- Bien : Les Feuilles mortes (Aki Kaurismaki), The Old Oak (Ken Loach), Et la fête continue (Robert Guédiguian), Le Ravissement (Iris Kaltenbäck), L'Enlèvement (Marco Bellocchio), Simple comme Sylvain (Monia Chokri), Le Règne animal (Thomas Cailley), Le Ciel rouge (Christian Petzold), Le Procès Goldman (Cédric Kahn), Le Syndrome des amours passées (Ann Sirot, Raphaël Balboni), Le Théorème de Marguerite (Anna Novion), Un métier sérieux (Thomas Lilti), En bonne compagnie (Silvia Munt), Avant que les flammes ne s'éteignent (Mehdi Fikri), Toni en famille (Nathan Ambrosioni), Le Livre des solutions (Michel Gondry), Anti-Squat (Nicolas Silhol)
- Pas mal : Ca tourne à Séoul (Kim Jee-Woon), Acide (Just Philippot), L'Air de la mer rend libre (Nadir Moknèche), Goodbye Julia (Mohamed Kordofani), Le Gang des Bois du Temple (Rabah Ameur-Zaïmeche), La Fiancée du poète (Yolande Moreau), Le Garçon et le héron (Hayao Miyazaki), L'Arbre aux papillons d'or (Pham Tien An), Coup de chance (Woody Allen), Mystère à Venise (Kenneth Branagh), Linda veut du poulet ! (Chiara Malta, Sébastien Laudenbach)
- Bof : How to have sex (Molly Manning Walker), L'Eté dernier (Catherine Breillat), Visions (Yann Gozlan)
LES FEUILLES MORTES (Aki Kaurismaki, 20 sep) LLL
Les personnages de ce nouvel opus de Kaurismaki, sorti de sa retraite, ont plus qu'un air de famille avec ceux de la "trilogie ouvrière" du début de sa carrière, ou même de Au loin s'en vont les nuages. Le cinéaste ne se contente pas de montrer le monde du travail, il offre à ses personnages, et c'est tout aussi important pour lui, une vie personnelle. Un homme et une femme se rencontrent par hasard, et espèrent tromper leur solitude ensemble, malgré les obstacles (parfois nés de leurs propres maladresses ou imperfections). Il y a des pointes d'humour pince-sans-rire et beaucoup de pudeur, à l'intérieur du style visuel inimitable de Kaurismaki. Sous réserve de ce que recèlent les autres films de la compétition cannoise, le prix du jury semble très adapté à cette oeuvre de facture modeste en surface mais lumineuse dans son exécution. Un prix plus élevé aurait été tout autant envisageable pour récompenser une maîtrise indubitable dans l'art de la litote.
THE OLD OAK (Ken Loach, 25 oct) LLL
Le titre signifie "le vieux chêne", expression qui pourrait qualifier le cinéaste anglais mais qui n'a pas été traduit car désignant l'enseigne d'un pub. Celui-ci est devenu le dernier lieu de lien social dans une bourgade ravagée par le chômage. L'arrivée de réfugiés syriens dans le village est fraîchement accueillie... Le gérant du pub se lie cependant d'amitié avec Yara, l'une des réfugiées passionnée par la photographie. Ensemble ils vont tenter de développer une cantine pour les enfants démunis quelles que soient leurs origines. Sans éluder les difficultés, Ken Loach et son fidèle scénariste Paul Laverty tissent une histoire avec un peu d'espoir. La manière fait le reste. Le cinéaste n'a certes jamais été un avant-gardiste de la forme, mais possède un atout bien plus important : la qualité de son regard. Contrairement à d'autres qui pensent faire de l'esprit en se montrant ostensiblement plus intelligent que leurs personnages, le cinéaste au contraire ne prend personne de haut, même les personnes les plus antipathiques. Cet humanisme-là, sans rien renier de sa grille de lecture habituelle, est très précieux par les temps qui courent.
