- Bravo : Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait (Emmanuel Mouret)
- Bien : Calamity (Rémi Chayé), Slalom (Charlène Favier)
- Pas mal : Adieu les cons (Albert Dupontel), Drunk (Thomas Vinterberg), Garçon chiffon (Nicolas Maury)
LES CHOSES QU'ON DIT, LES CHOSES QU'ON FAIT (Emmanuel Mouret, 16 sep 2020) LLLL
Je n'ai pas pu résister à la tentation de revoir ce film sur grand écran une deuxième fois (d'où la notule plus longue). Cela commence simplement. Daphné, enceinte de trois mois, accueille à la campagne Maxime, le cousin de son compagnon François, absent pour plusieurs jours (remplaçant au pied levé un collègue). Maxime et Daphné font connaissance, en se racontant leurs histoires d'amour. Leurs histoires de sentiments plutôt, précise Maxime, traducteur qui souhaiterait devenir romancier... Précisons d'emblée : ce cinéma n'est pas social, dans le sens où les personnages sont relativement à l'aise et peu inquiets pour leurs contingences matérielles, ce qui leur permet, comme dans l'univers de Woody Allen, d'approfondir leurs questionnements existentiels, et d'avoir suffisamment de marges pour envisager sereinement des bifurcations possibles. Enfin, "sereinement" n'est peut-être pas le terme. Comme chez Rohmer, les personnages commentent beaucoup ce qu'ils font, et ce qu'ils ressentent. Pour autant, ni le côté littéraire ni la construction très sophistiquée du récit ne plombent le film. Car il ne s'agit pas ici seulement des failles qui peuvent apparaître entre les choses qu'on dit et celles que l'on fait (titre d'une simplicité lumineuse, étonnant qu'il n'ait pas été déjà utilisé), mais aussi de l'écart entre ce que disent les mots, et ce que disent les images. C'est donc du cinéma plein et entier. La matière n'est pas entièrement nouvelle dans l'univers de Mouret, mais il trouve une grâce, une maturité qui lui donnent une amplitude peu commune. Finalement, ce n'est peut-être pas du cinéma social dans le sens où on l'entend usuellement, mais Mouret donne à ses personnages toute leur dimension d'êtres sociaux, c'est-à-dire qui s'accomplissent dans les différents liens qu'ils tissent ou défont les uns avec les autres, dans la façon dont ils se soucient les uns des autres. Camélia Jordana aurait largement mérité le César de la meilleure actrice (même si le choix de Laure Calamy dans Antoinette... relevait presque également de l'évidence), tant la comédienne se fond, facile, fragile, dans l'univers de Mouret. Ses partenaires ne sont pas en reste, à commencer bien sûr par Niels Schneider, mais aussi par un Vincent Macaigne qui sort un peu de sa zone de confort (ou d'inconfort). Louise, l'ex-femme de François, interprétée par Emilie Dequenne, est un personnage qui apparaît assez tard dans le récit, mais on ne l'oubliera pas de sitôt... Le cinéaste a aussi eu l'audace tranquille de ne pas faire appel à une bande originale, et de puiser dans des standards du répertoire classique. Cela aurait pu faire prétentieux, mais cela passe au contraire comme une lettre (amoureuse ou non) à la Poste...
CALAMITY (Rémi Chayé, 14 oct 2020) LLL
Ce film d'animation imagine une enfance à Calamity Jane. On la découvre à environ 10-12 ans avec son père veuf et ses petits frère et soeur, au sein d'un convoi de "pionniers" en route vers l'Oregon. Blessé par un cheval, son père doit rester alité, et c'est elle qui prend les commandes du chariot, avec l'aide d'Ethan, le fils du chef avec lequel elle est souvent en bisbille. Elle ose s'entraîner la nuit, et mettre des pantalons... Les aventures de Martha Jane sont ensuite assez prenantes, le scénario est parfaitement adapté au jeune public sans jamais être niais (il plaira à toutes les tranches d'âge). Mais c'est le style graphique qui impressionne le plus : si le dessin en lui-même est assez simplifié, la palette chromatique dont s'est servi Rémi Chayé (dont je n'avais pas vu le premier film, Tout en haut du monde) est exceptionnelle dans les teintes utilisées, dans les jeux de lumière, d'ombres, de reflets... Une oeuvre d'un grand styliste à suivre...
