- Bien : Trois visages (Jafar Panahi), Parvana (Nora Twomey), Woman at war (Benedikt Erlingsson), Paul Sanchez est revenu ! (Patricia Mazuy), How to talk to girls at parties (John Cameron Mitchell), L'Empire de la perfection (Julien Faraut)
- Pas mal : Sans un bruit (John Krasinski), Mutafukaz (Guillaume Renard, Shoujirou Nishimi), L'île au trésor (Guillaume Brac)
- Bof : Fleuve noir (Erick Zonca)
TROIS VISAGES (Jafar Panahi, 6 juin) LLL
L'actrice célèbre Behnaz Jafari reçoit sur son téléphone portable une vidéo macabre, dans laquelle une jeune fille, qui désire faire du théâtre contre la volonté de son père, l'appelle à l'aide avant de se pendre. Elle contacte son vieil ami le réalisateur Jafar Panahi. Ensemble, pour vérifier l'authenticité de la vidéo, ils partent enquêter sur le lieu supposé de la tragédie, un village dans les montagnes du Nord-Ouest... Le film est courageux dans ce qu'il montre, et c'est peut-être ce qui a motivé le jury cannois à lui décerner le prix du scénario. Mais il aurait sans doute mérité mieux, car cinématographiquement son intérêt ne se limite pas à son sujet. Sur la forme, Jafar Panahi paie sa dette à Abbas Kiarostami (dont il fut assistant), mais ce n'est nullement un exercice d'imitation. Le film est constamment stimulant, du fait de l'ambiguïté documentaire (Behnaz Jafari et Jafar Panahi jouent leur propre rôle), mais aussi parce que chaque plan est admirablement composé (cadre, arrière-plan) et d'une intelligence redoutable. Un cinéma de résistance, mais aussi du grand cinéma tout court.
PARVANA (Nora Twomey, 27 juin) LLL
Parvana est une fille de 11 ans, dont on suit le quotidien dans Kaboul sous le joug des talibans (le scénario est adapté d'un roman pour la jeunesse de Deborah Ellis, une canadienne antimilitariste engagée dans les mouvements pour l'éducation des réfugiées afghanes). Un jour, le père de Parvana, écrivain public, qui lui a donné le goût de la lecture et des contes (elle en invente d'ailleurs un qu'elle raconte à son petit frère), est arrêté. Pour le ravitaillement de la famille, elle doit alors se déguiser en garçon pour sortir dehors sans être obligée d'être accompagnée par un homme. Et elle se met en tête de trouver un moyen pour délivrer son père... Pour son premier long métrage en tant qu'unique réalisatrice, la cinéaste irlandaise Nora Twomey a conçu un film d'animation qui peut se voir dès l'âge de 10 ans (distribué en VF comme en VO). C'est à double tranchant : la mise en scène ne va pas beaucoup au-delà de l'illustration du scénario, mais c'est quand même de la belle ouvrage, avec la simplicité des dessins qui contraste volontairement avec la violence des situations, particulièrement pour les femmes.
WOMAN AT WAR (Benedikt Erlingsson, 4 juil) LLL
La femme du titre, on la découvre en train de saboter une ligne à haute tension alimentant l'industrie locale de l'aluminium. On va découvrir peu à peu qu'elle a des motivations relevant de l'écologie (au sens le plus politisé du terme) : opposition à un accord commercial international, défense d'un territoire... Le film est autant un portrait de femme quinquagénaire, non réductible à son activité militante (formidable Halldora Geirharösdottir), qu'un vrai thriller qui sait en outre tirer le meilleur parti des paysages islandais. Le second long métrage de Benedikt Erlingsson, contrairement au premier (Des chevaux et des hommes), m'a pleinement convaincu. Il pousse la stylisation et la coquetterie jusqu'à faire apparaître à intervalles réguliers au milieu du plan des musiciens qui jouent la musique du film : cela met un peu de distance sans nuire à la tension grandissante. Un réalisateur en progression et déjà plein de talent.
PAUL SANCHEZ EST REVENU ! (Patricia Mazuy, 18 juil) LLL
Plusieurs témoins de cette petite ville du Var sont formels : Paul Sanchez, qui avait pris la fuite dix ans plus tôt après le massacre de sa famille, est revenu ! Dans un premier temps, les gendarmes n'y croient pas, à part la jeune Marion... Patricia Mazuy, qui tourne peu mais bien (Saint-Cyr, Sport de filles), aime bien à chaque nouveau film se renouveler complètement, au niveau du style comme des thèmes. Ici le scénario aurait pu servir de base à un polar audiovisuel de série, mais elle y apporte d'autres touches, qui donnent un singulier mélange de western méditerranéen et de comédie, par exemple lors des savoureux échanges entre Marion (Zita Hanrot, excellente) et son commandant (Philippe Girard, très bon également). C'est ce plaisir de cinéma communicatif qui rend les scènes passionnantes, le suspense ne se situant pas forcément du côté du scénario.
