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Festival de La Rochelle 2014

Jean-Jacques Andrien / Howard Hawks / Midi Z / Pippo Delbono / animation tchèque / Bernadette Lafont / Hanna Schygulla / Muets soviétiques / Bruno Dumont

MON FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE LA ROCHELLE 2014


23) ** LE GRAND PAYSAGE D'ALEXIS DROEVEN (Jean-Jacques Andrien, 1981)

Dans la campagne des élevages bovins et de l'exploitation laitière de l'Est de la Belgique
(également théâtre de son documentaire Il a plu sur le grand paysage, réalisé trente ans plus
tard), Jean-Jacques Andrien filme le paysage physique et mental de Jean-Pierre (Jerzy
Radziwilowicz). Celui-ci vient de perdre son père, Alexis Droeven (Maurice Garrel, excellent),
éleveur syndicaliste, et reprend contact avec sa tante (Nicole Garcia, à la voix singulière). Un
film fantomatique, mais où la réalité sociale et surtout politique (tension entre francophones et
néerlandophones) s'insère assez peu dans la fiction. Davantage ambitieux que réussi.

22) ** CHERIE, JE ME SENS RAJEUNIR (Howard Hawks, 1952)

Barnaby Fulton (Cary Grant) tente de mettre au point un sérum de rajeunissement. Sans
succès. Jusqu’au jour où un chimpanzé du laboratoire s’amuse à mélanger ses fioles et vide sa
mixture dans le distributeur d’eau. Barnaby s’abreuve sans le savoir de ce produit miracle…
Premières scènes élégantes sur les effets du temps, de la maturité. Ensuite, c'est une surtout une
comédie inégale sur les dégâts provoqués par l'élixir de jouvence. Jerry Lewis fera mieux 10 ans
plus tard avec Docteur Jerry et Mister Love. Bonne interprétation (notamment des chimpanzés).

21) ** LE PORT DE L'ANGOISSE (Howard Hawks, 1945)

En 1940, à Fort-de-France, Harry Morgan est un américain propriétaire d’un bateau et
guide occasionnel pour de riches touristes. Mais sous la pression du propriétaire de son hôtel
(Marcel Dalio) et motivé par sa rencontre avec Mary, une belle aventurière désoeuvrée, il accepte
de faire rentrer clandestinement dans l’île un des chefs de la Résistance… Ce n'est pas le meilleur
film avec le couple Humphrey Bogart – Lauren Bacall, mais ils sont la meilleure raison d'aller
voir le film. Sur le fond, un mélange très américain d'esprit de résistance et d'individualisme...

20) ** C'EST LE BOUQUET (Jeanne Labrune, 2002)

Après Ça ira mieux demain, Jeanne Labrune livre une nouvelle « fantaisie » : ici une
comédie satirique sur une certaine élite parisienne, son hypocrisie, sa fausse érudition minée par
l'esprit de commerce (selon une des protagonistes, Kant bien placé peut aider à vendre dix
moissonneuses-batteuses), ses expressions ridicules ou qui ne veulent rien dire. Et, bien sûr, la
novlangue dominante : « flexibilité », « nouvelle économie »... Un petit film bien servi par
Sandrine Kiberlain, Jean-Pierre Darroussin, Dominique Blanc, Mathieu Amalric...

19) ** ICE POISON (Midi Z, 2014, inédit)

La rencontre dans une petite ville de province birmane d'un jeune paysan ayant dû quitter
sa ferme qui ne le nourrit plus, et d'une jeune femme revenue au pays après avoir émigré en
Chine pour travailler. Le réalisateur Midi Z est très didactique (un peu trop) sur la situation
sociale dans son pays. Formellement de belles images à la composition soignée pour ce sombre
constat sur la jeunesse enfumée...

18) ** UNE FILLE DANS CHAQUE PORT (Howard Hawks, 1928)

À chaque fois que le marin Spike séduit une fille dans un port, un tatouage lui apprend
qu'un certain Bill l'a devancé. Jusqu'au jour où... Louise Brooks, très bien évidemment, est un peu
sous-employée et n'a droit qu'au dernier tiers du film. Ce n'est pas le meilleur Hawks non plus.
Mais le film est assez amusant, surtout quand il est excellemment accompagné par Jacques
Cambra au piano.

