- Bien : Vesper chronicles (Kristina Buozyte, Bruno Samper), As bestas (Rodrigo Sorogoyen), La Nuit du 12 (Dominik Moll), Ennio (Giuseppe Tornatore), Limbo (Ben Sharrock), Incroyable mais vrai (Quentin Dupieux), Rifkin's festival (Woody Allen)
- Pas mal : Nope (Jordan Peele), Decision to leave (Park Chan-wook), Marcel ! (Jasmine Trinca), Petite fleur (Santiago Mitre), Frère et soeur (Arnaud Desplechin), Men (Alex Garland)
- Bof : Dédales (Bogdan George Apetri)
- Hélas : Don Juan (Serge Bozon)
VESPER CHRONICLES (Kristina Buozyte, Bruno Samper, 17 aou) LLL
Les années passant, après les films catastrophes ont succédé les films post-apocalyptiques. Celui-ci, coréalisé par la réalisatrice Kristina Buozyte (Vanishing waves, 2013), en est un des plus beaux représentants. Le point de départ pourrait sembler banale : une catastrophe écologique a anéanti une grande partie de l'humanité et du monde vivant ; restent une poignée de riches bunkerisés dans des Citadelles fermées au plus grand nombre, condamné à errer ou à survivre ; Vesper, une jeune fille pauvre, n'a pas renoncé à une vie meilleure. Cette dystopie surprend agréablement, d'abord par la richesse de son univers (au fur et à mesure des informations distillées par le récit, on révise petit à petit nos perceptions). Ensuite par l'impressionnant travail artistique : visuellement le film est très ambitieux et très abouti, sans céder au formatage qu'ont parfois ses homologues hollywoodiens...
AS BESTAS (Rodrigo Sorogoyen, 20 juil) LLL
Les films de Rodrigo Sorogoyen (Que Dios nos perdone, El Reino, Madre) ont des intrigues très charpentées, qu'il vaut mieux ne pas trop éventer. Disons ici que l'histoire tourne autour d'un couple de français installé depuis quelques années dans un petit village de Galice. Instruits, ils tentent de pratiquer une agriculture plus écologique. Mais un conflit va éclater avec leurs voisins... L'excellent scénario divise le long métrage en plusieurs parties, mais la grande réussite du film tient peut-être plus fondamentalement encore à d'autres éléments : à l'intensité de la tension qui court dès le départ, à une très grande direction d'acteurs (Luis Zahera est inquiétant à souhait, face auquel Denis Ménochet puis Marina Foïs donnent leur pleine mesure, sans oublier les quelques scènes dévolues à Marie Colomb...).
LA NUIT DU 12 (Dominik Moll, 13 juil) LLL
Un carton introductif nous explique qu'il s'agit d'une affaire non résolue, de celles qui hantent pendant toute leur carrière certains enquêteurs. Ce polar, sur une jeune fille assassinée la nuit, ne se conclura pas par la résolution de l'enquête. Et pourtant Dominik Moll arrive à nous intéresser à son développement, mais aussi à d'autres aspects : sur la réalité matérielle de la police judiciaire, sur la violence genrée à l'intérieur de la société etc. Le cinéma de Dominik Moll (Harry, un ami qui vous veut du bien) retrouve enfin une certaine densité, un certain humour également...
ENNIO (Giuseppe Tornatore, 6 juil) LLL
Ce documentaire n'est absolument pas révolutionnaire dans sa forme, mais est un vibrant hommage à Ennio Morricone, l'un des compositeurs de musique de films les plus visionnaires et célébrés de l'histoire du cinéma. Avec bien sûr des extraits de films, l'hommage de Giuseppe Tornatore au compositeur de son film Cinema Paradiso est constitué d'entretiens avec le maestro lui-même effectués de son vivant, mais aussi avec ses homologues, et quantité de réalisateurs internationaux, de toutes les tendances du cinéma mondial (Argento, Bellocchio, Stone, Tarantino etc). Il y a bien sûr ses collaborations avec Sergio Leone, mais aussi le générique facétieux de Des oiseaux petits et gros de Pasolini, ou l'hymne Here's to you créé avec Joan Baez pour Sacco et Vanzetti...
