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Les films de fin 2013

Article susceptible d'évoluer

  • Bien : A touch of sin (Jia Zhang-Ke), La Jalousie (Philippe Garrel), Heimat (Edgar Reitz), Les Jours heureux (Gilles Perret), La Marche (Nabil Ben Yadir), Suzanne (Katell Quillévéré), Le Démantèlement (Sébastien Pilote), Borgman (Alex van Warmerdam), Inside Llewyn Davis (Ethan et Joel Coen), The Immigrant (James Gray)
  • Pas mal : Casse-tête chinois (Cédric Klapisch), Snowpiercer (Bong Joon-ho), Comment j'ai détesté les maths (Olivier Peyon), 9 mois ferme (Albert Dupontel), Tel père, tel fils (Hirokazu Kore-Eda), Henri (Yolande Moreau)
  • Bof : Avant l'hiver (Philippe Claudel)

A TOUCH OF SIN (Jia Zhang-Ke, 11 déc) LLL
Après des films intéressants mais qu'on croirait taillés pour les festivals internationaux, Jia Zhang-Ke change de style et passe à l'action, pourrait-on dire. Quatre histoires aux quatre coins de la Chine contemporaine. Un ouvrier révolté par la privatisation de sa mine et la corruption, un travailleur itinérant exalté par son arme à feu, une employée de sauna humiliée par un riche client, un jeune homme passant d'un petit boulot à un autre... Sans être en rien nostalgique du maoisme, le cinéaste montre comment la violence du système capitaliste déteint sur les individus (lorsque tout autre choix est étouffé). Du coup, son film est malheureusement autant universel que chinois. Cinématographiquement c'est une leçon de mise en scène (plans admirablement composés) qui aurait mérité au festival de Cannes un prix plus important que celui, obtenu, du scénario.

LA JALOUSIE (Philippe Garrel, 4 déc) LLL
Louis (Louis Garrel) quitte Clotilde, la mère de sa fille, pour s'installer dans un petit meublé avec Claudia (Anna Mouglalis), comédienne comme lui mais qui n'a pas beaucoup de propositions de travail. Philippe Garrel revient avec un film épuré, court mais assez profond sur une fragile relation amoureuse. Ses détracteurs pourraient parler d'un film bobo, or la précarité de ces personnages montre qu'il n'en est rien. Pour le cinéaste, l'ennemi n'est pas les saltimbanques, mais les banques... Mais l'essentiel est ailleurs. A l'époque des feel good movies insipides et des romances frileuses, Philippe Garrel oppose sa romantique radicalité, grâce à une forme très travaillée : un somptueux noir et blanc digne du cinéma muet et une attention émue aux moindres gestes délicats de ses personnages/interprètes.

HEIMAT 1 & 2 (Edgar Reitz, 23 oct) LLL
Edgar Reitz poursuit son travail commencé à la télévision dans les années 80 (et que je n'ai pas vu). Toujours situés dans le village imaginaire de Schabbach, en Rhénanie, ces deux nouveaux épisodes (Chronique d'un rêve et L'Exode) nous font remonter aux années 1842 à 1844, à une époque où l'Allemagne était une terre d'émigration. Cette nouvelle oeuvre est essentiellement tournée en noir et blanc, même si d'expressives touches de couleurs surgissent parfois. La mise en scène est très classique, à part là aussi quelques mouvements de caméra virtuoses. Mais la vie dure de ce village et d'un jeune homme rêvant d'ailleurs et passioné par la science (il a la chance d'être instruit) passionne surtout grâce à la narration feuilletonesque et à l'interprétation très incarnée.

LES JOURS HEUREUX (Gilles Perret, 6 nov) LLL
Pendant une heure, le documentaire retrace, grâce aux témoignages de Raymond Aubrac, Léon Landini ou Stéphane Hessel notamment, l'histoire pas si connue du Conseil National de la Résistance, qui se réunit entre mai 1943 et mars 1944. En particulier ils vont rédiger un programme intitulé "Les Jours heureux", matrice des conquêtes sociales de l'après-guerre (sécurité sociale, retraites par répartition, comités d'entreprise, presse libérée des forces de l'argent...). La deuxième partie brise l'apparent consensus en interrogeant de manière opiniâtre des hommes politiques d'aujourd'hui. Salutaire à l'heure où les médias sont pour l'essentiel la propriété de grands groupes capitalistes et où le néolibéralisme de gauche comme de droite défait méthodiquement toutes ces conquêtes.