17) ** AMORE CARNE (Pippo Delbono, 2013)

Essai inégal, forcément inégal. D'images tournées avec une petite caméra (parfois cachée),
Pippo Delbono en tire un film digne d'un opéra. En ouvrant son film sur la répétition du test du
sida, il fait presque sourire sur sa séropositivité. Grâce à certains de ses amis artistes (la danseuse
étoile Marie-Agnès Gillot, le groupe Les Anarchistes), il tente de réaliser une danse de vie qui
défie la mort. La musique est omniprésente, le texte convoque Rimbaud... Belles séquences avec
sa mère ou avec Irène Jacob.

16) *** LE ROSSIGNOL DE L'EMPEREUR DE CHINE (Jiri Trnka, 1948)

Un petit garçon se rêve empereur de Chine. Dans son merveilleux palais, celui-ci
collectionne toutes sortes de choses. Il lui manque un rossignol, qui paraît-il chante mieux que
personne. Il est guidé dans sa quête par une petite fille (qui ressemble à la petite voisine du
garçon rêveur du début)... Jolie fable, adaptation inventive d'un conte d'Andersen par l'un des
maîtres de l'animation tchèque (en marionnettes). En avant-programme, le court-métrage
Inspiration, réalisé à la même époque par un autre maître, Karel Zeman, qui anime du verre, est
réellement très inspiré...

15) *** L'AMOUR C'EST GAI, L'AMOUR C'EST TRISTE (Jean-Daniel Pollet, 1968)

Un tailleur pour hommes, Léon (Claude Melki, étonnant acteur burlesque entre Buster
Keaton et Gad Elmaleh), partage avec sa soeur Marie un petit deux pièces. Dans l'une, il reçoit ses
clients, dans l'autre elle (soi-disant cartomancienne) accueille les siens, envoyés par Maxime, son
fiancé... Le film a le mérite de faire redécouvrir Bernadette Lafont jeune (dans le rôle de Marie).
On s'amuse également à reconnaître, surtout à sa voix, Jean-Pierre Marielle, désopilant en
Maxime. Grâce à lui, le film a une truculence qui fait oublier le sordide.

14) *** LE SPORT FAVORI DE L'HOMME (Howard Hawks, 1964)

Roger (Rock Hudson), auteur d’un livre à succès sur l’art de la pêche, doit participer
malgré lui à un concours de pêche. Mais l’homme n’a jamais tenu une canne de sa vie ! Pour ne
pas révéler l’imposture, il n’a pas d’autre choix que de s’adjoindre les conseils pas toujours
avisés de la charmante organisatrice, Abigail Page… Le sujet est on ne peut plus mineur mais
c'est une jolie réussite. Le scénario est mince, mais les dialogues sont épatants et les gags
inventifs dans la meilleure tradition burlesque américaine (presque digne de Buster Keaton, si
si !).

13) *** LILI MARLEEN (Reiner Werner Fassbinder, 1981)

L'histoire de la célèbre chanson et de son interprète, entre adoubement par Hitler et lien
avec un réseau de résistants juifs suisses. Avec de grands moyens de reconstitution historique, la
forme de ce film semble moins personnelle que d'autres films de Fassbinder. Mais le fond est tout
sauf lisse : Willie est manipulée, sa chanson est à la fois l'hymne amoureux des bourreaux et un
symbole de la résistance. Le mélodrame est d'en faire une femme qui cherche à s'émanciper
(avant toute conscience politique), avec toutes les ambiguïtés que déploie Hanna Schygulla dans
son interprétation.

12) *** LES COMBATTANTS (Thomas Cailley, 2014)

Rencontre entre Arnaud (Kévin Azaïs), un jeune menuisier orphelin, et une jeune fille
athlétique obsédée par la survie (Adèle Haenel, une nouvelle fois excellente). Pour son premier
film, Thomas Cailley livre une comédie satirique qui moque à la fois l'armée d'une part, et
l'individualisme d'autre part (titulaire d'un master en économie, la jeune fille semble prendre à la
lettre les robinsonnades des raisonnements libéraux). Il manque peut-être un peu de profondeur à
l'ensemble, mais Thomas Cailley se plaît également à convoquer, toujours avec un humour alerte,
les codes de plusieurs genres cinématographiques.

