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Des films de l'automne 2013

  • Bravo : La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche)
  • Bien : Omar (Hany Abu-Assad), Mes séances de lutte (Jacques Doillon), Just the wind (Bence Fliegauf), Gabrielle (Louise Archambault), Un château en Italie (Valeria Bruni-Tedeschi)
  • Pas mal : Gravity (Alfonso Cuaron), La Bataille de Solferino (Justine Triet), Haewon et les hommes (Hong Sang-soo)
  • Bof : Ma vie avec Liberace (Steven Soderbergh)
  • Hélas : Prisoners (Denis Villeneuve)

LA VIE D'ADELE (Abdellatif Kechiche, 9 oct) LLLL
Beaucoup ont écrit qu'il s'agissait d'un film sur la passion. Oui, mais ce n'est pas exactement un film incandescent, et c'est surtout un film beaucoup plus riche que ça. Cela commence comme dans L'Esquive avec un cours de français autour de Marivaux. Adèle (Adèle Exarchopoulos, LA révélation de l'année) est une élève de première issue d'une famille modeste de la banlieue lilloise, qui adore les livres. Cela pourrait être un film de lycée, du style Entre les murs, mais il ne s'arrête pas là. En suivant Adèle pendant une petite dizaine d'années, on assiste avec empathie à toutes ses premières fois : premiers flirts avec des garçons, première rencontre avec Emma, jeune femme aux cheveux bleus, étudiante aux Beaux-Arts (Léa Seydoux), premiers ébats, plus tard premiers pas professionnels... Un film sur l'éducation sentimentale, mais aussi sur l'éducation tout court. Sur l'art, sa création, comme sa réception et sa transmission. Et, oui, sur la passion amoureuse et son évolution dans le temps... Formellement le montage est extrêmement fluide, on ne voit pas le temps passer (on en redemanderait), l'impression d'immersion est renforcée par la mise en scène et le nombre incroyable de gros plans (au moins deux heures sur les trois), en particulier sur le visage des interprètes.

OMAR (Hany Abu-Assad, 16 oct) LLL
Vivant en Cisjordanie occupée, Omar (Adam Bakri, révélation) franchit quotidiennement le mur pour rejoindre Nadia, la fille qu'il aime, et ses deux amis d'enfance, Tarek et Amjad, avec qui il a décidé de passer à la lutte armée. Lors de leur première opération, Omar est arrêté. Après des interrogatoires plus que musclés dans la prison israélienne, on lui propose de le relâcher contre la promesse d'une trahison. Que va-t-il faire une fois dehors ? Courses-poursuites, vengeance, chantage, manipulation, amour impossible : avec les moyens du cinéma de genre et de la fiction, le cinéaste palestinien Hany Abu-Assad livre un thriller nerveux qui en dit beaucoup sur la situation politique de son peuple dans la réalité.

MES SEANCES DE LUTTE (Jacques Doillon, 6 nov) LLL
Un an seulement après Un enfant de toi, Jacques Doillon revient avec un film audacieux, véritable ovni, qui s'accepte ou se rejette en bloc. Sara Forestier joue une jeune femme qui vient de perdre son père. Elle retrouve un voisin (James Thiérrée) avec qui elle avait amorcé un rapprochement amoureux quelques mois plus tôt. Ils essaient de rejouer la scène. Leur joutes prennent des formes inattendues, que ce soit dans les dialogues brillants de fantaisie et de distance, ou dans une lutte très physique. On connait au départ les talents à la tchatche de Sara Forestier (depuis L'Esquive), ceux d'acrobate de James Thiérrée (depuis Ce que mes yeux ont vu) : les deux vont se fondre. Une expérience singulière pour le spectateur aussi.

JUST THE WIND (Bence Fliegauf, 12 juin) LLL
Hongrie aujourd'hui. Mari (Katalin Toldi) et ses enfants, d'origine Roms, subissent un quotidien précaire, en attendant de pouvoir rejoindre le père parti au Canada. Mais il y a pire : en allant au travail (Mari) ou à l'école (les enfants, surtout la fille, le garçon faisant souvant l'école buissonière dans la forêt), ils doivent rester constamment aux aguêts, de peur que les autres villageois les prennent comme bouc émissaire. En effet, dans tout le pays, des familles Roms ont été assassinées... Le constat est glaçant, le racisme ordinaire aussi : voir le dialogue (au départ fonctionnel) entre deux policiers, un des moments-clés du film.

GABRIELLE (Louise Archambault, 16 oct) LLL
Gabrielle et Martin tombent amoureux l'un de l'autre. Ils font partie d'une chorale pour handicapés mentaux, les Muses de Montréal, qui prépare un spectacle avec en guest star Robert Charlebois... Le film aurait pu être édifiant, mais le plus souvent il évite les écueils (même si le traitement du sujet tient plus de la voie large que du chemin de traverse). La réalisatrice regarde tous ses personnages de la même façon, valides ou non. En proposant dès les premières minutes une belle reprise de Pendant que les champs brûlent de Niagara, elle met les mélomanes en confiance. Les obstacles ne sont pas esquivés, avec les réactions contrastées de l'entourage, mention à la soeur de Gabrielle (Melissa Désormeaux-Poulin, vue dans Incendies).