LIMBO (Ben Sharrock, 4 mai) LLL
Le film se déroule dans une île écossaise, dans laquelle un groupe d'immigrés doivent attendre le résultat de leur demande d'asile. Il suit plus particulièrement Omar (Amir El-Masry), un réfugié syrien, joueur d'oud, dont les parents ont déménagé en Turquie et le frère est resté combattre dans son pays. L'histoire aurait pu donner lieu à un drame implacable. Ben Sharrock a préféré un autre ton, qui autorise l'humour un peu surréaliste (avec notamment Sidse Babett Knudsen qui dispense des cours improbables sur la langue anglaise, les démarches pour trouver un emploi ou la façon de danser avec des autochtones). Sans dépolitiser ou édulcorer le propos (il y a, évidemment, des éléments dramatiques), il lorgne vers le conte, parfois proche du pince-sans-rire à la Kaurismaki, mais toujours digne.
INCROYABLE MAIS VRAI (Quentin Dupieux, 15 juin) LLL
Quentin Dupieux vieillit plutôt bien. Le point de départ est une nouvelle fois absurde. Deux couples d'amis (mais l'un des hommes est le supérieur de l'autre) ont chacun un élément extraordinaire qu'ils hésitent à avouer à l'autre. On n'éventera pas l'effet de surprise ici, mais ces deux particularités (au sein d'une maison récemment achetée, ou un dernier cri technologique) renferment une promesse de changer la vie, ou plus prosaïquement de repousser certaines limites humaines. Quentin Dupieux sait exploiter au maximum son idée de départ, même si le film ne dure qu'1h14 (et ne gagnerait pas à être plus long), et en tire une sorte de conte moral assez savoureux.
RIFKIN'S FESTIVAL (Woody Allen, 13 juil) LLL
Un homme mûr (Wallace Shawn), homme de lettres et de cinéma qui aurait voulu devenir écrivain, est traîné par sa femme attachée de presse au festival de San Sebastian. Le film tourné par un jeune protégé de son épouse lui tombe des yeux, par sa prétention (mais nous n'en verrons rien). Fatigué, il cède à des rêves, dans lesquels lui et ses proches remplacent les protagonistes de scènes iconiques de l'histoire du cinéma. Un peu hypocondriaque, il consulte... Le dernier film en date de Woody Allen a été précédé d'une réputation désastreuse assez injustifiée. Ni un chef-d'oeuvre, ni un vrai ratage (comme To Rome with love, seul exemple à ce jour), il s'agit d'une comédie de la maturité, très cinéphile, qui se révèlera assez savoureuse à tous les amoureux du septième art et de son histoire.
NOPE (Jordan Peele, 10 aou) LL
Après la mort mystérieuse de leur père, OJ et sa soeur Emerald gèrent l'élevage familial de chevaux (destinés pour certains à l'industrie cinématographique). Mais une menace plane dans les nuages au-dessus du ranch, OJ et Emerald s'en rendent compte et espèrent en tirer des images et la gloire qui va avec. Le scénario est donc contemporain, mais un peu alambiqué, et cette force extra-terrestre peut sembler plus abstraite et théorique que chez Spielberg (Rencontres du troisième type) ou Villeneuve (Premier contact). Mais, visuellement, le film est assez réussi et joue sur ce que l'on voit, sur ce que l'on croit avoir vu...
DECISION TO LEAVE (Park Chan-wook, 29 juin) LL
Un homme meurt, en tombant d'un piton rocheux. Un policier blasé suspecte sa jeune veuve... et se laisse subjuguer par elle. On n'en dira pas plus. C'est un film en plusieurs temps. Il a reçu le prix de la mise en scène à Cannes. Effectivement, il y a une certaine sophistication (par exemple l'enquêteur observe une scène aux jumelles et se retrouve projeté à l'intérieur du lieu observé), mais celle-ci peut nuire à la crédibilité du récit. C'est lorsque ces coquetteries s'estompent que celui-ci avance, de façon plus souterraine. Ces réserves mises à part, la dernière séquence est assez inattendue et impressionnante dans sa construction.
