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Festival de La Rochelle 2011

Jean-Claude Carrière / David Lean / Buster Keaton / Mahamat-Saleh Haroun

MON FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE LA ROCHELLE 2011


24) * LE TAMBOUR (Volker Schlöndorff, 1979)

Le petit Oskar voit le jour à Dantzig, en 1924. A l'âge de trois ans, il refuse de grandir (et
y parvient !), pour fuir le monde des adultes qu'il trouve répugnant. Le début est prometteur, mais
ensuite ça se gâte. On navigue dans une ambiance glauque et des provocations à la limite de la
gratuité, plutôt que dans un surréalisme grinçant. Le jury du Festival de Cannes n'a pas été de
mon avis (Palme d'or 1979, ex-aequo avec Apocalypse now !).

23) * LA VOIE LACTEE (Luis Bunuel, 1969)

Deux clochards, Pierre et Jean, font toutes sortes de rencontres insolites, sur la route de
Saint-Jacques de Compostelle. Le film est constitué de variations sur le dogme catholique et les
hérésies. De bons moments mais l'ensemble est très hermétique. Le cinéaste fera beaucoup plus
accessible et réjouissant ensuite (Le Charme discret de la bourgeoisie, Le Fantôme de la liberté).

22) ** LES BIEN-AIMES (Christophe Honoré, 2011)

Le film commence en 1963 et s'achève en 2008, en suivant l'itinéraire de Madeleine
(Ludovic Sagnier puis Catherine Deneuve) et de sa fille (Chiara Mastroianni). Les personnages
sont plutôt intéressants. Par contre, l'incorporation de moments historiques (intervention des
chars russes après le printemps de Prague, attentats du 11 septembre 2001) paraît forcée. Et
surtout la forme choisie (comédie musicale) ne semble pas d'une impérieuse nécessité
(contrairement aux Chansons d'amour), malgré la signature d'Alex Beaupain pour les chansons.
Christophe Honoré a certes soigné ses références (Demy, Nouvelle vague) mais un peu bâclé son
film.

21) ** L'ALLIANCE (Christian de Chalonge, 1971)

Jean-Claude Carrière, scénariste du film, fait bien l'acteur dans le rôle d'un vétérinaire qui
vit avec une femme rencontrée par une agence matrimoniale (Anna Karina). Entre eux une
méfiance, d'abord infime, va s'installer, au milieu des insectes de laboratoire de son mari qui
envahissent peu à peu la maison... Le film est pas mal, mais avec un tel scénario Dominik Moll
(période Harry, un ami qui vous veut du bien) ou Roman Polanski (période Répulsion) en
auraient fait des merveilles.

20) ** CHAUSSURE A SON PIED (David Lean, 1954)

Un homme veuf et alcoolique passe son temps au bistrot pendant que ses trois filles font
tourner la maison et le magasin de chaussures. L'aînée va essayer de changer les choses en
épousant un ouvrier effacé qu'elle aidera à s'affirmer... Une comédie plaisante, même si certains
passages ont vieilli. A noter dans ce film (récompensé par l'Ours d'or à Berlin) un usage parfois
très ironique de la musique, et de beaux personnages, même si ça cabotine à outrance (Charles
Laughton en tête).

19) ** CET OBSCUR OBJET DU DESIR (Luis Bunuel, 1977)

Dans un train, un bourgeois d'une cinquantaine d'années raconte à un magistrat et à un
nain, professeur de psychologie à domicile (!), son amour pour Conchita, son ancienne femme de
chambre, qui le chauffe tout en se refusant continuellement à lui. L'originalité principale du film
vient du fait que Conchita est interprétée en intermittence par deux femmes fort différentes
(Carole Bouquet et Angela Molina, une espagnole brune). Quelques autres détails loufoques
agrémentent le film, notamment des attentats d'un groupe terroriste improbable (le Groupe Armé
Révolutionnaire de l'Enfant Jésus)...