ET LA FETE CONTINUE (Robert Guédiguian, 15 nov) LLL
Le film s'ouvre par des images d'archives vidéos réelles d'effondrement de deux immeubles rue d'Aubagne en 2018. Le nouvel opus de Guédiguian traite donc explicitement de politique locale marseillaise, plus de vingt ans après La Ville est tranquille (sorti en 2001). Les deux films sont très différents mais ont des points communs. Dans le premier, on voyait des responsables politiques supposément adversaires s'acoquiner entre eux (y compris PS et FN). Dans le second, les militants politiques au sens strict du terme, à part Rosa (Ariane Ascaride), ne sont plus que des ombres presque muettes, engluées dans un patriotisme de parti qui rend difficile une union à gauche. Dans les deux films, on voit une chorale locale reprendre une chanson de variété populaire (genre qu'affectionne le cinéaste). Mais "Pas toi" a cédé la place à "Emmenez-moi". Comme si, au lieu de flotter sans grâce dans la rumination des déceptions, il fallait mieux aller chercher la beauté ailleurs (au niveau métaphorique, car il s'agit bien d'agir ici et maintenant). Il la trouve dans le militantisme de terrain. Aussi généreux que le dernier Loach, le film est rempli d'amour : la (dernière ?) rencontre amoureuse, superbe, entre Rosa et Henri (Jean-Pierre Darroussin), mais aussi les liens familiaux et la complémentarité entre générations, ce qui permet à la nouvelle, et notamment au magnifique personnage d'Alice (Lola Naymark), de prendre le relais et de faire mieux, dans un happening final bouleversant de dignité.
LE RAVISSEMENT (Iris Kaltenbäck, 11 oct) LLL
Lydia et Salomé sont amies de longue date, mais il y a comme une sorte de jeu de vases communicants dans leurs vies personnelles respectives (même si elles se montrent heureuses du bonheur de l'autre ou solidaires dans les difficultés). Lydia est en pleine rupture amoureuse lorsque Salomé lui annonce être enceinte. La première, qui est sage-femme, va aider la seconde à accoucher. Mais c'est le début d'un comportement troublant, et d'une spirale de mensonges... Pour son premier long-métrage de fiction, la réalisatrice Iris Kaltenbäch et son interprète principale Hafsia Herzi ont réussi à créer une composition avec une approche beaucoup plus behavioriste que psychologique. Grâce également à la finesse des autres interprètes (Nina Meurisse, Alexis Manenti) et à la distance idéale trouvée par la caméra, ce coup d'essai impressionne...
L'ENLEVEMENT (Marco Bellocchio, 1er nov) LLL
Bologne en 1858. Un garçon de sept ans, nés de parents juifs, mais qui aurait été baptisé en secret, est arraché à sa famille sur ordre de Pie IX pour recevoir une éducation catholique. La situation est-elle réversible ? Et comment cet enfant va-t-il se construire ? Ce sont les enjeux principaux de ce film qui reconstitue une époque où le pape avait à la fois un pouvoir spirituel et temporel. Il peut donc se voir d'une certaine manière comme un plaidoyer pour la laïcité, définie par la séparation des deux (et non comme une "valeur" identitaire qu'auraient certaines personnes et pas d'autres en fonction des regards que projette la société sur elles). Si la musique est parfois trop emphatique, la mise en scène est solide. On savourera l'ironie grinçante construite dans certains montages parallèles, ou dans la répétition de certains gestes identiques mais à la signification radicalement différente compte tenu des situations (si Bellocchio est universaliste, ce serait plutôt dans la défense de l'universalité des droits, et non pas dans une interprétation abusivement et trop abstraitement "universelle" de faits et gestes appréhendés sans en analyser le contexte).