MARCEL ! (Jasmine Trinca, 27 juil) LL
La talentueuse actrice Jasmine Trinca, pilier du cinéma transalpin depuis sa découverte par Nanni Moretti (La Chambre du fils), passe à la réalisation, et offre à sa consoeur Alba Rorhwacher, toujours épatante, le rôle d'une artiste de rue, qui semble délaisser sa fille (Maayane Conti), et offrir plus d'affection à son partenaire Marcel, un chien qui va pourtant se faire la malle... Sans avoir l'air d'y toucher, c'est un petit univers qui se déploie et finit par convaincre. On notera également les jolis cameos de Valentina Cervi et Valeria Golino.
PETITE FLEUR (Santiago Mitre, 8 juin) LL
Après El Presidente, l'Argentin Santiago Mitre confirme son goût pour les situations limites. Il raconte l'histoire de José (Daniel Hendler), un illustrateur argentin, qui s'installe en Auvergne avec Lucie, son épouse française et Antonietta, leur fille encore bébé. Licencié, il devient père au foyer tandis que Lucie décroche un emploi très prenant. Tous les jeudis il rend visite à Jean-Claude, un voisin provocateur, la visite virant toujours au macabre, au son de Petite Fleur de Sidney Bechet, avant de passer une excellente soirée avec son épouse... Pendant ce temps, son épouse fréquente un thérapeute spécial. La fable prend le risque de paraître vaine par ses outrances, mais s'appuie sur un casting très relevé : Vimala Pons, Melvil Poupaud, Sergi Lopez, et même Françoise Lebrun (qui irradie également La Maman et la putain, le chef d'oeuvre maudit de Jean Eustache qui retrouve enfin le chemin des salles après des décennies d'invisibilité).
FRERE ET SOEUR (Arnaud Desplechin, 20 mai) LL
Le frère et la soeur du titre sont obligés de se retrouver au chevet de leurs parents, gravement blessés après un terrible accident. Ce qui ne va pas de soi, car ils se vouent depuis des lustres une haine tenace. Savent-ils encore pourquoi ? Après la purge Tromperie, Arnaud Desplechin tente de revenir à une étude d'une famille et de ses ressorts psychologiques, ingrédients de base de ses plus grandes réussites (notamment Rois et reine et Un conte de Noël). Même s'il y a moins de fulgurances dans le récit et la mise en scène, le film se tient bien, formellement. Sur le fond, les rapports entre les deux personnages principaux, même s'ils sont bien interprétés (Melvil Poupaud et Marion Cotillard), peinent à convaincre complètement, comme s'ils découlaient de l'arbitraire des scénaristes...
MEN (Alex Garland, 8 juin) LL
Une jeune femme se met au vert pour surmonter un traumatisme (la mort de son mari, qu'elle était en train de quitter). Mais dans le petit village où elle a loué une maison pour deux semaines, elle se heurte à une certaine hostilité d'hommes qui ont des traits communs (et sont tous interprétés par Rory Kinnear) même s'ils sont aussi éloignés a priori qu'un exhibitionniste et un pasteur... Il y a de l'idée dans ce film post-MeToo, et la musique fait habilement monter l'angoisse. Dommage qu'un certain nombre de scènes peinent à convaincre (l'horreur demande pourtant un minimum de vraisemblance). Il faut attendre un épilogue fantastique très épicé pour que le film raccroche les wagons...
DEDALES (Bogdan George Apetri, 20 juil) L
Une jeune novice quitte en douce le couvent pour aller à un rendez-vous important. Il va lui arriver malheur, et un policier peu à cheval sur les méthodes va enquêter... Pas de surprise dans ce film, que ne sauve pas une mise en scène assez ostentatoire (un long plan-séquence à 360°) et une double fin assez peu convaincante.
DON JUAN (Serge Bozon, 23 mai) 0
Tahar Rahim joue un comédien qui interprète Don Juan, et est lui-même parfois un peu lourd avec les femmes, qui ont toutes le visage de celle qui lui résiste (Virginie Efira). De temps en temps, les personnages se mettent à chanter... Sur le papier, pourquoi pas. Mais le résultat à l'écran ne fonctionne pas du tout, donnant le spectacle d'un film très vain et très snob.
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