18) ** LA ROUTE DES INDES (David Lean, 1984)

En 1920, une jeune anglaise se rend en Inde, encore sous domination britannique, pour y
épouser un jeune magistrat. Fuyant l'arrogance des colons, elle part à la découverte de l'Inde
profonde. Sa rencontre avec un médecin indien va être déterminante... C'est la dernière grande
fresque de David Lean, qui ne croit guère au rôle positif de la colonisation... Le personnage de la
belle-mère, très observatrice, que l'on croit secondaire, a en fait une grande importance et est
savoureux.

17) ** L'ESPRIT S'AMUSE (David Lean, 1946)

Lors d'une séance de spiritisme, Charles voit réapparaître Elvira, son ancienne épouse,
morte sept ans plus tôt. Celle-ci, toujours amoureuse de son mari et seulement visible de lui, veut
l'enlever à sa seconde épouse. Le film manque un peu de rythme, et dans le domaine de la
comédie fantastique on a déjà vu mieux, notamment L'Aventure de Mme Muir, réalisé l'année
suivante avec le même acteur principal (Rex Harrison). Mais le film a un certain charme british,
grâce aux interprètes et aux dialogues de Noël Coward.

16) ** CADET D'EAU DOUCE (Charles Reisner, Buster Keaton, 1928)

Après dix ans de séparation, Willy (Buster Keaton) retrouve son père Steamboat Bill,
capitaine d'un bateau à vapeur. Ce dernier constate avec déception que son fils n'est pas adapté à
la carrière de navigateur. De plus Willy tombe amoureux de Mary, la fille du rival de son père...
L'histoire est juste une trame prétexte aux nombreux gags, d'un burlesque classique, mais de plus
en plus spectaculaires. Les effets spéciaux sont excellents pour l'époque et ne se voient pas !

15) *** LA CONTROVERSE DE VALLADOLID (Jean-Daniel Verhaege, TV, 1992)

Dans un couvent de Valladolid, en 1550, deux hommes, le dominicain Las Casas et le
philosophe Sepulveda s'affrontent sur une question fondamentale : les Indiens du Nouveau
Monde (découvert soixante ans plus tôt) sont-ils des hommes comme les autres ?
Exceptionnellement j'ai inclus un téléfilm dans cette recension. C'est parce qu'ici le support choisi
importe peu : cela aurait pu être du cinéma, ou plus sûrement encore du théâtre. Jean-Pierre
Marielle, en défenseur de la cause indienne, et Jean-Louis Trintignant, en philosophe qui veut
naturaliser toutes les dominations, sont excellents. La fin est grinçante.

14) *** LAWRENCE D'ARABIE (David Lean, 1963)

Moyen-Orient, 1916. Encerclée par l'Empire ottoman, l'armée anglaise est en difficulté.
Le lieutenant Lawrence (Peter O'Toole, très charismatique) a une idée : développer le
nationalisme arabe puis l'utiliser contre les Turcs et leurs alliés allemands.... Très spectaculaire, et
pas seulement dans les scènes de combat : toutes les scènes dans le désert sont impressionnantes.
Cela dit, cette grande fresque ne bouleverse pas vraiment.

13) *** DARATT (Mahamat-Saleh Haroun, 2006)

Un vieil homme aveugle confie à Atim, son petit-fils de 16 ans, une mission : aller tuer
celui qui a assassiné le père d'Atim il y a bien longtemps, pendant la guerre civile. Atim retrouve
celui qui tient maintenant une petite boulangerie, et se fait embaucher comme apprenti avec la
ferme intention de le tuer... Très peu de dialogues, tout passe par l'image (et pour les interprètes
par les gestes et les regards). Comme dans Un homme qui crie (prix du jury au Festival de Cannes
2010), l'histoire proposée par le cinéaste tchadien tient de la fable, mais celle-ci est plus
distanciée, moins dure et plus ouverte.