SIMPLE COMME SYLVAIN (Monia Chokri, 8 nov) LLL
Sophia et Xavier sont un couple d'intellectuels. Sylvain est un charpentier bien charpenté, chargé de rénover leur maison de campagne. Sophia et Sylvain s'attirent, et le film est l'histoire de leur relation. Les arguments de départ, qui s'appuient sur les différences de capital économique mais aussi culturel entre les deux amants, pourraient donner lieu à une comédie sociale. Or c'est un leurre : Monia Chokri prend à bras le corps les clichés, mais pour en faire autre chose. Outre que Xavier et Sylvain ne représentent pas la même masculinité, l'aspect le plus réussi réside peut-être dans la façon dont se répondent les approches philosophiques de l'amour que Sophia enseigne à l'université et les scènes de sa relation réelle avec Sylvain. Monia Chokri, dont je n'avais pas beaucoup aimé La Femme de mon frère, livre une réjouissante comédie romantique pleine d'esprit, suffisamment subtile pour désamorcer les critiques, à l'instar d'un Woody Allen période années 1980, mais transposé en joual et au féminin.
LE REGNE ANIMAL (Thomas Cailley, 4 oct) LLL
Dystopie dans laquelle certains êtres humains mutent en animaux ou en êtres hybrides. C'est le cas de la femme de François. Ce dernier veut à tout prix la sauver, avec l'aide d'Emile, son fils lycéen. L'argument pourrait être celui d'un film fantastique hollywoodien. Mais le traitement est tout autre : il laisse de la place au jeu des acteurs (Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos), fait écho à de nombreuses thématiques contemporaines (crise écologique globale, rejet de l'autre), avec des pointes d'humour ironique qui faisaient déjà le sel des Combattants, son précédent film et premier long métrage (avec Adèle Haenel), il y a déjà neuf ans.
LE CIEL ROUGE (Christian Petzold, 6 sep) LLL
Deux amis rejoignent une maison de vacances près de la mer Baltique, pendant l'été, pensant pouvoir y travailler (l'un veut achever l'écriture de son deuxième roman). Une jeune femme s'y trouve déjà, qui n'hésite pas à inviter un quatrième larron. Pendant ce temps, la chaleur et la sècheresse menacent la forêt alentour... En surface, le grand cinéaste Christian Petzold (Barbara, Phoenix) travaille certains clichés, sur le jeune écrivain trop centré sur lui-même pour lire dans les autres et participer aux taches collectives, ou sur la menace qui métaphorise les périls actuels. Mais en profondeur il est plus troublant, presque bouleversant dans son épilogue, le tout grâce aux jeux tout en nuances de Thomas Schubert et Paula Beer.
LE PROCES GOLDMAN (Cédric Kahn, 27 sep) LLL
Il s'agit du deuxième procès de Pierre Goldman, accessoirement demi-frère du chanteur, mais surtout activiste d'extrême gauche condamné en premier procès pour de multiples braquages, dont l'un a été fatal pour deux pharmaciennes. Il clame son innocence uniquement pour le braquage mortel. Contrairement aux récents Saint Omer d'Alice Diop et Anatomie d'une chute de Justine Triet, le film de Cédric Kahn est un pur film de procès (le prétoire est le lieu unique), qui s'appuie sur le charisme extraordinaire d'Arieh Worthalter pour refaire vivre une époque (son sort fut suivi par la gauche intellectuelle d'alors) tout en posant des questions (par exemple sur un racisme interne à la police) qui résonnent avec la société contemporaine.
LE SYNDROME DES AMOURS PASSEES (Ann Sirot, Raphaël Balboni, 25 oct) LLL
Un couple encore jeune n'arrive pas à avoir d'enfants. De retour d'un congrès mondial des gynécologues, un spécialiste pense avoir trouvé la cause de leurs difficultés : ils sont atteints du "syndrome des amours passées". Pour s'en libérer, ils vont devoir coucher à nouveau avec toutes et tous leurs ex... S'il avait été réalisé au coeur de l'industrie française de la comédie, le résultat aurait pu être navrant de vulgarité. Or, fort heureusement, il n'en est rien. Ce deuxième film belge livre un humour élégant, qui repose notamment sur le fait que madame a beaucoup plus d'ex que monsieur. Il aborde de nombreuses thématiques (non exclusivité, jalousie, le statut des anciennes relations, le temps qui passe) avec beaucoup de tact. La mise en scène est assez ingénieuse, y compris dans des scènes de nu tendres et symboliques. Nora Hamzawi et Florence Loiret Caille forment de réjouissants seconds rôles auprès du couple attachant constitué par Lucie Debay et Lazare Gousseau (moins connus chez nous).