LA MARCHE (Nabil Ben Yadir, 27 nov) LLL
Nabil Ben Yadir restitue sous forme de comédie dramatique enlevée la "Marche des Beurs" de 1983, longtemps tombée dans l'oubli, née dans le climat de bavures et de crimes racistes de l'époque et lancée par trois jeunes des Minguettes et... un curé. Il montre bien les moments de franche rigolade ou de tension, notamment dans les préparatifs, mais aussi la naissance d'une prise de conscience sociale voire politique des marcheurs et marcheuses. Honnête, excellemment interprété, le film est populaire au meilleur sens du terme. Une réserve : le personnage un peu superfétatoire de Jamel qui fait son Debbouze, qui n'apporte pas grand chose mais qui a peut-être permis au film de se monter. 

SUZANNE (Katell Quillévéré, 18 déc) LLL
C'est un destin tragique au féminin que raconte la jeune cinéaste Katell Quillévéré, pour sa deuxième réalisation après Un poison violent. Il serait dommage de déflorer l'intrigue, qui doit pouvoir se découvrir sans en savoir davantage. Katell Quillévéré joue beaucoup des ellipses, mais les scènes distillent suffisamment d'indices pour nous faire comprendre la situation nouvelle (ce principe peut faire penser au Pialat de Sous le soleil de Satan, même si le sujet n'a rien à voir). Le personnage de Suzanne est fort (et remarquablement interprété par Sara Forestier), mais d'autres le sont aussi, notamment le père (François Damiens) et la soeur (Adèle Haenel).

LE DEMANTELEMENT (Sébastien Pilote, 4 déc) LLL
Gaby est un agriculteur qui vit seul et aime passionnément ses deux filles devenues adultes et désormais installées à Montréal. L'aînée lui demande parfois de l'argent, et même beaucoup pour continuer à élever ses enfants une fois divorcée. Un jour Gaby se résout à vendre sa propriété, aux enchères comme une ferme voisine déjà "démantelée"... On n'est pas convaincu dès le départ de l'intérêt du film. Puis, au fur et à mesure, il gagne en ampleur, grâce à un scénario en crescendo, une mise en scène discrète mais élégante et surtout à la composition exceptionnelle de Gabriel Arcand dans le rôle principal.

BORGMAN (Alex van Warmerdam, 20 nov) LLL
Un homme hirsute, Camiel Borgman, sort de sous terre (littéralement) pour s'inviter dans la maison d'une famille aisée. Qui est-il ? Que veut-il ? Quelles déflagrations va-t-il provoquer en tant qu'élément extérieur chez ses hôtes ? Alex Van Warmerdam ne cherche jamais à répondre frontalement à ses questions. Cinéaste toujours proche de l'absurde (Les Habitants c'était lui), il livre une sorte de fable noire, tendue, sardonique mais pince-sans-rire, que certains jugeront un peu vaine. Un film de pure mise en scène (au scalpel), logiquement en compétition au festival de Cannes cette année.

INSIDE LLEWYN DAVIS (Ethan et Joel Coen, 6 nov) LLL
Le film se situe au début des années 1960. Llewyn Davis est un chanteur de folk talentueux (la BO est une merveille), mais il est fauché, intègre et n'arrive pas à percer. Ethan et Joel Coen ont voulu réaliser une épure sur un personnage poisseux, rappelant en cela A serious man, sorti en 2010. Dans le rôle titre, Oscar Isaac aurait mérité un prix d'interprétation à Cannes. Prix qui aurait davantage convenu à ce film que le Grand prix du jury, accordé généreusement : ce n'est pas un sommet de la filmographie des frères Coen. Tel quel il est juste plaisant, avec notamment dans de savoureux personnages secondaires Carey Mulligan, John Goodman, Justin Timberlake ou encore... un chat fugueur.

THE IMMIGRANT (James Gray, 27 nov) LLL
En 1921, Ewa, une jeune immigrée polonaise (Marion Cotillard) débarque aux Etats-Unis, mais l'oncle et la tante qui devaient l'accueillir ne sont pas là. Et sa soeur Magda, soupçonnée d'être tuberculeuse, est placée en rétention. Heureusement, un homme (Joaquin Phoenix) la repère et lui propose son "aide" en la faisant travailler dans un spectacle de cabaret. La suite n'est pas toute tracée, les personnages évoluent, d'autres apparaissent. Cela pourrait être un mélo, mais James Gray a choisi d'éviter le lyrisme. James Gray livre un film moins stylisé que ses polars contemporains (The Yards, La Nuit nous appartient), plus sobre mais toujours aussi personnel.

CASSE-TÊTE CHINOIS (Cédric Klapisch, 4 déc) LL
L'Auberge espagnole était un succès public, bien que filmé n'importe comment. Plus élégant et recentré sur quelques personnages, Les Poupées russes était une jolie réussite. Il reste de ça dans ce troisième volet, où on retrouve Xavier (Romain Duris) et les femmes de sa vie (Kelly Reilly, Audrey Tautou, Cécile de France). Si Cédric Klapisch filme bien le quartier chinois de New-York, ce n'est pas le dépaysement géographique qui rend le film attachant. C'est davantage le plaisir de voir une nouvelle fois Xavier obligé de se sortir d'imbroglios périlleux, malgré les années qui passent, dans une comédie enlevée (montage alerte) qui tient à la fois du vaudeville et d'un manifeste contre l'ordre moral.

