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Films de novembre/décembre

Nouveaux films :

  • Bien : Kill me please (Olias Barco), Memory lane (Mikhaël Hers), Rubber (Quentin Dupieux), Another year (Mike Leigh), Inside job (Charles Ferguson), Potiche (François Ozon), De vrais mensonges (Pierre Salvadori), Le Nom des gens (Michel Leclerc)
  • Pas mal : Ce n'est qu'un début (Jean-Pierre Pozzi, Pierre Barougier), Les Emotifs anonymes (Jean-Pierre Améris), Le Président (Yves Jeuland)
  • Bof : Holiday (Guillaume Nicloux)
Kill me please (Olias Barco, sortie le 3 novembre)

Il y a un peu plus de cinq ans, Mar adentro de Alejandro Amenabar prenait partie contre l'acharnement thérapeutique et pour l'euthanasie lorsque tout autre choix se révèle inhumain. Il le faisait à sa manière, lourdingue (gros mélo manichéen, avec les "gentils" membres d'une association d'accompagnement de fin de vie et les "méchants" membres de la famille, faisant passer égoïstement leur refus du travail de deuil avant le soulagement des souffrances intolérables d'un des leurs). Kill me please prolonge le débat, en le déplaçant sur le terrain beaucoup plus élégant de la comédie noire. Les auteurs ont imaginé une clinique spécialisée dans le suicide médicalement assisté. Les patients sont donc des éclopés de la vie, qui n'attendent plus rien d'elle, parfois à tort. Si l'humour est grinçant ou noir, le regard sur les personnages est toujours empathique, jamais méprisant. Et la satire de nos sociétés modernes n'est pas loin. Un excellent ovni belge, dans un noir et blanc à couper au couteau !

Memory lane (Mikhaël Hers, sortie le 24 novembre)

Un groupe de jeunes, autour de 25 ans ou un peu plus (un âge assez peu représenté au cinéma), passe le mois d'août dans la ville du 9-2 où ils ont grandi. Chacun a ses raisons... Un premier long métrage déjà très maîtrisé mais sans esbroufe. Contrairement à un certain cinéma commercial, rien n'est souligné. C'est petit à petit que l'on apprend des choses sur les personnages, sur leurs liens de sang, ou d'amitié ou plus si affinités. Mais on est captivé par eux dès le départ, par l'excellence de l'interprétation : Thibault Vinçon (découvert dans Les Amitiés maléfiques), Dounia Sichov, Stéphanie Déhel, Lolita Chammah, Thomas Blanchard pour les jeunes, Marie Rivière (échappée de chez Rohmer) et Didier Sandre pour la génération précédente ; mais aussi par la qualité du regard que Mikhaël Hers pose sur eux. Au final, un beau portrait d'une jeunesse déjà affectée par la fragilité de la vie (notamment sociale et familiale).

Rubber (Quentin Dupieux, sortie le 10 novembre)

C'est le deuxième film de Quentin Dupieux (je n'ai pas vu le premier), mais c'est un cinéaste à suivre, en tout cas si l'on aime les objets cinématographiques non identifiés. En effet, c'est l'histoire d'un serial killer télépathe, qui sévit dans le désert californien. Mais ce serial killer est... un pneu ! Rubber est donc un hommage un peu barré mais très cinéphile aux films de genre. Qui plus est, le second (voire troisième) degré est omniprésent, à travers une certaine mise en abyme : les spectateurs du film sont représentés sous la forme de touristes qui suivent l'action à travers des jumelles. Et le shérif connaît ses classiques (cinématographiques). Bref, un ovni complet dans le cinéma français, ce qui fait du bien...

Another year (Mike Leigh, sortie le 22 décembre)

Be happy (2008), le précédent film de Mike Leigh, était une heureuse surprise pour moi, qui n'avait pas été très enthousiaste à la vision de Secrets et mensonges, Palme d'or en 1996 (à la place, selon moi, de Breaking the waves !). Après avoir vu ce nouveau film, je tire une nouvelle fois mon chapeau à Mike Leigh. C'est un très bon opus. On y croise un couple de "gens bien", Tom le géologue (qui a néanmoins le défaut de ne pas trop soucier de l'utilité sociale ni des conséquences écologiques des projets qu'il accompagne) et Gerri (psychologue dans un cabinet médical), qui essaie de rendre service à tout un chacun, à commencer par Mary, secrétaire dans le cabinet de Gerri, célibataire qui aime beaucoup la vie et un peu trop l'alcool. Tous les personnages, y compris ceux que l'on voit très peu, sont intéressants dans cette comédie humaine très attachante.

Inside job (Charles Ferguson, sortie le 17 novembre)

Si vous n'avez pas vu l'excellent Cleveland contre Wall Street (2010), et que vous avez envie de comprendre la crise financière et économique que nous traversons, ce documentaire fera parfaitement l'affaire. Le film est assez didactique et percutant (enfin dans un film à grand public - c'est en tout cas sa vocation - une analyse non néolibérale de la crise et de ses causes). Le réalisateur interroge sans complaisance un certain nombre de protagonistes de la finance mondiale. Il a raison de pointer la fausse gauche aux Etats-Unis qui a libéralisé la finance (comme le reste). Il aurait pu faire de même avec DSK (qui passe presque pour un modéré et c'est dommage). Heureusement qu'à la fin du film, il en remet une couche sur le rôle déterminant des inégalités sociales et des injustices fiscales dans la sphère réelle : c'est bien de celle-ci qu'est partie la crise des subprimes qui a ensuite contaminé le monde de la finance avant de revenir dans la sphère réelle.