LE THEOREME DE MARGUERITE (Anna Novion, 1er nov) LLL
Marguerite est une brillante étudiante en mathématiques, mais son monde semble s'écrouler lorsqu'une erreur est mise en évidence lors de la soutenance de sa recherche. Au grand dam de son directeur de thèse (Darroussin, très convaincant), elle décide de tout plaquer et tout recommencer. Il y a quelques mois, le film La Voie royale (qui avait d'autres tenants et aboutissants) montrait des maths qui étaient mises au service des classes dominantes et de la pérennité de leur pouvoir. Ici, les mathématiques sont montrées sous leur meilleur jour, un apprentissage de la rigueur intellectuelle, et un formidable instrument, non sans poésie, au service de la vérité. Ella Rumpf, avec son jeu loin des clichés, complexifie également agréablement l'équation.
UN METIER SERIEUX (Thomas Lilti, 13 sep) LLL
Thomas Lilti délaisse cette fois-ci le monde de la santé pour celui de l'éducation. C'est un film choral, mais où les problématiques individuelles de chacun ne sont pas juxtaposées les unes aux autres (ce qui aurait peut-être été le cas si la forme choisie avait été une série). L'expression "corps enseignant" est donc ici particulièrement adaptée pour décrire l'impression laissée par le film. Avec une certaine modestie par rapport à son sujet, le réalisateur ne donne pas l'impression de recycler son savoir-faire dans un nouveau milieu professionnel, même si, comme dans Hippocrate, Vincent Lacoste endosse le rôle de la jeune recrue qui découvre les réalités du métier (au milieu d'une distribution solide : Louise Bourgoin, Adèle Exarchopoulos, François Cluzet...).
EN BONNE COMPAGNIE (Silvia Munt, 18 oct) LLL
Eté 1977 au Pays basque espagnol. Bea est encore lycéenne, mais rejoint un mouvement féministe qui s'engage notamment pour le droit à l'avortement. Par ailleurs, elle rencontre Miren, une jeune fille d'un milieu beaucoup plus aisé... Ce film espagnol, sorti de façon bien trop confidentielle en France, voisine de par son sujet avec Annie colère, réalisé il y a peu par Blandine Lenoir de ce côté-ci des Pyrénées. Mais il s'agit aussi d'un film d'initiation politique et personnelle, avec une mise en scène centrée sur Bea (formidable Alicia Falco), sa mère et la mystérieuse Miren (respectivement et idéalement interprétées par Itziar Ituno et Elena Tarratz).
AVANT QUE LES FLAMMES NE S'ETEIGNENT (Mehdi Fikri, 15 nov) LLL
Malika apprend que son petit frère Karim (dont elle s'était éloignée) a été emmené à l'hôpital à la suite d'une garde à vue. Lorsque le décès intervient, Malika désire en savoir plus, et réclamer vérité et justice. Mais il faut réagir vite, pour ne pas que les preuves s'estompent, alors que la famille est en plein deuil... Pour son premier film en tant que cinéaste, Mehdi Fikri a choisi un sujet peu traité dans le cinéma, hormis par le documentaire Qui a tué Ali Ziri ? de Luc Decaster, sorti trop discrètement en 2015. Ici il s'agit d'une fiction à la focale plus large et à l'écriture soignée. Les personnages ne sont pas des oies blanches et sont interprétés avec beaucoup de nuances par l'ensemble de la distribution (Sofiane Zermani, Sofian Khammes, Sonia Faidi et Louise Coldefy) autour d'une Camélia Jordana qui par son talent rend sensible le douloureux courage de son personnage, les dilemmes auxquels elle et sa famille sont confrontées et ce que ça coûte de porter du jour au lendemain ce combat dans ce qu'il a d'inévitablement politique...
