genre, les images sont très parlantes,
même pour suggérer ce qui reste hors-champ. Le film doit évidemment beaucoup à Ruan Lingyu,
son inoubliable actrice principale, qui se suicidera un an plus tard, à l'âge de 25 ans. La réussite
du film, à mes yeux, confirme le fait selon lequel j'ai tendance, parmi les films du début des
années 1930, à préférer les derniers joyaux du muet aux premiers films parlants...

11) *** CHANTAGE (Alfred Hitchcock, 1929)

Frank Webber est inspecteur de police à Scotland Yard. Un jour, au restaurant, il se
dispute avec sa fiancée Alice, et ils se séparent. Peu après, la jeune fille accepte de suivre un
artiste – peintre dans son atelier. Lorsque celui-ci tente de la violer, elle se défend et finit par
poignarder son agresseur. C'est Frank qui est chargé de l'enquête... Le film existe en deux
versions : muette et sonore. Hitchcock l'a conçu ainsi dès le tournage, alors que les producteurs
hésitaient. Il s'agit donc historiquement du premier film sonore britannique. Mais la version
muette fonctionne très bien. Déjà à cette époque, Hitchcock prend plaisir à jouer avec les
spectateurs : la tentative de viol et de meurtre sont hors-champ, même si apparaissent à l'écran
des détails très évocateurs. Et l'histoire est d'une grande ambiguïté morale (différents niveaux de
culpabilité et de victimes). Savoureux.

10) *** CARRÉ 35 (Eric Caravaca, 2017)

Le Carré 35 du titre désigne l'emplacement de la tombe de la soeur aînée d'Eric Caravaca,
morte à l'âge de trois ans, qu'il n'a jamais connue, et dont les parents n'avaient gardé aucune
photographie... Le documentaire d'Eric Caravaca est donc une enquête sur sa propre famille, mais
il sait nous la raconter comme s'il s'agissait de notre propre famille ou d'une fiction à suspense.
L'exercice est assez analogue à celui qu'avait réussi Mariana Otero (Histoire d'un secret, 2003),
dans la mesure où l'intime rejoint l'universel et où l'histoire familiale croise la grande Histoire,
collective, politique. Une enquête très touchante, bien menée, qui sait ménager des respirations,
et où pudeur et frontalité se rejoignent harmonieusement...

9) *** SOLARIS (Andreï Tarkovski, 1974)

Kris Kelvine, un scientifique russe, est envoyé en mission sur la station orbitale de
Solaris, une planète mystérieuse entièrement recouverte par un Océan. Avant son arrivée,
d'étranges phénomènes s'y sont produits. Une femme lui apparaît, et il croit reconnaître le double
de sa propre femme, suicidée quelques années plus tôt... Selon Woody Allen, l'éternité c'est long,
surtout vers la fin. Ici, c'est la première partie qui paraît longue, mais elle permet de mettre en
place la suite. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, d'un côté le film ne s'écarte pas de la
trame scénaristique connue, mais d'un autre côté la puissance cinématographique de Tarkovski
nous fait croire que chaque scène, chaque plan est imprévisible. Tout en déjouant les attentes des
spectateurs de SF classique (par exemple, pas une seule image de maquette spatiale...).

8) *** 5 CAMÉRAS BRISÉES (Emad Burnat, Guy Davidi, 2013)

Les cinq caméras brisées du titre sont celles utilisées successivement par Emad Burnat,
petit paysan de Cisjordanie, pour filmer sa famille et la lutte de son village contre l'édification du
mur de séparation par les Israëliens. Le mur spolie surtout Bil'in, le village, de la moitié de ses
terres, notamment agricoles. Grâce à son dispositif, les caméras successives captent ce qu'on sait
mais qu'on n'a pas l'habitude de voir, ce qui se passe en toute impunité quand les journalistes sont
partis. La totale immersion permet de mesurer l'oppression de la colonisation israélienne, leurs
méthodes, alors qu'on s'attache aux personnages clés de la résistance du village, leur courage, leur
sang-froid (ils s'en tiennent la plupart du temps à la non violence, malgré la cruauté de l'armée),
tout comme à la famille d'Emad Burnat, et à leur sort pendant les 5 années de tournage (les
premiers mots de son plus jeune fils...). Un document exceptionnel. Revu avec émotion.