SLALOM (Charlène Favier, 19 mai 2021) LLL
Lyz, 15 ans, est une nouvelle élève d'une classe de sport-étude à Bourg-Saint-Maurice, et aspire à devenir une championne de ski. Le film se construit progressivement autour de l'emprise qu'aura sur elle Fred, son coach, à qui elle souhaite donner satisfaction, alors que son père est aux abonnés absents et que sa mère vient d'accepter un emploi à Marseille. Toutes les scènes délicates sont filmées du point de vue de Lyz, remarquablement interprétée par Noée Abita (Ava), alors que Jérémie Renier sait donner de l'ambiguïté à son rôle, tour à tour charismatique ou pathétique. Les scènes de compétition sont très convaincantes (bien mieux filmées que celles de cyclisme dans The Program de Stephen Frears), et le travail sur la couleur à certains moments précis tranche avec le réalisme de ce premier film, habile et maîtrisé.
ADIEU LES CONS (Albert Dupontel, 21 oct 2020) LL
En parallèle, deux personnages se lèvent et se cassent. L'un est informaticien surdoué, qui se voit grillé au poteau par de jeunes recrues pour la promotion qu'il convoitait. L'autre est une femme qui apprend qu'elle est condamnée et qui veut retrouver l'enfant qu'elle a mis au monde sous X à l'âge de 15 ans. Ils vont unir leurs efforts. Le film démarre sur les chapeaux de roue (avec le médecin joué par Bouli Lanners qui compare des anticorps avec des contrôles d'identité policiers), et déploie une certaine satire d'une société menaçant les libertés fondamentales (dérives policières, confidentialité des données battue en brèche par les big data). Virginie Effira est une nouvelle fois très bien, mais le rôle qu'elle a à interpréter reste dans un registre plus convenu que ceux proposés par Justine Triet (Victoria) ou Catherine Corsini (Un amour impossible). Et, dans l'ensemble, dans le même genre (celui de la satire des temps présents), Effacer l'historique, de Kervern et Delépine, me semble plus solide, politiquement et cinématographiquement (bien que Dupontel n'ait pas démérité).
DRUNK (Thomas Vinterberg, 14 oct 2020) LL
Quatre amis, professeurs dans le secondaire entre deux âges, décident de tester la validité d'une théorie selon laquelle, avec 0,5 g d'alcool dans le sang en permanence, on est plus accompli, plus détendu... Sorti peu avant la longue fermeture des salles de cinéma, le film a accumulé les récompenses : Oscar du meilleur film en langue étrangère, César du meilleur film étranger, prix étranger des auditeurs du Masque et la plume... Thomas Vinterberg, 20 ans après Festen, a frappé un "coup". Si le scénario évite les écueils de l'irresponsabilité comme du moralisme (ou du moins les prend en charge successivement) et est assez savoureux, il manque une vraie mise en scène qui apporterait du relief à l'ensemble. Heureusement qu'il y a de bons interprètes. Vinterberg sait engendrer des scénarios chocs, mais peut-être pas toujours des chocs de cinéma...
GARCON CHIFFON (Nicolas Maury, 28 oct 2020) LL
Jérémie est un comédien trentenaire dont la carrière peine à décoller. Ayant toujours peur de ne pas être aimé, il développe une jalousie maladive, qui provoque la rupture avec son compagnon. Le début est hilarant, lorsque Jérémie rejoint une réunion des "Jaloux anonymes". S'ensuit un portrait parfois touchant de ce garçon qui a la larme facile, avec de jolis moments de sincérité et d'autodérision. Il y a de belles trouvailles, mais on aimerait néanmoins que cette hypersensibilité soit davantage tournée vers les autres. Ici, l'écueil de l'égocentrisme n'est pas totalement évité.
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