11) *** MIRACLE AU VILLAGE (Preston Sturges, 1944)

Après une soirée bien arrosée en compagnie de soldats américains qui fêtent leur départ,
la jeune Trudy se découvre mariée et enceinte, sans parvenir à se rappeler de l’identité de
l’heureux élu. Son ami Norval, amoureux d’elle depuis l’enfance, décide de l’aider et lui propose
de l’épouser… Hilarante « screwball » comédie, hyper – rythmée dans les situations comme dans
les dialogues. Mais, derrière le pur divertissement, une satire de l'hypocrisie de la société US de
l'époque. Preston Sturges a déjoué la censure avec brio.

10) *** LE CUIRASSE POTEMKINE (Sergueï Eisenstein, 1925)

Film de commande pour commémorer le 20è anniversaire de la première révolution russe.
Eisenstein reconstitue un épisode épique de celle-ci : la révolte des marins du cuirassé Potemkine,
et ce qui va s'en suivre : la sanglante répression, et la contagion de la révolte... Dans ce film muet
en noir et blanc, Eisenstein apporte à un moment une touche de couleur : le rouge d'un drapeau...
La séquence de l'escalier est mémorable. Sur le fond, le film est très bien, mais la brièveté de
certains plans peut empêcher l'émotion ou le côté spectaculaire de surgir.

9) *** P'TIT QUINQUIN (Bruno Dumont, 2014)

Une série comico – policière, diffusée sur Arte en septembre 2014 en 4 x 52 mn, et qui
réconcilie avec l'oeuvre de Dumont. Sur le fond, le terrain est connu : le Nord, la marginalité, le
Mal... Mais il s'agit d'une enquête improbable et burlesque autour d'étranges crimes aux abords
d'un village côtier du Boulonnais. Et d'une bande de gamins (pas très bien élevés) menée par P'tit
Quinquin et Ève, son amoureuse : belle observation de l'enfance, sans niaiserie aucune. Dumont
insuffle à ses plans implacables une veine comique qui tiendrait à la fois de Tati et de Groland.
Même si le trait est parfois très épais, c'est une belle curiosité et une bonne surprise.

8) *** BANDE DE FILLES (Céline Sciamma, 2014)

Marieme est une adolescente de 16 ans, qui va être de tous les plans (du film) et de tous
les plans de la bande de filles qu'elle va intégrer. Pendant un bon moment, on ne sait pas trop où
l'auteure Céline Sciamma veut en venir (et c'est tout à l'honneur de cette spécialiste du scénario
que de ne pas proposer de rails tout tracés). Et on peut aussi en dire autant du début de chaque
plan emblématique : après Naissance des pieuvres et Tomboy, Sciamma confirme ses talents de
mise en scène. Beau casting (avec que des filles noires, comme dans 35 Rhums de Claire Denis),
musique efficace, mais un poil trop envahissante, de Para One.

7) *** LE VILLAGE DU PECHE (Olga Preobrajenskaia, 1927)

1914, dans le petit village russe de Riazan. Orpheline, Ana vit avec sa tante. Toutes deux
croisent Wassily, un puissant fermier, et son fils Ivan. Anna et Ivan tombent amoureux. Mais
Ivan doit partir à la guerre. Profitant de son absence, Wassily fait des avances à la jeune femme...
Beau travail presque ethnographique sur la vie d'un village russe avant la révolution de 1917.
Remarquables images de moisson. Au niveau intime, Olga Preobrajenskaia, première femme
cinéaste de son pays, réalise un drame pré-féministe sur des sujets tabous, sans aucun moralisme
(le titre français, Le Village du péché, n'est pas des plus heureux), mais la révolte (que cela nous
inspire) n'est pas loin.

6) *** IL A PLU SUR LE GRAND PAYSAGE (Jean-Jacques Andrien, 2014)

En retournant à Verviers, lieu d'une de ses fictions réalisée trente ans plus tôt (Le Grand
paysage d'Alexis Droeven
), Jean-Jacques Andrien réalise l'un des plus beaux documentaires sur
l'évolution contemporaine de l'agriculture. Contrairement à ceux filmés par Depardon, les
agriculteurs qu'il rencontre ne sont pas des taiseux : avec dignité et pudeur, quelle que soit la
taille de leur exploitation, ils sont loquaces (et perspicaces) sur la disparition des quotas laitiers
en 2015, sur les négociations secrètes pour supprimer les droits de douanes (Grand marché
transatlantique, OMC), sur leur attachement au métier et la transmission (la culture paysanne est
une culture de la continuité)...