TONI EN FAMILLE (Nathan Ambrosioni, 6 sep) LLL
Toni, qui a enregistré il y a 20 ans pour un télé-crochet un single qui a cartonné, élève seule ses cinq enfants. Les deux aînés vont partir à l'université. Pourquoi ne reprendrait-elle pas elle aussi ses études ? Comment l'annoncer à sa progéniture ? Le projet du film fait penser à ce qui a parfois été appelé un "cinéma du milieu", facilement diffusable à la télévision. Camille Cottin est formidable, comme ses cinq jeunes partenaires. Outre ses qualités de direction d'acteurs et actrices, Nathan Ambrosioni, dont on avait déjà aimé Les Drapeaux de papier, son premier film, impressionne également par sa maturité d'écriture, à seulement 24 ans, en particulier dans une dernière partie pleine de finesse.
LE LIVRE DES SOLUTIONS (Michel Gondry, 13 sep) LLL
Lâché par ses producteurs, un réalisateur s'enfuit avec son équipe proche dans un petit village des Cévennes pour terminer son film, chez sa tante Denise (Françoise Lebrun, magnifique de douceur). Bipolaire mais traversé par beaucoup d'idées (dont une formidable séquence de création musicale en mimant les émotions attendues), il en fait voir de toutes les couleurs à ses deux assistantes les plus proches... C'est ce qui peut finir par agacer, même si le personnage est irrésistible (avec un Pierre Niney que je n'aurais pas imaginé dans ce registre), et que le film s'inscrit davantage dans une ode à la débrouillardise improvisée, dans la lignée de Soyez sympas, rembobinez que dans le portrait d'un créateur démiurge qui franchit les obstacles posés par sa maladie mentale.
ANTI-SQUAT (Nicolas Silhol, 6 sep) LLL
Inès, une mère célibataire d'un adolescent de 14 ans, est à la recherche d'un emploi, et menacée d'expulsion. Elle est prise à l'essai chez Anti-Squat, une société qui loge des personnes dans des bureaux pour éviter qu'ils soient squattés (et que leur valeur se déprécie). Elle est chargée de faire respecter un règlement très strict... Après le formidable Corporate, Nicolas Silhol livre un nouveau film autour d'une héroïne aux prises avec un dilemme moral dans une société de marché déshumanisée. Moins fort formellement que son prédécesseur, ce nouvel opus se rapproche de It's a free world de Ken Loach, dans lequel la dénonciation d'un système est d'autant plus forte que les personnages ne sont pas manichéens.
CA TOURNE A SEOUL (Kim Jee-Won, 8 nov) LL
Années 1970. Peu satisfait de ce qu'il vient de tourner, un réalisateur réécrit la fin de son histoire, pour en faire selon lui un chef d'oeuvre. Mais obtenir l'accord des autorités et de son équipe pour prolonger le tournage deux jours de plus s'avère un parcours du combattant... La satire est assez déjantée, d'autant que le film en train de se faire est un film de genre en noir et blanc. Kim Jee-Won livre une savoureuse leçon de mise en scène (et de débrouille). Dommage qu'il ne sache pas vraiment lui non plus comment conclure : la fin est un peu interminable et aurait mérité d'être plus concise...
ACIDE (Just Philippot, 20 sep) LL
Pour son deuxième long-métrage, Just Philippot imagine une catastrophe écologique liée aux changements climatiques, avec des pluies acides destructrices. Guillaume Canet interprète un père tentant de sauver sa famille, un peu sur le modèle de Tom Cruise dans La Guerre des mondes de Spielberg. Les séquences sont assez impressionnantes, voire spectaculaires. L'ambition est là, mais le résultat pourra décevoir un peu celles et ceux qui ont vu La Nuée, le premier film du réalisateur, déjà fantastique, déjà tout sauf gratuit dans son propos, mais qui était d'une originalité et d'une épure saisissantes. Pour les autres, ce cinéaste prometteur est à découvrir...