HOW TO TALK TO GIRLS AT PARTIES (John Cameron Mitchell, 20 juin) LLL
Présenté hors compétition à Cannes en 2017, le nouveau film de John Cameron Mitchell a mis un an avant de sortir sur les écrans. On peut se demander pourquoi, tant le film est plaisant. Situé dans les années 70 et dans une banlieue britannique, il consiste en un heureux cocktail de film fantastique (note tenue jusqu'au bout, au premier degré même si cela tient aussi de la métaphore), musical (période Clash et Sex Pistols) et de teen movie intemporel (qui justifie le titre : de la difficulté d'aborder les filles quand, en plus, elles viennent réellement d'une autre planète). Côté interprétation, Nicole Kidman se lâche dans un second rôle réjouissant, après avoir porté le film précédent (beaucoup plus sombre) du réalisateur (le beau Rabbit hole), et Elle Fanning livre une composition extra-terrestre... Exercice de style réussi et sympathique.
L'EMPIRE DE LA PERFECTION (Julien Faraut, 11 juil) LLL
Au milieu des années 1980, John McEnroe était un immense champion : il a ainsi gagné 96 % de ses matchs en 1984. Il est alors filmé par Gil de Kermadec, le pionnier du service audiovisuel de la Fédération Française de Tennis, avec une vitesse de prises de vues, centrées sur le joueur, qui permet de somptueux ralentis pour décomposer les mouvements. Julien Faraut explore les rushs et en tire un documentaire singulier. Alors certes les colères de McEnroe y ont une place, mais elle ne constituent que le revers (si j'ose dire) de son extrême perfectionnisme. Julien Faraut glisse des aphorismes cinéphiles de Godard et Daney sur les tournois sur terre battue où les joueurs doivent créer du temps (comme au cinéma), avant de faire revivre, à la lumière de tout ce qui précède, la finale mythique à Roland-Garros contre Ivan Lendl.
SANS UN BRUIT (John Krasinski, 20 juin) LL
Dans un monde dévasté, une famille tente de survivre. Pour ce faire, elle ne doit pas faire de bruit, sinon de grosses vilaines créatures, aveugles mais à l'ouïe très fine, rappliquent illico et c'est le carnage... L'argument est original (quoique assez gratuit sur le fond). Et l'exécution donne lieu à une mise en scène très inventive, car ne s'appuyant pas sur des effets pétaradants : les personnages communiquent par langue des signes, la bande son, formidable, nous venge de tous ces films d'action assourdissants. La seconde moitié du film, où l'on voit à l'écran les bêtes qui se sont rapprochées dangereusement, est plus convenue, et le scénario en fait un peu trop (fallait-il vraiment que la mère de famille soit enceinte ?). Mais dans l'ensemble un film attachant, bien interprété, notamment par Emily Blunt et John Krasinski (à la fois devant et derrière la caméra).
MUTAFUKAZ (Guillaume Renard, Shoujirou Nishimi, 23 mai) LL
Dark Meat City est une nouvelle mégapole de la côte Ouest des Etats-Unis. La pollution et la saleté y sont reines, au point que les cafards deviennent des animaux domestiques presque attachants pour les deux anti-héros. Ces derniers vivent de petits boulots et d'expédients pendant que la criminalité se développe à vitesse grand V dans cette ville où la police peut être encore plus violente et dangereuse que les gangs. Guillaume Renard adapte (avec Shoujirou Nishimi) sa propre BD et livre en animation un polar d'anticipation assez déjanté. C'est plein de petites idées mises bout à bout, parfois rigolotes. Mais l'ensemble manque un peu de liant et de profondeur. Et le caractère fantastique de la seconde moitié du film n'est pas si originale que ça, rappelant un autre film français d'animation récent. Une curiosité pas si incontournable.
L'ILE AU TRESOR (Guillaume Brac, 4 juil) LL
Guillaume Brac est venu filmer la base de loisirs (surtout nautiques) de Cergy-Pontoise. Dans ce documentaire sans fil rouge, on croise des gamins fraudeurs, d'autres qui jouent, des adolescents qui viennent draguer, des retraités nostalgiques, quelques réfugiés racontant leur persécution dans leur pays d'origine et des employés qui veillent notamment à la sécurité. Le résultat est plaisant, mais rien n'est marquant. N'est pas Frederick Wiseman qui veut. Espérons que Contes de juillet, le long-métrage que le même cinéaste a tourné au même endroit, et qui sortira en salles quelques semaines plus tard, renouera avec une vraie inspiration.
FLEUVE NOIR (Erick Zonca, 18 juil) L
Un flic alcoolique (Vincent Cassel) est chargé d'enquêter sur la disparition d'un lycéen. Un étrange voisin (Romain Duris), qui a donné des cours particuliers à l'adolescent, s'intéresse lui aussi de près à l'affaire... Voilà dix ans qu'Erick Zonca n'avait pas sorti de long métrage au cinéma. Malheureusement, il semble s'être noyé dans ce fleuve noir, où les acteurs cabotinent jusqu'à plus soif. Rien ne fonctionne, et même Elodie Bouchez, la complice des débuts (La Vie rêvée des anges), ne peut maintenir à flot cette frêle embarcation. Quant à la résolution finale, elle ne convainc pas davantage...
Derniers commentaires
→ plus de commentaires