12) *** TOUS AU LARZAC (Christian Rouaud, 2011)

Après l'excellent documentaire Les Lip, l'imagination au pouvoir (2007), Christian
Rouaud revient sur une autre lutte emblématique des années 70 : celle des paysans du Larzac
contre l'extension du camp militaire. Ce nouveau film a à peu près les mêmes qualités que le
précédent, avec le même parti pris de laisser la parole aux protagonistes de la lutte. In fine la
solution politique définitive a été la victoire de la gauche aux présidentielles de 1981... Inspirant
pour certaines luttes actuelles (contre les gaz de schiste ou contre le projet d'aéroport de Notre-
Dame des Landes).

11) *** LA FEE (Dominique Abel, Fiona Gordon, Bruno Romy, 2011)

Le nouveau film des réalisateurs de L'Iceberg et Rumba... Dom est veilleur de nuit dans
un petit hôtel du Havre. Un soir, une femme arrive à l'accueil sans valise, pieds nus. Elle s'appelle
Fiona, elle est une fée, et lui accorde trois souhaits. Dom lui en demande deux, réalisés dès le
lendemain... Difficile de dire autre chose de l'intrigue, qui n'a d'ailleurs pas une importance
capitale et est surtout prétexte à des gags parfois très acrobatiques et sophistiqués. Formellement,
par rapport aux films précédents, on note une mise en scène plus découpée (plus de travellings,
moins de plans-séquences fixes).

10) *** LE JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE (Luis Bunuel, 1964)

Engagée comme femme de chambre au Prieuré, propriété normande de la famille Monteil,
Célestine (Jeanne Moreau) observe les travers de chacun : le caractère « extrêmement vigoureux »
de Monsieur (Michel Piccoli), l'aigreur de Madame, le fétichisme (du pied) du père de cette
dernière. Deux événements vont bouleverser ce petit monde... Dans un superbe noir et blanc, une
comédie de moeurs où la satire sociale n'est jamais loin (surtout que le roman a été transposé dans
l'entre-deux guerres). Début de la fructueuse collaboration entre Luis Bunuel et le scénariste
Jean-Claude Carrière (qui fait ici une apparition amusante en curé).

9) *** HABEMUS PAPAM (Nanni Moretti, 2011)

Après la mort du pape, le Conclave élit son successeur. Les favoris n'ayant pu se
départager, c'est un outsider qui est élu. Mais ce cardinal ne supporte pas le poids d'une telle
responsabilité. On fait appel à un psy... Sans réaliser le film à charge sur le Vatican qu'on attend
de lui, Nanni Moretti filme avec une ironie discrète le choc savoureux entre les dogmes religieux
et la psychanalyse. Il faut dire que c'est Michel Piccoli (impérial !) qui joue le pape défaillant et
Moretti le psy... Sans être aussi magistral que les deux derniers films du cinéaste (La Chambre du
fils
, Le Caïman), celui-ci est d'une grande finesse et très plaisant.

8) *** LE FANTÔME DE LA LIBERTE (Luis Bunuel, 1974)

L'avant-dernier film de Bunuel, et un de ses meilleurs, en tout cas son film le plus libre.
Tour à tour un personnage fait le lien entre deux séquences successives, selon le principe du
cadavre exquis. C'est un film à sketchs surréalistes ou absurdes, où les convenances sociales sont
subverties et où on se demande parfois quelle va être la chute (quand il y en a une). Inégal peut-être
(question de goût) mais quelques scènes irrésistibles.

7) *** MAX MON AMOUR (Nagisa Oshima, 1986)

Peter, diplomate anglais en poste à Paris, a des doutes sur la fidélité de sa femme
(Charlotte Rampling). Ayant engagé un détective privé (Pierre Etaix), il découvre qu'elle loue un
appartement, et que son amant supposé n'est autre qu'un chimpanzé... Le sujet n'est pas la
zoophilie. Il s'agit d'une histoire d'amour, pas d'une histoire de sexe. En toile de fond de ce film
étonnamment juste (vu le sujet), on peut y voir une étude sur le thème nature/culture. L'intérêt
passe aussi par la réaction des autres, le mari en tête (Anthony Higgins) bien sûr, mais aussi de
savoureux personnages secondaires (Fabrice Luchini, Victoria Abril, Sabine Haudepin...).