7) *** OUT OF THE PRESENT (Andrei Ujica, 1997)

Dès les premières images, on décolle. Une caméra 35 mm a été embarquée dans l'espace
pour filmer notamment une spectaculaire arrivée à la station Mir. Le reste du documentaire est
plus fidèle à la manière d'Andrei Ujica, qui fait des films à partir d'images tournées par d'autres. Il
a réalisé un montage de 92 minutes (la durée exacte d'une rotation de la station autour de la
Terre) à partir de 280 heures de vidéo tournées par les cosmonautes eux-mêmes en 1991, hors du
temps (certains d'entre eux partirent d'URSS et atterriront en Russie, après le putsch de Boris
Eltsine à Moscou, événement évoqué au moyen de films amateurs). L'anecdotique, le concret de
la vie quotidienne dans la station côtoient une dimension presque épique sur notre condition
humaine et terrienne (les images sont plus émouvantes que celles de Gravity, car ce sont des
prises de vues réelles). Après la projection, on reste en apesanteur pendant un bon moment...

6) **** STALKER (Andreï Tarkovski, 1981)

Au milieu d'un pays indéterminé mais misérable, se trouve la Zone, région mystérieuse et
dangereuse, interdite, fermée et gardée militairement. Elle serait née de la chute d'une météorite,
il y a bien longtemps. Seuls les Stalkers, des passeurs, bravent l'interdiction et s'y aventurent.
L'un d'entre eux conduit un écrivain et un scientifique jusqu'à une chambre, où, dit-on leurs désirs
secrets seront exaucés... Bien sûr ce n'est pas de la science-fiction à l'américaine, mais le film
n'est pas aussi lent que dans mon souvenir. Les images sont fascinantes, et Andreï Tarkovski sait
créer une tension sans accélérer le rythme (par exemple lorsque l'un des trois personnages part en
éclaireur dans un passage inquiétant, le sentiment de danger est décuplé par le fait que chaque pas
est accompagné d'un son nouveau, matérialisant les périls de perpétuelle mutation des lieux). Et il
exploite toutes les implications philosophiques de son solide scénario (adapté de leur propre
roman par les frères Strougatski). Je hausse mon appréciation initiale (de « Bien » à « Bravo »)...

5) **** RESSOURCES HUMAINES (Laurent Cantet, 2000)

Franck, 22 ans, étudiant d'une grande école de commerce, revient chez ses parents le
temps d'un stage dans l'usine où son père est ouvrier depuis 30 ans. Affecté aux Ressources
humaines, il prend très à coeur sa tâche, jusqu'à ce qu'il découvre à quoi son travail va servir...
Depuis sa sortie, on a vu d'autres films sociaux, mais ils n'ont pas fait vieillir celui-ci, dont
l'intérêt ne se limite pas aux mémorables rapports père – fils. Laurent Cantet prend le temps de
s'intéresser au monde du travail (ouvrier) et aux rapports sociaux de production. Sa brûlante
actualité, 17 ans plus tard, permet de démonter certains discours faciles (« C'est la faute aux 35h /
à l'euro etc
»). La « consultation » des salarié-e-s comme contournement des syndicats et
diversion face aux restructurations déjà décidées est un bel exemple d'anticipation du macronisme
contemporain... Appréciation maintenue à « Bravo ».

4) **** FENÊTRE SUR COUR (Alfred Hitchcock, 1955)

Reporter photographe, Jeff (James Stewart) est immobilisé à la suite d'une fracture de la
jambe. C'est l'été, et pour tuer le temps, il épie par la fenêtre ses nombreux voisins. Ses
observations l'amènent à soupçonner que l'un d'entre eux a assassiné sa femme. Petit à petit, il
arrive à partager sa curiosité avec sa bonne (Thelma Ritter) et son amie (Grace Kelly) à laquelle il
tente de résister... Voir ce film sur grand écran permet d'apprécier davantage encore la mise en
scène remarquable : utilisation très efficace des décors (avec certains plans en split screen
naturel) et des objectifs de la caméra, pour une délicieuse histoire criminelle doublée d'une des
plus célèbres et réjouissantes mises en abyme de l'histoire du cinéma (le voyeurisme de Jeff est
aussi celui du spectateur). Revu avec plaisir (appréciation maintenue à « Bravo »...).