5) *** AMOUR FOU (Jessica Hausner, 2014)

Berlin, dans la haute société du 19è siècle. Le jeune poète tragique Heinrich souhaite
dépasser le côté inéluctable de la mort grâce à l’amour : il tente de convaincre, en vain, sa
cousine Marie de décider ensemble leur suicide. Henriette, une jeune mariée qu’Heinrich avait
également approchée, semble soudainement tentée par la proposition lorsqu’elle apprend qu’elle
est atteinte d’une maladie incurable... En s'inspirant librement du suicide du poète Heinrich von
Kleist, la cinéaste Jessica Hausner livre une oeuvre à la mise en scène très stylisée (plans fixes,
images d'une beauté étrange et inhabituelle) qui renforce le sentiment d'une noblesse éloignée de
la vraie vie. Excellente interprétation ad hoc. Un film paradoxalement lumineux.

4) *** L'HUMANITE (Bruno Dumont, 1999)

Pharaon de Winter (Emmanuel Schotté), petit-fils du peintre du même nom, vit seul avec
sa mère dans le Nord. Il passe son temps libre à jardiner, à faire du vélo, mais surtout en
compagnie de sa voisine, la sensuelle Domino (Séverine Caneele). Lieutenant de police, il doit
enquêter sur le viol et le meurtre d'une fillette. Ses investigations vont le conduire non seulement
à la recherche du criminel, mais aussi en quête de preuves d'humanité entre les êtres... Une oeuvre
captivante sur la nature humaine, bien que non naturaliste. Les prix d'interprétation à Cannes sont
mérités, d'autant plus que Pharaon de Winter est un personnage extraordinaire. Pas obligé d'être
raccord avec le mysticisme de Dumont pour apprécier le film.

3) **** WINTER SLEEP (Nuri Bilge Ceylan, 2014)

Ayden, comédien à la retraite, tient un petit hôtel de luxe, dans un site remarquable, avec
sa jeune épouse Nihal (qu'il semble ne plus aimer) et aussi Neda, sa soeur récemment divorcée. À
quelques encablures, le village, troglodyte comme l'hôtel, abrite des pauvres, dont des locataires
endettés d'Ayden... Nuri Bilge Ceylan réussit le tour de force de nous intéresser pendant 3h15 à
son trio de personnages principaux, alors que l'homme est assez peu sympathique (un peu comme
dans Les Climats). Ce n'est certes pas le choc des Scènes de la vie conjugale de Bergman
(comparaison peu pertinente), mais les longues confrontations entre Ayden et Nihal ou Neda sont
denses, profondes. Surprise stylistique : le cinéaste d'Il était une fois en Anatolie livre peu de
plans larges, mais beaucoup de champs/contre-champs qui enferment les personnages dans leur
logique propre.

2) **** SILS MARIA (Olivier Assayas, 2014)

À 18 ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, une jeune fille
ambitieuse et trouble qui conduira au suicide une femme mûre, Helena. Vingt ans plus tard, on
propose à Maria de reprendre cette pièce, mais cette fois dans le rôle d'Helena... En grande forme,
Olivier Assayas livre un grand film d'actrices à tous points de vue, mais aussi un hommage à
leurs assistantes. Troublante correspondance entre théâtre et réalité (quelques scènes sont
remarquables de confusion, comme dans Aimer, boire et chanter, le dernier Resnais). Krysten
Stewart est très convaincante, et Juliette Binoche aurait mérité le prix d'interprétation à Cannes.
Très romanesque, le film n'aurait pas dû repartir bredouille non plus.

1) **** L'HOMME A LA CAMERA (Dziga Vertov, 1929)

Comme La Jetée de Chris Marker, programmé l'an dernier, un film un peu au-dessus de
tous les autres, par sa forme notamment. L'histoire d'un homme à la caméra qui filme la vie
quotidienne d'une grande cité soviétique. Un carton au début annonce non sans humour un film
sans scénario ni acteurs. Le résultat est captivant. C'est un film-manifeste à divers niveaux de
lecture. Un prototype (non reproductible) qui bouscule les conventions, avec des prises de vue et
un montage-collage exceptionnels (plans hyper-courts qui pourtant ne fatiguent pas et arrivent à
maintenir l'attention).

Version imprimable | Festival de La Rochelle | Le Jeudi 07/08/2014 | 0 commentaires




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