6) *** FIANCEES EN FOLIE (Buster Keaton, 1925)

Jimmie Shannon découvre que s'il n'est pas marié avant 19h ce jour-là, il perdra la fortune
considérable dont il est l'héritier... Sa fiancée refusant de l'épouser dans ces conditions, il dresse
une liste de sept autres jeunes femmes... Cela commence de façon plaisante, presque sagement,
comme une comédie ordinaire (d'où le titre original Seven chances), puis petit à petit ça bascule
vers un final complètement déchaîné et spectaculaire. Excellemment accompagné au piano par
Jacques Cambra (comme les autres d'ailleurs).

5) *** BREVE RENCONTRE (David Lean, 1946)

Une femme au foyer rencontre un séduisant médecin. Amour impossible entre deux
personnes mariées (avec enfant) de part et d'autre. Derrière la banalité, de belles idées de mise en
scène (grand film d'atmosphère avec d'inoubliables scènes de gare), et de construction (scènes
vues deux fois mais différemment). L'excellence de l'interprétation (Celia Johnson, Trevor
Howard) achève de faire de ce film un grand classique.

4) *** LE CAMERAMAN (Edward Sedgwick, 1928)

Un photographe de rue (Buster Keaton) rencontre Sally, secrétaire à la MGM. Rivalisant
avec un prétendant de Sally, il s'achète une caméra pour se faire engager comme reporter aux
actualités cinématographiques. Il finit par atterrir dans le quartier de Chinatown, en pleine guerre
de gangs... Derrière les nombreuses et irrésistibles trouvailles burlesques, avec notamment un
ouistiti non sans importance, se trouve une satire légère des images d'actualité (déjà !) et du rôle
de la caméra... Admirablement construit et très drôle.

3) *** LE PONT DE LA RIVIERE KWAÏ (David Lean, 1957)

En 1943, des troupes anglaises sont faites prisonniers par l'armée japonaise dans la jungle
birmane. Le colonel anglais Nicholson et ses troupes sont sommés de construire un pont.
Désireux de détourner cet acte de soumission en un symbole de la vaillance des Anglais,
Nicholson devient obsédé par la construction du pont... La progression dramatique sert de
révélateur à l'absurdité de la guerre (le film est une adaptation d'un roman de Pierre Boulle,
l'auteur de La Planète des singes). De belles images de jungle, qui préfigurent celles de La Ligne
rouge
de Malick, et des personnages saisis dans leur complexité.

2) **** SHERLOCK JUNIOR (Buster Keaton, 1924)

Un jeune projectionniste néglige volontiers son travail pour se plonger dans la lecture de
son manuel favori : « Comment devenir détective ». Au cours d'une visite chez sa petite amie, il
est injustement accusé du vol d'une montre... Un Buster Keaton des plus inventifs, avec une
construction scénaristique très sophistiquée : traversée de l'écran originale (différente de celles
proposées soixante ans plus tard par Woody Allen dans La Rose pourpre du Caire), film dans le
film... Les gags sont de véritables prouesses pour ce projectionniste détective amateur à
l'imagination débridée. Génial !

1) **** MELANCHOLIA (Lars Von Trier, 2011)

Première partie : Justine (Kirsten Dunst) se marie et donne une réception dans la
somptueuse propriété de sa soeur (Charlotte Gainsbourg). Deuxième partie : la planète
Melancholia entre dans le système solaire et risque de frôler la Terre, selon les scientifiques les
plus optimistes... Un film de science-fiction qui ne ressemble à aucun autre, et qui commence
comme une farce familiale à la Festen, en moins outrée. Lars Von Trier a créé une atmosphère
très singulière, et même un univers particulier et tient la note jusqu'au bout. Un film catastrophe
et intime à la fois. Des images somptueuses et une Kirsten Dunst insondable (prix d'interprétation
mérité à Cannes, en dépit de la conférence de presse désastreuse du cinéaste, digne d'une
séquence des Idiots et qui l'a sans doute privé de la Palme d'or !).

Version imprimable | Festival de La Rochelle | Le Mardi 26/07/2011 | 0 commentaires




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