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Des films de fin 2016 (et rattrapages éventuels)

Article évolutif

  • Bien : Fais de beaux rêves (Marco Bellocchio), Your name (Makoto Shinkai), Le Ruisseau, le pré vert et le doux visage (Yousry Nasrallah), Paterson (Jim Jarmusch)
  • Pas mal : Hedi (Mohamed Ben Attia)

FAIS DE BEAUX RÊVES (Marco Bellocchio, 28 déc) LLL
Massimo a 9 ans, en 1969, lorsque sa mère adorée meurt une nuit, mystérieusement. Il est d'abord dans le déni, notamment auprès de ses camarades de classe ou lors de l'enterrement, avant de prendre Belphégor (héros du feuilleton qu'il regardait avec sa mère) pour grand frère imaginaire. Trente ans plus tard, il est devenu journaliste, d'abord dans le milieu sportif puis reporter de guerre dans les Balkans. Mais, au moment de vider à la mort de son père l'appartement familial de son enfance, il est toujours hanté par les blessures de son passé et a toujours des difficultés pour s'accomplir pleinement dans sa vie personnelle. Le nouveau film de Marco Bellocchio est inspiré d'un roman autobiographique de Massimo Gramellini, tout en revisitant des thèmes qui lui sont chers (la famille, la religion, le deuil, la psyché humaine). Il orne les différents éléments romanesques d'une mise en scène qui frappe par sa précision (mais pas forcément concise). Grâce à son expérience (et à une impeccable direction d'acteurs), il réussit après La Belle endormie un nouveau drame psychologique qui évite à la fois la lourdeur comme la superficialité.

YOUR NAME (Makoto Shinkai, 28 déc) LLL
Taki et Mitsuhai ont le même âge (environ 16 ans). Le premier est lycéen à Tokyo, la seconde réside et étudie dans une petite cité d'une région montagneuse, et rêve de vie urbaine. A tel point qu'un jour elle se réveille dans le corps de Taki (qu'elle n'a jamais rencontré) et parallèlement lui habite également le temps d'une journée son corps à elle. Le processus d'échange des corps se répète à plusieurs reprises. La première partie du film, très réussie, est une sorte de comédie d'apprentissage (on y voit Taki prendre rendez-vous avec une fille de son âge, l'initiative en revenant à Mitsuhai) doublée d'une réflexion sur le genre ou l'opposition entre ville et campagne. Puis on se rend compte d'un paradoxe spatio-temporel supplémentaire, qui fait bifurquer le film vers quelque chose de beaucoup plus grave. Ce nouvel élément enrichit d'autant un scénario de plus en plus complexe, au risque de tuer l'émotion de cette tournure pourtant dramatique. Il faut une croyance très forte dans le cinéma pour adhérer pleinement à cette deuxième partie. Your name démontre néanmoins l'existence au Japon de films d'animation ambitieux en dehors des productions Ghibli et très différents artistiquement.

LE RUISSEAU, LE PRE VERT ET LE DOUX VISAGE (Yousry Nasrallah, 21 déc) LLL
On suit tout d'abord les préparatifs d'un banquet pour un grand mariage à la campagne. On suit en particulier l'activité des traiteurs du repas, deux frères cuisiniers et leur père, ainsi que les ambitions d'un riche notable de la région. Sans oublier la circulation des sentiments et du désir, à travers des personnages féminins aux formes généreuses et à la forte personnalité... Yousry Nasrallah offre une grande fresque haute en couleurs dans tous les sens du terme, qui célèbre les plaisirs culinaires et charnels. Formellement, le film n'est pas sans rappeler le cinéma de Youssef Chahine (Le Destin), avec les amples mouvements de caméra, l'exacerbation des couleurs, la sensualité, certains traits d'humour. Mais on n'est pas dans le pur divertissement pour autant (une des intrigues pousse le drame jusqu'au crime). Yousry Nasrallah offre donc sous des dehors kitsch un film goûteux et substantiel.

PATERSON (Jim Jarmusch, 21 déc) LLL
Adam Driver joue, avec une douceur décalée semblable à celle qu'il apportait à l'enquêteur de Midnight special, un bus driver nommé Paterson dans la ville de... Paterson. Il est un grand amateur de poésie, notamment de William Carlos Williams qui a écrit un recueil intitulé... "Paterson". Lors de sa pause méridienne, il écrit lui-même de la poésie. Alors voilà : celle-ci n'est pas reliée aux tourments du monde, mais inspirée du quotidien de son foyer protecteur qu'il forme avec son épouse (Golshifteh Farahani), actuellement femme au foyer très aimante qui l'encourage à publier, et leur chien. Le scénario est mince, mais le film échappe à l'insignifiance, tout entier contaminé par la poésie de son personnage principal. En s'attardant aux petites variations de son train-train d'un jour sur l'autre, avec parfois de petites touches d'ironie bienveillante, il construit une sorte d'élégie itérative (un peu comme Un jour sans fin d'Harold Ramis réinventait le comique de répétition). Un tout petit film mais une vraie réussite.

HEDI (Mohamed Ben Attia, 28 déc) LL
Dans la Tunisie actuelle, Hedi est un jeune homme dont la voie est toute tracée, sans qu'il ait eu vraiment son mot à dire, entre son boulot de commercial chez Peugeot et son futur mariage, désiré surtout par sa mère, programmé pour la fin de la semaine. Lors d'un déplacement professionnel au bord de la mer, une rencontre passionnée avec Rym, une animatrice d'activités pour touristes, plus libre (sur le plan personnel) que lui, va tout chambouler... L'interprétation (Majid Mastoura, Rym Ben Messaoud) est ce qu'il y a de plus remarquable dans ce premier film sur les difficultés de l'émancipation et de l'apprentissage de la liberté. Décliné sur le plan intime, il n'est pas interdit d'y voir une sorte de métaphore politique, mais le réalisateur laisse le spectateur libre de sa lecture...

Version imprimable | Films de 2016 | Le Mardi 03/01/2017 | 0 commentaires




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