L'AIR DE LA MER REND LIBRE (Nadir Moknèche, 4 oct) LL
Saïd, qui habite encore chez ses parents, accepte un mariage arrangé avec Hadjira qui, après quelques malheurs, s'est également résignée à obéir à sa mère. Mais Saïd entretient une liaison secrète avec Vincent, qu'il cache à sa famille, et l'union de Saïd et d'Hadjira est une paradoxale voie d'émancipation. Le film est modeste au niveau cinématographique, souffre un peu de sa proximité avec Le Bleu du caftan (un très grand film sorti également cette année, mais qui se déroule au Maroc et non en France), mais touchera par la finesse d'interprétation, au niveau des parents notamment : Zinedine Soualem, Saadia Bentaïeb et Lubna Azabal.
GOODBYE JULIA (Mohamed Kordofani, 8 nov) LL
Mona, une femme musulmane au mode de vie bourgeois, se sent responsable de la mort du mari de Julia, une femme chrétienne du Sud Soudan. Mona embauche Julia comme femme à tout faire, et l'installe avec son fils dans sa maison. Le film est donc au départ l'étude de l'étrange amitié entre les deux femmes, qui s'est initiée à partir d'un non-dit... D'autres éléments se mêlent à l'ensemble. Parfois la greffe prend (autrefois Mona fut une chanteuse appréciée, elle a dû arrêter pour reconquérir son mari), parfois non (le contexte politique, pourtant brûlant, semble plaqué sur l'histoire qui fonctionnerait très bien sans).
LE GANG DES BOIS DU TEMPLE (Rabah Ameur-Zaïmeche, 6 sep) LL
Un groupe de gangsters s'apprête à braquer le convoi d'un richissime prince arabe. Il s'agit d'un polar où la plupart des protagonistes sont "racisés"... sauf que ce n'est pas le sujet. Le fond est plutôt sous-tendu par les rapports de classe, tandis que la sobriété très stylisée de la forme peut faire davantage penser à du Jean-Pierre Melville (sans vedette), même si l'impression d'un manque général de moyens n'est pas éloignée non plus. Sans être passionnant, le film produit par moment des séquences singulières qui méritent le détour.
LA FIANCEE DU POETE (Yolande Moreau, 11 oct) LL
Le film joue un peu trop du registre de l'affectation poétique, autour d'une femme mûre (Yolande Moreau) qui hérite d'une maison familiale qu'elle compte entretenir en prenant trois locataires. La mise en place est assez laborieuse. Heureusement il y a les personnages, des éclopés de la vie regardés avec tendresse (un nouveau venu, Thomas Guy, face aux expérimentés Estéban et Grégory Gadebois). La forme est assez quelconque, mais on sauvera deux séquences : l'une où l'on voit William Sheller camper un prêtre à chiens jouant un standard d'ABBA à l'orgue d'église, l'autre est une sorte de court-métrage muet mais éloquent (avec un délicieux Philippe Duquesne).
LE GARCON ET LE HERON (Hayao Miyazaki, 1er nov) LL
Testamentaire le dernier film de Miyazaki ? Par son sujet peut-être, qui traite du deuil et de transmission. En pleine Seconde Guerre mondiale, un garçon perd sa mère et est envoyé à la campagne chez sa tante maternelle. Là-bas se déploie une fantasmagorie autour d'un héron qui se révèle une créature à la trogne grotesque (rappelant en cela Porco Rosso). On y croise aussi des warawaras, créatures blanches qu'on croirait sorties de Princesse Mononoké. Le problème réside dans le fait que la forme ne semble cette fois-ci pas très en adéquation avec le fond. Pour la première fois, le maître de l'animation rime avec (petite) déception.
L'ARBRE AUX PAPILLONS D'OR (Pham Tien An, 20 sep) LL
Après la mort de sa belle-soeur dans un accident de moto à Saïgon, un homme est chargé de prendre en charge son neveu de 5 ans, miraculeusement sorti indemne, et de ramener le corps dans son village natal. Il cherche également à renouer avec son frère aîné, disparu il y a des années... Assurément il y a un vrai cinéaste derrière la caméra (le film a d'ailleurs reçu à Cannes la Caméra d'or récompensant le meilleur premier film, toutes sections confondues). La composition des plans est admirable. Le film est lent mais retient l'attention... pendant deux heures. Au fur et à mesure, il y a de moins en moins de personnages à l'écran, et si l'on est moins mystique que le réalisateur, la dernière heure pourra donner l'impression d'un grand vide.