Potiche
(François Ozon, sortie le 10 novembre)

S'il y a un invariant dans le cinéma de François Ozon, c'est justement qu'il nous prend toujours à contre-pied, qu'il déjoue nos attentes, et souvent pour le meilleur. Ce film-ci est à ranger parmi ses réussites, on pourrait parler de vaudeville politique. Il retrouve le clinquant de Huit femmes (2002), les années 70 sont reconstituées jusqu'à saturation (Jérémie Rénier, coiffé façon Claude François !). Mais le film fait beaucoup référence à la situation ici et maintenant trente ans plus tard. On jurerait que Fabrice Luchini et Catherine Deneuve se sont inspirés des deux finalistes de la dernière présidentielle. Et Gérard Depardieu réussit à être convainquant en représentant de la classe ouvrière (un vrai rôle de composition pour ce sarkozyste !). De ce point de vue, la fin est assez sarcastique et pas si happy que cela...

De vrais mensonges (Pierre Salvadori, sortie le 8 décembre)

Pierre Salvadori est un grand réalisateur de comédies (notamment Cible émouvante (1993), dont un remake anglais est sorti cet été, voir Petits meurtres à l'anglaise). Ici, on sent l'influence de la screwball comedy (la comédie américaine de l'âge d'or). Audrey Tautou campe une coiffeuse qui reçoit une lettre d'amour anonyme de son employé à tout faire (Sami Bouajila), et envoie la missive à sa mère esseulée (Nathalie Baye). Prélude à toutes sortes de situations, de quiproquos, de gags ou de dialogues. Salvadori retrouve la forme !

Le Nom des gens (Michel Leclerc, sortie le 24 novembre)

Une comédie romantique politique ! Arthur Martin (Jacques Gamblin) est virologue et jospiniste, d'origine savamment occultée. Bahia Benmahmoud (Sara Forestier) est une jeune femme d'origine algérienne revendiquée, et, elle, elle défend une vraie gauche, pas celle d'accompagnement du capitalisme. Pour cela elle a une méthode militante originale : elle couche avec ses adversaires politiques (qu'elle nomme "fachos") pour les faire changer d'avis, et apparemment ça marche... Les deux vont se rencontrer. Le film fourmille d'inventions scénaristiques et formelles, presque trop (ça peut un peu tout mélanger, parfois). Les deux interprètes principaux sont excellents, mais il faut saluer également les interprètes des parents : Zinedine Soualem et Carole Franck côté Bahia, et Jacques Boudet et Michèle Moretti côté Arthur...

Ce n'est qu'un début (Jean-Pierre Pozzi, Pierre Barougier, sortie le 17 novembre)

Un documentaire sur un atelier philo à la maternelle. Si, si, ça existe, et c'est même dans un quartier populaire et métissé. La bande-annonce était irrésistible, le film est plus modeste que cela. Comment des garçons et des filles de 4 ou 5 ans arrivent-ils à parler de l'amour, de la mort, de morale ou d'autorité ? Eh bien, de façon inattendue, décalée, et parfois complètement à côté de la plaque, ce qui fait le charme et la limite de ce documentaire. Par contre, on en ressort avec l'idée qu'il serait bien que cette initiative pédagogique fasse tâche d'huile...

Les Emotifs anonymes (Jean-Pierre Améris, sortie le 22 décembre)

Les timides maladifs ont leur cercle de thérapie de groupe les Emotifs Anonymes, à l'instar des Alcooliques Anonymes (en tout cas, c'est ce qu'imagine le film). Angélique (Isabelle Carré) y va. Elle y raconte ses premiers rapprochements avec son nouveau patron Jean-René (Benoît Poelvoorde), atteint du même syndrôme qu'elle, mais elle ne le sait pas encore. Les deux acteurs sont touchants, bien qu'on reste à la surface des personnages, constamment ramenés à leur tare. Un film qui cherche à fédérer mais qui est très quelconque. Est-ce encore du cinéma ?

Le Président
(Yves Jeuland, sortie le 15 décembre)

Le documentaire suit Georges Frêche au cours de sa dernière campagne électorale, pour sa réélection à la présidence de la région Languedoc-Roussillon. C'est assez maladroit, car le personnage, tel qu'il est filmé, paraît sympathique, alors qu'il fait une campagne cynique, dénuée de toute idée et de tout programme, avec des conseillers, notamment en communication, sans aucune morale. Un documentaire qui risque de pousser à l'abstention ou à la non inscription sur les listes électorales, alors qu'il existe des forces politiques modestes certes mais vertueuses (qui vont même jusqu'à respecter le résultat des référendums, ce qui est assez rare depuis 2008).

Holiday (Guillaume Nicloux, sortie le 8 décembre)

Guillaume Nicloux retrouve Jean-Bernard Pouy, coscénariste de son premier et meilleur film Le Poulpe (1998), pour un Cluedo dans un hôtel crapoteux du Sud-Ouest. Pourquoi pas : il y a des situations qui font sourire, ainsi que la résolution de l'énigme. Reste qu'il n'y a guère d'idée de cinéma, et que les personnages ne sont pas regardés avec la même empathie qu'ils l'auraient été par un cinéaste belge ou Grolandais...

Version imprimable | Films de 2010 | Le Jeudi 23/12/2010 | 0 commentaires




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