SNOWPIERCER (Bong Joon-ho, 30 oct) LL
Le réchauffement climatique n'a pas été combattu par une approche politico-économique, mais par une approche techno-scientifique. Et les apprentis sorciers du climat ont finalement provoqué un refroidissement ! Les êtres humains restants sont embarqués dans un immense TGV qui fend la neige à toute allure et génère sa propre énergie. La piétaille est parquée en queue de train, les premiers wagons plus luxueux sont réservés à une oligarchie... Au début, le film fait un instant penser à Soleil vert. Il y a de bonnes idées (tirées de la BD française éponyme), presque trop. Un film de SF comme celui-ci nécessite de la rigueur, alors que Bong Joon-ho est à l'évidence plus à l'aise dans les ruptures de ton (voir l'excellent The Host).

COMMENT J'AI DETESTE LES MATHS (Olivier Peyon, 27 nov) LL
Un documentaire sur les mathématiques, c'est original. Ici on croise avec plaisir François Sauvageot, professeur de classe prépa plein d'humour et très pédago, ou encore Cédric Villani, médaille Fields en 2010, à l'institut d'Oberwolfach ou au Congrès international des mathématiciens. Le film s'éparpille un peu, mais ne manque pas d'observations assez pertinentes : le vrai matheux apprend beaucoup plus lorsqu'il se trompe que lorsqu'il trouve la bonne démonstration tout de suite ; les maths sont une école du doute et de l'esprit critique ; mais l'application des maths dans l'économie  a donné naissance aux innovations financières (produits dérivés, subprimes), et a donc une part de responsabilité dans la crise de 2008...

9 MOIS FERME (Albert Dupontel, 16 oct) LL
Le plan-séquence d'ouverture, virtuose, est assez aérien. Albert Dupontel, dont j'avais aimé Le Créateur, soigne la forme de sa nouvelle comédie, même si certaines séquences sont plus lourdingues. Sandrine Kiberlain joue une juge coincée qui se retrouve enceinte après une nuit de la Saint-Sylvestre très arrosée. Albert Dupontel se réserve un rôle de truand "globophage" (je ne traduis pas), ce qui lui vaut la une des médias. La critique du sensationnalisme est le principal ingrédient de fond, le film se plaçant davantage dans un esprit cartoon déjanté (avec quelques scènes d'anthologie) que dans un quelconque souci de vraisemblance.

TEL PERE, TEL FILS (Hirokazu Kore-Eda, 25 déc) LL
Deux bébés ont été intervertis à la naissance. Les familles l'apprennent six ans plus tard. Qu'est-ce qu'être père ? Quelle place aux liens du sang ? L'enjeu du film est bien de faire grandir les adultes. Il y a aussi une critique sociale, entre un père architecte obsédé par la réussite sociale, l'autre père petit commerçant modeste qui prend du temps avec ses enfants, les mères aimantes mais dominées par les schémas patriarcaux... Mais Hirokazu Kore-Eda, pourtant capable de réussir l'histoire d'une poupée gonflable qui prend vie (Air Doll), manque ici un peu de subtilité et de délicatesse, et le résultat est loin d'égaler certaines des réussites passées.

HENRI (Yolande Moreau, 4 déc) LL
Henri (Pippo Delbono), la cinquantaine, d'origine italienne, tient un café en Belgique, avec sa femme (Lio), qui décède brutalement. Pour le seconder, il fait appel à un "papillon blanc", Rosette, une jeune femme (Miss Ming) d'un établissement pour déficients mentaux situé à quelques encablures. Le rapprochement entre ces deux personnes non épargnées par les difficultés est touchant, et il y a de beaux moments poétiques. Mais d'autres scènes sont plus lourdes, Jacky Berroyer a du mal à sauver le pilier de bistrot qu'il interprète... Un petit film pas encore à la hauteur de ses modèles (Kervern, Delépine, Kaurismaki).

AVANT L'HIVER (Philippe Claudel, 27 nov) L
Drame bourgeois que-c'était-pas-la-peine. Le sujet pourrait faire penser à du Haneke (en particulier Caché), voire à du Chabrol, mais le traitement est aussi impersonnel qu'un téléfilm moyen. On peut néanmoins sauver l'interprétation (Daniel Auteuil, Leïla Bekhti, Kristin Scott Thomas, Richard Berry). 

Version imprimable | Films de 2013 | Le Mardi 31/12/2013 | 0 commentaires




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