COUP DE CHANCE (Woody Allen, 27 sep) LL
Pour la première fois, Woody Allen tourne un film en français. La qualité des dialogues en souffre un peu, d'autant que ce nouvel opus n'est pas si territorialisé que ça : les appartements bourgeois ressemblent à ceux du Londres huppé de Match point, les espaces verts parisiens au Central Park new-yorkais. Le scénario n'évite pas non plus les redites. Mais, artistiquement, le film se défend : les lumières trouvées par le chef opérateur Vittorio Storaro sont très expressives, Melvil Poupaud recycle son rôle de mari dangereusement jaloux de façon plus convaincante que chez Donzelli (L'Amour et les forêts), et Valérie Lemercier surprend, à contre-emploi dans un rôle que l'auteur aurait jadis pu donner à Diane Keaton...
MYSTERE A VENISE (Kenneth Branagh, 13 sep) LL
Kenneth Branagh continue d'adapter Agatha Christie, en transposant une de ses nouvelles à Venise (c'est plus touristique). Poirot est prié de déjouer l'imposture d'une médium lors d'une soirée spiritisme. Mais le crime est aussi invité... La mise en scène est plus sobre que pour Mort sur le Nil, l'intrigue aussi, sans grande surprise. Bien interprété, honnête, le film remplit son contrat en offrant un petit plaisir non coupable, mais s'oublie très vite...
LINDA VEUT DU POULET ! (Chiara Malta, Sébastien Laudenbach, 18 oct) LL
Linda, injustement punie par sa mère (qui s'aperçoit de son erreur), réclame du poulet, autrefois si bien cuisiné par son père. Mais comment en trouver, en ce jour de grève générale où beaucoup de commerçants sont fermés ? Le point de départ est décalé, mais le traitement est totalement dépolitisé (pour ne froisser ni les cégétistes ni le bloc bourgeois ?). Il s'agit plutôt d'un burlesque bon enfant. Le style choisi pour ce film d'animation n'est pas totalement convaincant non plus, avec les dessins très simplifiés et des aplats de couleur unie pour représenter les personnages...
HOW TO HAVE SEX (Molly Manning Walker, 15 nov) L
La deuxième partie du film n'est pas inintéressante, dans la mesure où elle recentre l'enjeu autour de la zone plus que grise d'un rapport a priori désiré mais peu ou pas du tout consenti. Mais auparavant, il faut endurer des scènes de vacances de fin d'année scolaire (payées on ne sait pas comment), où les ados naviguent entre piscine, alcool, animations grivoises, le tout filmé n'importe comment.
L'ETE DERNIER (Catherine Breillat, 13 sep) L
Une avocate spécialisée dans les affaires familiales cède aux avances du fils de son mari (d'un premier lit), âgé de 17 ans... Pour son retour au cinéma, Catherine Breillat livre un film où rien ne fonctionne vraiment, où l'adolescent (Samuel Kircher, frère de l'interprète du Règne animal) n'est pas si charismatique que ça. On n'est ni dans la satire post me-too ni dans une resucée du Mourir d'aimer de Cayatte. On entrevoit toutefois ce que le film aurait pu être dans le dernier plan, avec une dernière image d'une audace folle, très sardonique, qui justifierait presque le coup d'oeil...
VISIONS (Yann Gozlan, 6 sep) L
Après le très réussi Boîte noire, Yann Gozlan tente un nouveau film en lien avec l'aéronautique, centrée sur une pilote de ligne (Diane Kruger), mariée à un éminent chirurgien (Mathieu Kassovitz), et qui croise par hasard à l'aéroport une femme qu'elle avait follement aimée vingt ans plus tôt (Marta Nieto, grande actrice espagnole). Les deux femmes renouent un lien entre elles, mais la première semble en proie à des visions morbides (prémonitoires ?). On a d'abord envie de croire au moins un peu à ce thriller avec des touches d'érotisme, mais les effets sont mal dosés, des passages obligés clichés sans être très vraisemblables, et une résolution assez peu satisfaisante.
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