UN CHÂTEAU EN ITALIE
(Valeria Bruni-Tedeschi, 30 oct) LLL
D'inspiration lointainement autobiographique (le personnage principal n'a pas de soeur), c'est l'histoire d'une actrice qui a arrêté de jouer, se cherche encore, est obsédée par le désir de maternité, à l'heure où son frère est gravement malade, le tout dans une famille de la grande bourgeoisie industrielle italienne... Il y a de savoureuses ruptures de ton dans ce film, qui peut dérouter, car il n'y a pas spécialement de personnages dans lesquels se projeter. Quelques bouffées burlesques surgissent à des moments inattendus, en particulier grâce à l'actrice-réalisatrice.

GRAVITY (Alfonso Cuaron, 23 oct) LL
Pendant une petite heure, c'est une merveille. Le spectaculaire joue à plein (et est bien meilleur marché qu'une entrée au Futuroscope). Même si on n'est pas sûr de la vraisemblance scientifique, on y est : dans l'espace, avec les spationautes qui se délectent du spectacle céleste tout en étant régulièrement aux prises avec des débris de satellite, destructeurs par leur vitesse relative. De quoi augurer le meilleur pour la fin ? Pas vraiment, la dernière demi-heure, sans être désagréable, douche un peu l'enthousiasme : trop répétitive, conventionnelle, manquant d'ampleur, presque bâclée. Comme si, contrairement à un James Cameron qui aurait sans doute trouvé le bon tempo, Alfonso Cuaron avait été pressé d'en finir. Dommage car visuellement quelle virtuosité !

LA BATAILLE DE SOLFERINO (Justine Triet, 18 sep) LL
Une jeune femme (Laetitia Dosch), présentatrice pour une chaîne d'information continue, est réquisitionnée en dernière minute pour couvrir la rue de Solferino le jour du 2è tour des élections présidentielles. Que va-t-elle faire des enfants, sachant qu'elle n'a pas confiance dans le père (Vincent Macaigne), dont elle s'est séparée et qui sort de l'hôpital psychiatrique ? Le morceau de bravoure est la partie tournée en "live" le 6 mai 2012. Le reste est une chronique naturaliste braillarde et brouillonne, pas inintéressante mais filmée sans relief. Un premier film prometteur si Justine Triet prend confiance dans les moyens du cinéma.

HAEWON ET LES HOMMES (Hong Sang-soo, 16 oct) LL
Haewon (Jeong Eun-Chae, très bien) est une jeune étudiante qui rêve de faire une carrière d'actrice à la Charlotte Gainsbourg (c'est ce qu'elle dit à Jane Birkin qui passait par là, dans son propre rôle). Sa mère partant pour le Canada, doit-elle renouer avec une liaison protectrice (un de ses profs) ? Après deux beaux films (The Day he arrives et In another country), Hong Sang-Soo ajoute une nouvelle variation à son oeuvre. On retrouve certains ingrédients assez récurrents : le prof retraité des plateaux de cinéma, les relations pataudes, le repas alcoolisé, les zooms en milieu de plan etc. Mais, hormis l'écho à sa filmographie passée, le film peine à exister pour lui-même.

MA VIE AVEC LIBERACE (Steven Soderbergh, 18 sep) L
Quelques années dans la vie de Liberace (équivalent américain d'un croisement entre Richard Clayderman et Jacques Martin) dans les années 70, racontées par Scott, l'un des amours de sa vie, beaucoup plus jeune. C'est aussi l'histoire d'une homosexualité qui n'est pas publiquement assumée. Cela aurait pu faire un bon film. Tous les ingrédients (et les clichés) y sont, mais rien ne surprend (à part peut-être Matt Damon) : Michael Douglas en fait des caisses, et Steven Soderbergh, pourtant un bon faiseur, ne sait pas comment le filmer.

PRISONERS (Denis Villeneuve, 9 oct) o
Deux familles passent la journée ensemble, avant l'angoisse : deux de leurs fillettes ont disparu. Devant l'action compliquée de la police (Jake Gyllenhaal reprend un rôle voisin de celui qu'il avait dans Zodiac), l'un des pères va jusqu'à torturer le suspect idéal (un simple d'esprit joué par Paul Dano) pour tenter de connaître la vérité... Comment Denis Villeneuve (Incendies) a-t-il pu réaliser ce thriller sans point de vue de mise en scène, donc avec une complaisance insoutenable, et qui plus est avec des rebondissements aussi peu crédibles ?

Version imprimable | Films de 2013 | Le Lundi 28/10/2013 | 0 commentaires




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