3) **** UNE FEMME DISPARAÎT (Alfred Hitchcock, 1938)

Dans le train qui la ramène des Balkans à chez elle à Londres, Iris fait plus ample
connaissance avec Miss Froy, une charmante vielle dame. Or celle-ci disparaît pendant le
sommeil d'Iris : à sa place se trouve une autre dame, habillée de la même façon. Et aucun
passager du train ne se souvient de Miss Froy. Seul Gilbert, un musicien entreprenant, accepte
d'aider la jeune femme dans son enquête... C'est un film jubilatoire, à redécouvrir absolument : je
ne me souvenais plus du long prologue, assez irrésistible, dans l'hôtel où les futurs passagers du
train doivent passer la nuit. Mine de rien, ces scènes permettent de caractériser certains
personnages. L'histoire à suspense, réalisée sans temps mort, n'empêche pas Hitchcock de
distiller beaucoup d'humour. Une réussite qui n'a rien à envier aux grands classiques américains
tournés par la suite. Revu avec enthousiasme (appréciation personnelle passant de « Bien » à
« Bravo »).

2) **** L'ENFANCE D'IVAN (Andreï Tarkovski, 1963)

Orphelin depuis l'extermination de sa famille par les nazis, Ivan, 12 ans, est mû par le
désir de se venger. C'est pourquoi il est recueilli par un régiment de l'armée russe qui lui confie
un rôle d'éclaireur... Remplaçant un autre réalisateur prévu pour tourner le projet, Andreï
Tarkovski frappe fort dès son premier film. À sa place, un réalisateur lambda aurait peut-être fait
quelque chose d'un peu académique sur un enfant à l'intérieur de la guerre, alors que Tarkovski
filme plutôt la guerre à l'intérieur d'un enfant (comme l'a fait justement remarquer Sartre à la
sortie du film). Probablement le long-métrage le plus classique de Tarkovski (à mon avis les plus
réfractaires au style futur du cinéaste peuvent l'apprécier), mais déjà très puissant. Bien que tout
juste sorti du VGIK (son école de cinéma), il imposa les scènes de rêve, et une fin qui tourne le
dos à celle envisagée par l'ancienne équipe du film (et c'est tant mieux). Dès les premières scènes,
la très forte personnalité d'Ivan crève l'écran : on jurerait qu'il est à l'image de Tarkovski
impatient de faire partie des plus grands.

1) **** LA MORT AUX TROUSSES (Alfred Hitchcock, 1959)

À la suite d'une méprise, Roger Thornill, quinquagénaire à la vie paisible, est confondu
avec un certain George Kaplan par un groupe d'espions à la solde d'une puissance étrangère. Il est
enlevé, et sa vie bascule. Un second quiproquo, et le voici qui passe pour un assassin... Je ne sais
s'il faut croire mes archives personnelles (selon lesquelles je n'aurais jamais vu ce film au cinéma
auparavant). Mais le film, qui m'avait donc déjà impressionné sur le petit écran, est idéalement
servi par le grand. Dès le début du film (et contrairement à d'autres Hitchcock qui se mettent en
route progressivement), les scènes d'anthologie se succèdent : il n'y a pas seulement celle de
l'avion en rase campagne ou le final dans la Monument Valley, voir par exemple une scène de
conduite en état d'ivresse, une autre scène de tension qui a pour théâtre une vente aux enchères...
La musique de Bernard Hermann, d'une efficacité redoutable mais jamais surplombante, est aussi
géniale que le scénario d'Ernest Lehman et la mise en scène d'Hitchcock. Un chef d'oeuvre du
cinéma de divertissement. Note (maximale) maintenue.

Version imprimable | Festival de La Rochelle | Le Jeudi 03/08/2017 | 0 commentaires




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